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NICE PERD LA TÊTE
En plein mercato, Jean-Pierre Rivère, le président du Gym, et Julien Fournier, le directeur général, ont annoncé qu’ils allaient quitter le club, en raison des tensions les opposant aux actionnaires sino-américains. Nice perd la tête
En plein mercato, Jean-Pierre Rivère, le président du Gym, et Julien Fournier, le directeur général, ont annoncé qu’ils allaient quitter le club, en raison des tensions les opposant aux actionnaires sino-américains. DE NOTRE ENVOYé SPéCIAL PERMANENT
RéGIS TESTELIN (Avec A. Cl.) NICE – Jeudi, à deux jours de la réception de Bordeaux en L 1, juste après la conférence de presse de Patrick Vieira, Jean-Pierre Rivère était passé au club comme si de rien n’était pour manger la galette des rois. Souriant et badin, le président du club avait échangé de façon informelle avec les journalistes présents. Il avait été question de Mario Balotelli, des querelles avec l’OM, des relations difficiles avec les actionnaires sino-américains (Chien Lee, Alex Zheng, Mike Conway et Elliott Hayes, qui possèdent 80 % des parts du club) et de leur vision étriquée du mercato, si différente de la stratégie qu’ils avaient mise en place, depuis plusieurs saisons, avec le directeur général, Julien Fournier.
Rivère le regrettait et envisageait de donner une conférence de presse, autour du match contre Bordeaux, pour parler transferts. Le point de non-retour semblait loin d’être atteint et il était alors inimaginable de le voir annoncer son départ et celui de Fournier, dès le lendemain. C’est pourtant ainsi que les choses se sont passées, hier, dans la salle de presse du centre d’entraînement. Les divergences de points de vue, entre l’actionnaire majoritaire et le duo Rivère-Fournier, sur le dossier Ryad Boudebouz, ont-elles été la goutte d’eau qui les a poussés à tout envoyer promener ? Possible mais le problème serait plus profond.
Durant une heure, après avoir averti les salariés du club et les joueurs de leur décision, les deux hommes ont expliqué aux médias pourquoi ils s’en allaient. Dans la matinée, Rivère était allé voir Christian Estrosi, le maire de Nice, pour l’avertir. « On a des tensions avec nos actionnaires, c’est un secret de Polichinelle, a commenté Rivère. Ces tensions s’accentuent en période de mercato, et, cet été, cela a laissé des traces. La fluidité n’est plus là. On avait déjà failli partir en fin de saison dernière. En janvier, on a beaucoup travaillé avec les équipes et on a encore eu des divergences. Ce n’était plus possible. C’est usant de passer un mois et demi à convaincre un actionnaire de recruter (Youcef) Atal. Il y a de longs mois, nous avons demandé à l’actionnaire de nommer un homme à eux à nos côtés. En vain. »
Les divergences ? Le tandem Rivère-Fournier a toujours été partisan de réinvestir chaque centime d’euro gagné par le club, dans les structures ou l’achat de joueurs. Les actionnaires sino-américains, eux, seraient plus pragmatiques, même si ni les uns ni les autres n’ont à ce jour perçu les moindres dividendes sur les bénéfices. Depuis deux mois, Rivère et Fournier estimaient indispensable d’offrir à Vieira des joueurs confirmés cet hiver, du profil de Younès Belhanda ou de Ryad Boudebouz. Mais chacune des pistes soumises par le duo aux actionnaires (auxquels Rivère avait vendu la majorité de ses parts en juin 2016) a été jugée trop chère, ou pas pertinente.
“Sur les ventes, on est toujours d’accord, mais sur les arrivées, un peu moins. Eh bien, on gérera les départs et eux les arrivées
Jean-Pierre Rivère, le président de Nice
Les nouveaux actionnaires sont partisans du trading, l’achat de jeunes espoirs susceptibles d’être revendus des fortunes. Un modèle jugé inadapté à la situation sportive actuelle du Gym par Rivère et Fournier. « Ce n’était pas jouable de manager dans ces conditions, a estimé Rivère. On a invité l’actionnaire à recruter une ou deux personnes pour nous remplacer dans nos fonctions. » Mais pourquoi faire cette annonce dans un timing aussi mauvais ? « On a un devoir de clarté et de transparence, a répondu Rivère. On doit la vérité aux gens. Et puis le moment est venu d’accélérer le mouvement et l’arrivée de nouveaux dirigeants. »
Rivère et Fournier partent-ils de leur plein gré ou poussés vers la sortie ? À partir du moment où leur pouvoir de décision s’était ainsi réduit, la frontière est ténue. Dans combien de temps s’en iront-ils ? « Cela peut être dans dix jours, au maximum fin mai, a répondu le président. On gérera le quotidien, hors mercato. On attend les nouveaux arrivants et on les accompagnera. On n’est pas en conflit avec les actionnaires, mais on n’est pas à l’aise dans ce management. » Et puis il y a cette phrase, un peu surréaliste, de « JPR » : « Sur les ventes, on est toujours d’accord, mais sur les arrivées, un peu moins. Eh bien, on gérera les départs et eux les arrivées. »
Annoncé en contact avec le club de Premier League de Southampton, pour devenir directeur sportif, Fournier n’a pas voulu confirmer la piste mais a précisé que son avenir serait dans le football. Rivère, lui, n’a aucune intention de rebondir dans un autre club de L 1. Actionnaires à hauteur de 20 %, ils le resteront jusqu’à nouvel ordre. Damien Comolli, proche des actionnaires et en poste à Fenerbahçe, fait partie des gens cités pour reprendre l’exécutif. « Il n’y a pas de crise au club », a estimé Rivère. Ça y ressemble pourtant beaucoup.