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Quand il a appris que le match de L2 entre Nancy et Le Mans (2-1) avait été interrompu vendredi par l'arbitre, M. Mokhtari, en raison de chants homophobes, Olivier Rouyer (63 ans) s'est indigné. L'ancien international (17 sélections), ex-joueur de Nancy et consultant pour la chaîne L'Équipe, est connu pour être le seul joueur pro français à avoir dévoilé son homosexualité. Il se désole que des propos homophobes soient entonnés dans les stades et souhaite des sanctions sévères. Comme c'était prévu avant les événements de vendredi, il ira à la rencontre des groupes de supporters à partir du mois de septembre afin de les sensibiliser.
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« Quelle a été votre première réaction quand vous avez appris ce qui s'est passé vendredi à Nancy ?
Le premier sentiment, c'est un sentiment de honte. Il faut être clair et net. Surtout que ça se passe dans ma ville, dans mon club. Ce serait ailleurs, ce serait pareil, mais raison de plus. Après, c'est la colère. Se dire qu'on ne s'en sortira pas et qu'on est toujours confrontés à des imbéciles. Ça, c'est quelque chose qui me révolte.
Qu'est-ce qui vous a le plus choqué ?
Qu'on puisse toujours chanter des chants homophobes. Je n'arrive pas à comprendre. Dire : ''La Ligue, la Ligue, on t'enc...'', mais quel est l'intérêt ? Et ensuite, d'aller dire des conneries sur l'adversaire, les Messins, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est terrible. On a l'impression de se dire qu'on n'avance pas.
Certains supporters disent qu'ils chantent cela depuis plus de vingt ans. Pourquoi ne vous indignez-vous qu'aujourd'hui ?
Les chants, c'est vrai, ça fait un certain temps que ça existe. Personne n'a bronché parce que, comme l'a dit une fois la présidente de la Ligue (Nathalie Boy de la Tour), c'était entré dans le folklore. Personne n'en prenait ombrage. Moi par exemple, c'est vrai qu'il y a vingt ans, j'étais comme tout le monde. Mais là maintenant, ça me met en colère parce qu'il y en a marre, parce qu'on évolue. À partir d'aujourd'hui, je vais me battre 100 fois plus pour que cela disparaisse des stades. Il y a quelque chose qui m'agace : si jamais on fait du racisme (sic), tout le monde crie au scandale. Mais quand ce sont des chants ou paroles homophobes, c'est normal. On s'en fout complètement. Non, ce n'est pas du folklore. Ça l'a été, je veux bien l'admettre, mais c'est terminé. Sur les terrains, il y a des joueurs qui, même s'ils ne le disent pas, sont homos, et je suis sûr qu'ils sont blessés par ça. Certains spectateurs ne sont pas forcément homos mais ils sont aussi atteints parce qu'ils en ont marre d'entendre ça.
Quand, au stade, vous entendez, par exemple, ''Oh hisse, enculé'', ou ''les Messins, c'est des PD'', ça vous heurte ?
Je trouve ça méchant. Il y a un moment, on va même sur de l'intolérance. On va toujours vous dire qu'il y a du folklore, mais il y a aussi des gens qui en profitent pour crier leur haine. Car le pire, dans tout ça, c'est qu'il y en a qui le pensent. Et ils profitent du football pour aller crier cela. Eh bien stop. Je trouve que l'arbitre a été génial. Si j'avais été au stade, j'aurais été le féliciter à la fin du match.
À partir de quel moment des propos sont-ils homophobes ? À partir de quel moment on franchit la ligne ?
Je vais être très clair, net et précis : à partir du moment où vous insultez quelqu'un. Vous preniez les exemples : ''Les Messins sont des pédés'', ça c'est homophobe. Terminé. Quand vous dites ''gay'', il n'y a pas de mépris. Quand vous dites ''pédé'', il y a du mépris.
« Mettre trois points en moins déstabilisera dix millions de fois plus le supporter que de savoir que le club a payé une amende de 50 000 balles »
Un dirigeant de l'OM, qui a prévu d'organiser une réunion avec les groupes de supporters, disait : ''Certaines expressions font partie du phrasé marseillais depuis très longtemps, c'est un problème sociologique, d'éducation à régler bien en amont du stade.'' Que pensez-vous de ce discours ?
C'est totalement vrai. Mais il ne faut pas croire que c'est uniquement marseillais. C'est un problème national. De toute façon, on ne s'en sortira que par là, par l'éducation. Il faut responsabiliser tout le monde. Les présidents, ils sont gentils, mais ils disent : ''C'est pas de ma faute.'' Non, il faut arrêter avec ça.
Justement, le président de Nancy (Jean-Michel Roussier) était clair, il condamnait les propos entendus vendredi. En revanche, il regrettait le manque de moyens mis à disposition pour agir, notamment concernant la prévention.
Ça c'est faux. Je ne suis pas d'accord. Ça fait depuis X temps qu'on l'entend dans les stades, simplement, personne ne prend la mesure. Je le regrette. Mais maintenant, je pense qu'avec Nathalie (Boy de la Tour), ils (les présidents) ont quelqu'un qui a envie de réagir à tous ces chants homophobes, qui a décidé de lutter contre ça. Alors tout à coup, on s'affole : mais les gars, si vous pensez que c'est la Ligue qui doit vous aider, déjà, aidez-vous vous-mêmes.
Les joueurs doivent-ils se mobiliser ? Ont-ils un rôle à jouer ?
Les joueurs, on ne les entend jamais parce qu'il y a une forme de peur. Si je vais commencer à crier contre les supporters, ils vont me siffler, et je ne sais trop quoi. Bien sûr qu'il faut qu'ils entrent dans le schéma, qu'ils soient présents. Mais bon, là aussi, il y a un problème d'éducation.
Concernant le protocole d'actions mis à la disposition de l'arbitre (interruption brève et rappel du speaker, puis interruption longue, puis interruption définitive), est-ce suffisant ou faut-il aller plus loin ?
C'est un protocole intéressant mais moi, je suis extrémiste. J'aimerais que le match ne reprenne plus. Il faut donner match perdu. Terminé. Il n'y a pas à discuter. C'est comme ça qu'on résoudra les problèmes. Si, à Nancy, qui a gagné le match, la sanction se retourne et qu'à cause des chants homophobes, Nancy perd, je peux vous assurer que les spectateurs qui ont chanté ces chansons-là, le prochain coup, ils fermeront leur gueule. Bien sûr, on n'aura pas réglé le problème. Mais on n'entendra plus ces horreurs. Et surtout, ce que je veux, c'est qu'on arrête de me parler de sanctions financières ou de suspendre une tribune, c'est de la connerie. Mettre trois points en moins déstabilisera dix millions de fois plus le supporter que de savoir que le club a payé une amende de 50 000 balles.
Vous allez rencontrer des supporters pour les sensibiliser. Que souhaitez-vous leur dire ? Quels seront vos mots ?
Le premier, c'est la tolérance. Le deuxième, c'est l'acceptation. Et la troisième chose, c'est de leur dire : ''Mais est-ce que vous savez ce que c'est ? Est-ce que vous comprenez ce que vous dites ? Qu'est-ce qu'il y a dans votre esprit ? Qu'est-ce que c'est qu'un "pédé" pour vous ?'' Ça, je voudrais bien l'entendre. Je voudrais qu'ils m'expliquent. Il ne faut surtout pas que le match Nancy - Le Mans soit un exemple et qu'on l'oublie. Si au prochain coup, les supporters du PSG gueulent ''les Marseillais, c'est des pédés'', tac, le match, doit être arrêté automatiquement. Et inversement si c'est à Marseille. Il faut que ça s'arrête. Si on veut le respect de l'être humain, c'est par là que ça passe. »