Information
Avec ces supporteurs qui enquêtent sur la vente de l'OM
Plus de 260 supporteurs marseillais échangent régulièrement des informations sur une éventuelle vente du club phocéen dans une boucle Telegram. Ils ont laissé « Le Figaro » l'intégrer et nous ont expliqué leur démarche.
FOOTBALL L'Olympique de Marseille sera-t-il vendu ? Ce serpent de mer alimente les rubriques foot des médias et enflamme les réseaux sociaux. Le 26 juin 2020, Le Figaro faisait état dans ses colonnes de l'intérêt de Mourad Boudjellal et de Mohamed Ajroudi pour l'OM. Un an plus tard, le club phocéen appartient toujours à Frank McCourt. Certaines croyances ont toutefois la vie dure, et des supporteurs marseillais, peu convaincus par les dénégations de l'homme d'affaires, ont décidé de s'émanciper de la presse nationale pour mener leur propre enquête.
Le Figaro a eu vent de l'existence d'une boucle Telegram sur laquelle plus de 260 supporteurs de l'OM échangent, débattent et, surtout, partagent des informations qu'ils auraient glanées çà et là.
« Des contacts «bien placés» »
Ses membres sont médecins, avocats, professeurs, fiscalistes ou encore contrôleurs aériens, et n'ont rien à voir avec le milieu du journalisme. Une boucle créée en mars 2020, en plein confinement. « On n'est pas là pour chercher le buzz » , précise Ludal, l'un d'entre eux. L'idée est surtout de « partager des informations qualitatives sur la vente » , nous explique le noyau dur de ce groupe, composé de six twittos, appelé le Comex. Tous ont tendance à croire que le club est a minima en vente, voire déjà vendu depuis des mois.
Des informations, ils sont persuadés d'en avoir. Ceux qui en ont les obtiennent grâce à leurs connaissances : « On s'est aperçus que certains avaient des contacts «bien placés», dans les milieux politique et sportif. Des agents, des hommes d'affaires... » Les messages commençant par « Un ami m'a dit que... » pullulent sur le groupe. Certaines informations se complètent, d'autres sont totalement contradictoires. Et parfois l'une est confirmée. L'un des membres du groupe annonçait ainsi l'arrivée très prochaine de Pablo Longoria le 22 février dernier. Le club a officialisé par communiqué son nouveau président le 26 février.
Mais la méthode a ses limites. Antoine* confie au Figaro avoir des « informations invérifiables pour le commun des mortels », mais qu'il « fait confiance à (sa) source, qui côtoie les hautes sphères ». Puis, avec le recul, il concède : « C'est vrai que c'est problématique de ne pas pouvoir vérifier l'invérifiable, et une seule source ne peut pas être considérée comme vérité absolue. » Le Comex de ce groupe se veut toutefois rassurant sur ce qui circule dans cette conversation : « Nous restons très vigilants sur le «on m'a dit que», on prend des pincettes ... » Mais contrebalance : « Il faut se rendre à l'évidence, quel intérêt aurait un ami à mentir à un ami sur un sujet qui ne l'intéresse pas ? »
La presse sportive en cause
Budget du club, recrutement de joueurs, vente du Vélodrome, changement des statuts... Le moindre indice susceptible d'aller dans le sens d'une vente est partagé dans le groupe, puis analysé, voire interprété par ces supporteurs. L'expertise de certains, notamment dans les domaines économique ou juridique, leur permet d'en tirer des conclusions.
Lorsqu'on lui demande s'il n'y a pas un risque de surinterprétation, le Comex répond : « L'erreur peut arriver, nous essayons de rester vigilants. Néanmoins, nous avons l'humilité de le reconnaître quand nous faisons fausse route. » « Bien sûr qu'on peut tout surinterpréter, on n'est pas objectifs dans nos recherches. On cherche ce que l'on veut trouver et on sera les premiers déçus », concède Antoine.
L'une des raisons également évoquées de la création de ce groupe Telegram est la perte de confiance en la presse sportive française. Le sentiment que les médias cachent des informations est assez présent parmi ces supporteurs. La question est alors lancée sur le groupe : « Pourquoi certains journalistes ou certaines personnalités politiques alimentent publiquement le sujet avant de se rétracter ? » « Prenez l'exemple de Matthias Manteghetti (journaliste de Canal+, NDLR), qui avait annoncé une émission spéciale et puis, le soir venu, plus rien, et ce sans explication », précise l'un d'entre eux. Pressions venues « d'en haut », embargo sur les infos... Plusieurs raisons sont avancées par nos supporteurs pour évoquer ces supposés manquements de la presse.
L'obsession pour le sujet est tellement forte que certains ont conscience de passer pour des « illuminés ». Mais, s'il y a bien quelque chose qui revient dans tous les témoignages, c'est « la passion » : « Pour nous, cette façon de faire est normale. Vu de l'extérieur, cela peut effectivement paraître disproportionné. Mais c'est juste que l'OM est unique. Il faut aimer ce club pour le comprendre », conclut l'un des membres.
*Le prénom a été modifié dans un souci d'anonymat.
Le Figaro