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Portrait de Jacques Cardoze, le nouveau directeur de la communication de l'OM
À 51 ans, Jacques Cardoze, le présentateur de « Complément d'enquête », a déjà eu une vie bien remplie. Danseur de ballet puis reporter de guerre, il tente une aventure inattendue comme directeur de la communication de l'OM.
Jacques Cardoze prendra ses fonctions comme nouveau directeur de l'OM le 15 juin. (F. Faugère/L'Équipe)
François-Guillaume Lemouton
11 mai 2021 à 20h30
Au sein de l'équipe de Complément d'enquête, on a cru un instant à un « canular » : Jacques Cardoze, le présentateur du magazine d'investigation de France 2, était pressenti pour être le prochain directeur de la communication de l'Olympique de Marseille. Les collègues de l'ancien correspondant au bureau de Washington n'ignoraient pas que le journaliste était assez mordu pour se brancher sur un match de l'OM durant le montage d'un sujet de politique internationale, à une poignée de minutes du 20 heures. Mais pour l'imaginer faire un tel choix de carrière, il fallait vraiment bien le connaître.
En bref :
51 ans.
1986 : à 17 ans, il déménage en Belgique, pour travailler au Ballet royal de Flandre.
1994 : il débute à la télévision en préparant des sujets pour « Tout le sport », sur France 3.
2001: il part en reportage près de la frontière afghane après les attentats du 11-Septembre.
« On est dans une entreprise où les gens sont assez confortablement installés et font des choses intéressantes. Faire ce pari-là, c'est quand même assez dingue, couillu. Mais ça lui ressemble », sourit Étienne Leenhardt, chef du service de politique étrangère à France Télévisions. Cardoze a patienté jusqu'à vendredi dernier pour officialiser la nouvelle parue le lundi précédent dans L'Équipe, mais ses collègues avaient compris entre les lignes que l'ancien reporter de guerre était bien parti pour changer d'univers.
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Avant même de prendre les rênes de Complément d'enquête, il y a trois ans, Jacques Cardoze pensait déjà à l'OM. Correspondant à Washington (de 2013 à 2018), un graal de la profession, il commençait à vérifier la prédiction que lui avait faite l'un de ses chefs : « Dans le journalisme, tu ne connaîtras jamais mieux. » « À un moment, on vous demande votre opinion sur comment va le monde, sur ce qu'il faut penser des États-Unis... Washington, c'était tellement fort que je ne voyais pas ce que je pouvais faire de plus », reconnaît-il.
La danse au détriment du bac
Tombé amoureux de la région depuis son passage de correspondant à Marseille (de 1997 à 1999), ancien abonné du Vélodrome, Cardoze avait tenté une première approche en 2016, au culot. Au moment où Frank McCourt rachète l'OM, il appelle le nouveau président du club, Jacques-Henri Eyraud, pour lui proposer ses services. Sans succès. Après avoir suivi, avec tristesse, l'assaut de la Commanderie, le 30 janvier, Cardoze a décidé de retenter sa chance en passant directement par le groupe de Frank McCourt, éveillant cette fois l'intérêt du propriétaire américain du club.
Ce n'est pas la première fois que le rédacteur en chef de Complément d'enquête décide de changer de vie. Avant d'embrasser la même carrière que son père, Michel Cardoze, figure moustachue des bulletins météo de TF1 dans les années 1980, le journaliste a eu une première vie professionnelle, qu'il a longtemps tenue secrète. De 15 à 22 ans, le futur « dircom » de l'OM a été danseur de ballet. Dernier-né d'une fratrie de musiciens professionnels, il a dansé à la Comédie-Française, au Ballet royal de Flandre puis au ballet de Nancy, s'exonérant au passage de passer son bac. « La danse, c'était huit heures par jour... De la même façon qu'un jeune footballeur, si un danseur veut en faire son métier, il faut qu'il s'investisse à fond. »
15
L'âge auquel Jacques Cardoze, ancien « petit rat » de l'Opéra de Paris, a commencé à travailler à la Comédie-Française. Il touchait 9 000 ou 10 000 francs par mois (environ 2 600 euros, en tenant compte de l'inflation).
Mais à 22 ans, Cardoze change de voie : « Il a débarqué un été dans notre maison du Gers, il avait eu une petite entorse - rien de grave, il aurait pu continuer -, et il m'a dit : "J'arrête la danse, je veux devenir journaliste" », se souvient Michel Cardoze, ancienne plume de l'Humanité. Embarqué comme stagiaire au service des sports de Radio France à l'été 1992, après avoir été présenté par son père à Ivan Levaï, le directeur de l'information, Jacques Cardoze décide de passer sous silence son cursus de danseur : « Pour une raison simple, c'est qu'on est malades du cloisonnement en France. Là, ils ont vu débarquer un jeune gamin de 22 ans qui s'y connaissait en foot et qui avait très envie de leur apporter des cafés le matin. »
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Reporter pour les journaux de France 2, grand reporter pour Envoyé spécial (de 1999 à 2003), correspondant à Londres puis à Washington... Cardoze réalise un beau parcours. « C'est un mec qui a une énergie et une niaque que j'ai rarement vues, raconte son ami Arnaud Comte, de France Télévisions. Je me suis retrouvé avec lui après l'ouragan Irma à Saint-Martin (en 2017). On a mangé des sardines et campé pendant plus de deux semaines sans électricité ni eau courante. On s'est même retrouvés en alerte cyclonique, avec des vents qui soufflaient à 150 km/h, et Jacques ne lâchait rien. »
« Ça ne m'étonne pas du tout qu'il devienne directeur de la communication de l'OM. Il aime le foot et le pouvoir, donc ça lui va bien. »
Dominique Pradalié, ancienne rédactrice en chef de France Télévisions.
Le 8 avril 2003, en Irak, la veille de la chute de Saddam Hussein, la voiture de Cardoze et de son cameraman est prise sous le feu de l'armée américaine, qui assiège Bagdad. « Ils avaient pris notre véhicule pour une bagnole de rebelles. » Sans nouvelle de son journaliste jusqu'au lendemain, la rédaction de France Télévisions appelle les proches de Cardoze pour les « préparer au pire ». Privé de moyen de communication, il s'est en fait planqué au rez-de-chaussée d'une maison pendant la nuit. « T'es vivant, toi ? », lui lance une consoeur de France 3 en le voyant réapparaître. En 2006, le reporter se fait braquer un pistolet sur la tempe dans un village libanais tenu par le Hezbollah. Il réussit à repartir sain et sauf en négociant l'effacement des images de son reportage. « J'ai appelé la rédaction et je leur ai dit : "Je crois qu'il faut que je m'arrête." Il était temps que je parte dans des bureaux. »
Quand il a débarqué dans ceux de Complément d'enquête, en 2018, alors peu connu du grand public, Cardoze avait peur que sa « pomme fasse chuter l'audience ». Mais le visage rond de l'animateur passe finalement bien. « Depuis l'âge de 6-7 ans, il a passé sa vie devant des miroirs comme danseur, il sait regarder le public », assure Michel Cardoze. De son père, qui l'emmenait tous les ans à la Fête de l'Huma, Jacques Cardoze a hérité du goût de la politique mais pas forcément des idées. Ceux qui l'ont côtoyé à Complément d'enquête le classent même plutôt à droite. Sans certitude. « Ce n'est pas parce qu'on est journaliste qu'on n'a pas des opinions, concède-t-il. Mais le téléspectateur ne doit pas savoir pour qui vous votez. Et le meilleur moyen de faire ça, c'est de taper sur tout le monde dans l'échiquier politique. »
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À 51 ans, Jacques Cardoze jouit d'une bonne image à France Télévisions, où son nom a régulièrement circulé pour occuper des postes à responsabilité. Mais en passant au monde du football et de la communication, le journaliste sait qu'il fait gloser. « Ça ne m'étonne pas du tout qu'il devienne directeur de la communication de l'OM. Il aime le foot et le pouvoir, donc ça lui va bien », grince Dominique Pradalié, ancienne rédactrice en chef de France Télévisions. « Je ne suis pas spécialement avide de pouvoir mais, si c'est un moyen de bien faire mon travail, je l'assume, se défend Cardoze. Là, je choisis un monde forcément volatil alors que j'aurais pu rester jusqu'à 70 ans à France Télévisions. J'ai juste envie de réussir quelque chose dans un domaine que j'adore... »
Adoubé par Anne Méaux, l'influente conseillère en communication de Frank McCourt, Cardoze a déjà rencontré Pablo Longoria, le nouveau président de l'OM, mais il préfère rester discret sur son futur rôle au club : « Le côté personnage public, le fait d'être identifié, de pouvoir aller au-devant des médias, évidemment que tout ça a compté dans mon recrutement. » L'ancien reporter de guerre débutera sa nouvelle vie à l'OM le 15 juin. Il sait qu'il sera à nouveau en première ligne.