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L’OM de Tapie, c’était ça !
Un livre à paraître jeudi 18 avril (« Dans le vestiaire de l’OM » d’Alexandre Fievée aux Éditions Hugo Sport) retrace les années de présidence de l’homme d’affaires, avec de nombreux témoignages des acteurs de l’époque. Voici quelques extraits. « Viens, on va combattre le FN ! »*
Le 2 juin 1988, on apprend que Joseph-Antoine Bell ne sera plus marseillais la saison prochaine… « Il y a impossibilité de cohabiter avec Bernard Tapie », explique le gardien […] « Avec lui, il fallait toujours tout analyser pour comprendre ce qu’il voulait dire ou ce qu’il voulait vraiment faire. Et je crois que lui aussi en avait marre de moi. À ses yeux, je commençais à prendre trop de place […] C’est pourquoi je pense qu’il souhaitait mon départ, mais il ne voulait pas que ça lui fasse du tort. Car il ne faut pas oublier qu’il venait de se lancer en politique. À un moment, il voulait même que je m’engage avec lui. Il me disait : “Viens, on va combattre le FN !” Et, à côté de ça, il avait parfois des attitudes et des propos pas très nets. Tapie est un type qui, je crois, n’a pas de conviction. En fait, si, il en a une : c’est lui, sa conviction. »
Cantona viré !
Le 28 janvier 1989, Marseille affronte à Sedan le Torpedo Moscou dans le cadre d’un match de bienfaisance organisé pour soutenir les victimes du tremblement de terre en Arménie. Conspué par le public, averti par l’arbitre, Éric Cantona jette son maillot à terre et quitte le terrain […] Du côté de Bernard Tapie, la pilule ne passe pas. Il décide de se séparer du joueur. La scène est racontée par Jean-Pierre Bernès : « Nous étions dans son bureau, Canto et moi, plutôt coincés. On sentait que Bernard avait du mal à se contrôler. Il a commencé par demander à son joueur pourquoi il s’était comporté ainsi : “Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait, de la mauvaise image que vous donnez du club ?” Au bout de quelques minutes, Cantona, qui se tenait tête baissée depuis le début, a osé lever les yeux vers Tapie : “Excusez-moi, président, mais pourquoi est-ce que vous ne me tutoyez pas ?” “Parce que je ne tutoie que les gens que j’aime.” C’était fini : Cantona était cassé. Bon à jeter. Et d’ailleurs, dans la foulée, Tapie lui a annoncé qu’il était viré. »
« Quand je te dis que j’ai pris Maradona... »
« Un soir, le téléphone sonne, raconte Gérard Gili. C’était Bernard Tapie qui voulait m’informer qu’il venait de prendre un nouveau joueur. Je me souviens lui avoir répondu : “Tu sais, Bernard, en ce moment, on gagne tous les matches, le groupe se porte bien, la concurrence est saine. Prendre un nouveau joueur, est-ce nécessaire ?” Il m’a répondu : “Quand je te dis que j’ai pris un joueur, ce n’est pas un joueur de plus. C’est Diego Maradona.” Je lui ai demandé de répéter car je n’en croyais pas mes oreilles. Et je crois qu’immédiatement, je me suis projeté pour savoir comment nous pourrions jouer avec Diego Maradona. » Peu de membres du club sont informés de l’existence de pourparlers avec la star argentine. […] « On était à l’hôtel, vers Troyes, car on allait jouer la demi-finale retour de Coupe de France contre Auxerre, se remémore Gaëtan Huard. Et le matin, au petit déjeuner, on a découvert la une de L’Équipe qui annonçait l’arrivée de Diego Maradona à Marseille. On est tombés des nues, d’autant plus que c’était presque une officialisation. La manière dont c’était écrit dans L’Équipe – “MARADONA À MARSEILLE” – ne laissait pas l’ombre d’un doute. Après avoir lu ça, on était ultra motivés. La demi-finale, Auxerre ne pouvait pas la gagner ! » Dans la soirée du 3 juin, Diego Maradona infirme les rumeurs selon lesquelles il pourrait quitter Naples […] L’opération échoue malgré les démarches de Jean-Pierre Bernès. « Je suis allé en Argentine rencontrer l’agent de Maradona. Mais le joueur voulait un club tranquille. Il avait besoin de souffler. Et quand il a vu tout ce que l’annonce de sa venue avait suscité à Marseille, il a préféré ne pas venir. »
Et Boli ne signa pas au PSG…
Autre surprise, le transfert de Basile Boli d’Auxerre à Marseille. « C’est Jean-Pierre Papin qui a convaincu Bernard Tapie de me recruter parce que j’étais, selon lui, le meilleur défenseur français […] Pour la petite histoire, je devais signer au PSG. Tout avait été finalisé avec Borelli. Mais, le lendemain, Tapie a voulu me voir. Il m’a dit : “On me dit que tu es le meilleur défenseur de France, mais je ne suis pas convaincu. J’ai regardé tes matches en équipe de France. Tu n’as pas une bonne relance.” “Vous demandez à me rencontrer pour me dire ça ?”, lui ai-je répondu. “Qu’est-ce que te propose le PSG ?” “Je ne peux rien vous dire, sinon que tout est déjà réglé : l’école pour les enfants, la maison, etc.” Il m’a fait une proposition et je suis rentré chez moi annoncer à ma femme notre départ pour Marseille. À l’époque, je n’étais pas très aimé par le public marseillais. Si bien que, lorsque je suis arrivé à Marignane, on m’a caché dans une fourgonnette pour que personne ne me voie. On est allés avec Jean-Pierre Bernès au Prado, où j’ai signé mon contrat. »
Le Kaiser et la police
Franz Beckenbauer poursuit sa découverte de l’OM. Et il va de surprise en surprise. « Un jour, on devait s’entraîner à Luminy, se souvient Bernard Pardo. Et comme il avait beaucoup plu la veille, le gardien n’a pas voulu nous laisser entrer pour ne pas qu’on abîme la pelouse. Si vous aviez vu la tête de Franz, ce jour-là… Personne ne s’occupait de nos fringues. C’est Beckenbauer qui a imposé les machines à laver et les sèche-linge. C’est lui qui a aussi demandé à ce qu’on ait des costumes officiels pour les déplacements. » Bernard Pardo enchaîne avec une autre anecdote. Fin novembre, des policiers l’interpellent, avec deux coéquipiers, en plein entraînement, dans le cadre de l’enquête concernant les comptes du club de Toulon : « Trois inspecteurs de police en civil sont arrivés. L’un d’eux m’a fait signe de le rejoindre. Je me suis approché et ils m’ont dit : “On ne veut pas faire de vagues, mais il faudrait que Casoni, Olmeta et vous nous suiviez.” “Quoi, maintenant ? Mais on s’entraîne.” Ils ont ajouté : “Oui, tout de suite, on vous emmène en garde à vue !” Franz, qui avait assisté de loin à la scène, m’a demandé ce qu’il se passait. Je lui ai expliqué qu’on devait partir car la police nous attendait. Interloqué, il s’est exclamé : “What police ?” Quand il nous a vus partir avec les policiers, ça l’a tué. Sa tête avait changé de couleur. Il devait se demander où il était tombé ! »
À Valenciennes, tout le monde savait
Lors de la 36e journée, les Olympiens se déplacent à Valenciennes, dix-huitième au classement. Les jours qui précèdent la rencontre, prévue le 20 mai, une tentative de corruption se met en place. Elle sera fatale pour l’OM […] À la fin du match, toutes les discussions entre joueurs tournent autour de ça. « Tout le monde était au courant de la situation parce que je l’ai racontée aux joueurs, explique Jean-Jacques Eydelie. Mais cette histoire n’a pas appelé beaucoup de réactions de leur part. On ne peut pas dire qu’ils aient été surpris non plus. On connaissait les rumeurs. On avait eu aussi écho, durant la saison, d’irrégularités. Plusieurs fois, on s’était demandé si on avait gagné grâce à nos qualités ou parce que des joueurs en face avaient été achetés. Par exemple, contre Monaco, au Vélodrome, on nous avait expliqué que les joueurs adverses avec les chaussettes baissées, étaient ceux qui étaient corrompus. Je ne sais pas si c’était une boutade ou la réalité, mais c’est quelque chose dont on avait entendu parler. Sur d’autres matches, même sans avoir ce niveau d’information, il nous arrivait d’avoir des doutes. Entre joueurs, on s’en plaignait. C’était à la fois très agaçant et très vexant pour les footballeurs que nous étions de savoir que des choses comme celles-là pouvaient être faites. On se sentait assez forts pour assurer le résultat sans qu’il y ait un arrangement. »
France Foot