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«Don» Vebole, ex-concierge de luxe des footballeurs
Vacances, immobilier, transfert entre clubs, conseil en patrimoine… Jérôme Vebole, 33 ans, parti de la customisation de voitures de luxe, s’est retrouvé homme à tout faire de footballeurs tels que Djibril Cissé. Aujourd’hui, il rêve de bâtir un empire.
L’homme en impose. Dans le palace parisien où il a donné rendez-vous, il arrive tout de noir vêtu, veste cintrée, chapeau, lunettes teintées, la barbe taillée au millimètre, accompagné d’un garde du corps qui ne décroche pas un sourire. «Don Vebole», se présente-t-il. «Don», comme «Don Corleone», le héros du Parrain (Francis Ford Coppola, 1972), ce film dont il connaît les dialogues par cœur. «Dans la Mafia, il n’y a pas d’élection, pas de barouf et, pourtant, ça fonctionne depuis plus de deux cents ans, explique-t-il, de sa voix posée. Il y a peut-être matière à inspiration…»
Après avoir joué les hommes à tout faire pour des footballeurs, comme Djibril Cissé, Jérôme Vebole, 33ans, veut passer à l’étape supérieure. Devenir un parrain à son tour, et créer, grâce à l’appui de ses riches clients, un petit empire, avec sociétés holdings et tout le toutim. Il ne s’agit plus seulement de personnaliser les 4×4 des stars du ballon rond ou de réserver leurs vacances. Immobilier, transfert entre clubs, conseil en patrimoine: «Don» Vebole élargit son offre. Jusqu’à proposer aux célébrités d’investir avec lui dans la création d’écoles de la deuxième chance, ainsi que dans un domaine en plein essor, le cannabis. Légal, s’entend. Il a déjà monté une société de vente en gros en Californie, où la marijuana est autorisée depuis janvier, et il veut à présent lancer sa marque Forever Wellnessdans tous les Etats où c’est possible. Son ambition? Lever 150millions d’euros d’ici à 2022 pour développer tous ses projets.
Faillite personnelle Seulement voilà: les investisseurs ne se laissent pas convaincre facilement. Séduit à l’idée d’«améliorer le monde en permettant à chacun de se construire un avenir», le milieu de terrain du FC Metz Georges Mandjeck a donné son accord. Mais pour Hatem Ben Arfa, ça coince. L’attaquant du PSG devait être un des premiers à apporter des fonds. «Il s’était engagé sur 450000euros», précise «Don» Vebole. Mais les fonds ne sont pas arrivés, le ton est monté, et l’affaire s’est réglée en justice. Résultat: en novembre2017, le tribunal a prononcé la faillite personnelle de Jérôme Victor Vebole pour une durée de dix ans. Vebole, «c’est un escroc qui a voulu nous faire chanter», glisse l’entourage de Ben Arfa. «Il m’a coulé une société, ça ne m’empêche pas d’en créer d’autres derrière», réplique l’intéressé.
«J’étais au point de vente, je vendais barrette par barrette, gramme par gramme. J’ai arrêté avant de me faire descendre ou coffrer par la police.» Petit voyou en costume chic ou futur parrain du foot et king du cannabis? Jérôme Vebole fait partie de ces jeunes intelligents et débrouillards qui ont connu une ascension-éclair dans le sillage des vedettes du football, sans toujours respecter la loi. Né à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) en1985, il est le fils unique de Martiniquais qui s’étaient rencontrés à Paris. Il passe son enfance entre Lognes (Seine-et-Marne) et la cité des 3000, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où vivent des cousins. Une adolescence dans les cités de banlieue. Autour de lui, des règlements de comptes, des copains qui meurent dans des motocross sans casque, du trafic de drogue.
Il a 15ans quand ses parents se séparent. «Maintenant, c’est toi l’homme de la maison», lui déclare son père. Resté seul avec sa mère, femme de ménage, Jérôme Vebole tente d’améliorer l’ordinaire en faisant payer ses amis quand il bricole leurs scooters. Puis il travaille chez Quick, avant qu’un «grand» de la cité ne lui offre un poste beaucoup mieux rémunéré. Jusqu’à 5000euros par mois, quand sa mère en gagne péniblement 1300. «J’étais au point de vente, je vendais barrette par barrette, gramme par gramme», raconte-t-il. Il se met ensuite à son compte, en écoulant aussi des PlayStation et des recharges SFR d’origine inconnue. Précision: «Ce n’est pas moi qui faisais les casses.»
Un bon business. Rapidement, il peut offrir une BMW à sa mère. Mais les risques le font hésiter. «Est-ce que tu veux vraiment continuer cette vie-là?», lui demande sa copine, alors qu’ils ont 19ans. Il renonce à ses trafics. «J’ai arrêté avant de me faire descendre ou coffrer par la police», se félicite-t-il.
Grosses cylindrées tape-à-l’œil Il décroche le bac tout en se lançant dans la personnalisation non plus de scooters, mais de grosses cylindrées. Après avoir appris le métier aux Etats-Unis, il tente de créer sa société en France, et fait le tour des banques. Trente-huit demandes, autant d’échecs, jusqu’à ce qu’un chargé de compte de la BRED lui parle cash: «Vous avez 19ans, vous venez de la banlieue, vous êtes noir, vous voulez travailler sur les voitures de luxe: votre profil ne peut qu’entraîner un refus.»
Alors Jérôme Vebole convainc sa mère de vendre leur maison pour qu’il puisse lancer son affaire. Avec l’argent, il achète aux Etats-Unis une énorme Cadillac, en fait un de ces bijoux tape-à-l’œil dont raffolent les rappeurs, puis s’offre un stand pour l’exposer dans un salon spécialisé à Paris. Cela ne rate pas: Booba, en visite sur place, repère le monstre, devant les caméras de M6. «Ma mère était très fière.» L’année suivante, c’est Djibril Cissé, alors buteur star de l’OM, dont le jeune homme fait la connaissance sur le même salon. Le courant passe, et une nouvelle vie débute pour Jérôme Vebole.
«Je suis entré dans le monde des célébrités en leur préparant des Porsche Cayenne, des Lamborghini. De fil en aiguille, ils m’ont demandé d’autres services.» Il descend quelques mois à Marseille, travaille pour Cissé, rencontre Mathieu Valbuena, Hatem Ben Arfa, l’acteur Matt Damon. «Je suis entré dans le monde des célébrités en leur préparant des Porsche Cayenne, des Lamborghini. De fil en aiguille, ils m’ont demandé d’autres services: réserver un voyage, des vacances, vendre une maison…»
Dix ans plus tard, «Don» Vebole rêve de bâtir sur cette base un vrai groupe de services. Lui qui porte des tatouages en hommage à Napoléon, Martin Luther King et Barack Obama voue aussi une admiration sans bornes à Bernard Tapie, «un autodidacte, un meneur d’hommes, un dirigeantqui a fait de la prison et s’est relevé». Comme lui, il aimerait être reconnu en tant qu’artiste et homme d’affaires à la fois, voire en tant que parrain bienfaiteur.
C’est son héritage martiniquais. Reprenant un système développé par son grand-père boulanger puis par son père, il estime avoir pour mission de protéger ceux qui l’entourent et lui doivent du respect. Un système d’aides, de bourses, a déjà été créé, auquel «Don» voudrait ajouter des écoles. «Pour les gens de ma famille, à peu près trois cents personnes aujourd’hui, je suis un peu le président, ou un deuxième papa, affirme-t-il. C’est cela le sens du mot “parrain”.»