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LES VERTS, CʼEST L'AMÉRIQUE
Bernard Caïazzo et Roland Romeyer, propriétaires et présidents de l’ASSE, devraient annoncer cette semaine la vente du club à un repreneur américain. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
BERNARD LIONS SAINT-ÉTIENNE – Roland Romeyer n’est pas passé dans son bureau de président du directoire de l’AS Saint-Étienne vendredi. Pas plus qu’il ne se trouvait à Monaco hier soir. Romeyer (72 ans) ne viendra d’ailleurs bientôt plus au centre d’entraînement et de vie de l’ASSE, à L'Étrat. Ou alors, ce sera en simple visiteur invité. Lui et Bernard Caïazzo (64 ans), le président du conseil de surveillance, ont trouvé et choisi un acheteur pour les parts qu’ils se partagent depuis le 21 décembre 2004, date à laquelle Caïazzo avait cédé la moitié du club à Romeyer.
Menées dans le plus grand secret depuis plusieurs mois par la banque Lazard, avec laquelle Caïazzo avait signé un contrat d’exclusivité l’été dernier, le cabinet Deloitte et le cabinet d’avocats Kuperfils, les tractations ont abouti il y a quelques semaines, avec la signature d’un accord de principe portant sur la vente de la totalité des parts du club. Les dernières semaines se seraient résumées à des échanges de documents entre les avocats des deux parties. Si cette vente ne peut pas devenir officielle avant le 15 juin pour des raisons comptables et légales, son annonce pourrait toutefois intervenir avant la fin de cette semaine. Peut-être même dès mardi. Parce que le temps presse. Les Verts ont un effectif à reconstruire au plus vite et le nom d’un entraîneur à arrêter pour la saison prochaine.
UN REPRENEUR discret
Comme révélé par L’Équipe dans son édition du 26 avril, l’ASSE devrait passer, comme l’OM, sous pavillon américain. Si le nom du repreneur n’a pas encore filtré en raison des clauses de confidentialité strictes signées par les deux parties, il s’agirait d’un homme d’affaires américain proche de Maxim Demin, le propriétaire russe de Bournemouth (ANG), qui n’est pas partie prenante à la reprise des Verts. Préférant rester pour l’instant en retrait, le futur propriétaire de l’ASSE a mandaté Jérôme de Bontin, homme d’affaires franco-américain et éphémère président de l’AS Monaco (10 avril 2008-27 février 2009), pour conduire l’opération de rachat à sa place. Ce dernier aurait rencontré Romeyer à Paris début avril. Caïazzo étant malencontreusement arrivé en retard, Romeyer a honoré ce rendez-vous seul. D’abord réticent, il aurait finalement validé le projet de reprise présenté par De Bontin. En attendant que ses contours précis soient publiquement dévoilés, plusieurs tendances se dégageraient.
UNE VENTE À MOINS DE 50 M€
Caïazzo et Romeyer avaient un vœu pieux : valoriser le club, qu’ils ont acheté 5 M€ en 2004, à au moins 80 M€. Sauf qu’un récent audit a considérablement fait baisser ce prix. Certes, l’ASSE est désormais propriétaire de ses installations à L’Étrat et du bar-hôtel-restaurant le Chaudron vert, et elle a repris la gestion en direct de sa boutique. Les Verts demeurent aussi une marque forte, au point d’être les seuls en France à avoir ouvert leur musée. Et, malgré les efforts consentis lors du mercato d’hiver, le club ne devrait pas perdre d’argent cette saison, comme c’est le cas depuis six ans, s’il termine dans les six premiers.
Mais la valeur réelle d’un club reste liée à l’aune de son portefeuille de joueurs. En dehors du latéral gauche Gabriel Silva, du milieu international norvégien Ole Selnaes, qui jouit d’une belle cote en Angleterre et auprès des gros clubs italiens, voire du gardien Stéphane Ruffier, lié jusqu’en 2021, aucun autre joueur ne possède une réelle valeur marchande. Cabella et Ntep ont été prêtés à Saint-Étienne, respectivement par Marseille et Wolfsburg. Beric, M’Vila et Subotic n'auront plus qu’un an de contrat la saison prochaine. Hormis l’attaquant Jonathan Bamba, qui prend des cours d’anglais en attendant de partir libre au 30 juin – Debuchy, Maisonnial, Théophile-Catherine et Monnet-Paquet le seront aussi –, le centre de formation ne produit plus assez de talents.
Reste également le problème de la propriété des parts d’Adao Carvalho, l‘homme d’affaires portugais, condamné pour escroquerie en 2014 (*) et avec lequel Romeyer s’était associé pour racheter la moitié de celles de Caïazzao, en 2004. Ces parts, qui permettent de détenir indirectement 22 % du capital du club, ont été saisies par la justice le 4 novembre 2016. Cela a forcément pesé lors des négociations. Selon une source proche du dossier, la vente ne devrait pas dépasser les 50 M€. On parle plutôt de 40 M€.
UN PROJET SEMBLABLE À CELUI DE RED BULL
Toutes proportions gardées, le futur propriétaire aurait dans l’idée de calquer son projet sur celui de Red Bull, la marque autrichienne de boisson énergétique propriétaire des clubs du RB Salzbourg (AUT), des RB de New York (USA) et du RB Leipzig (ALL). Autrement dit, il ambitionnerait de faire de Saint-Étienne la matrice de plusieurs clubs. Cette stratégie se voudrait par conséquent tournée vers l’international. Mais cela prendra du temps avant de mettre sur orbite cet ambitieux projet, dont la finalité consisterait à performer plutôt que de faire du business à tout crin.
DE BONTIN ARRIVE
Si Jérôme de Bontin, l'ancien président de l'ASM, pouvait également investir dans le club, ce serait pour un montant modeste. Car l’essentiel se situe ailleurs pour lui, au niveau d’un poste opérationnel qui pourrait être semblable à celui d’Olivier Létang, président délégué et manager général du Stade Rennais, ou de Jacques-Henri Eyraud, président du directoire de l’Olympique de Marseille. Mais De Bontin ne viendrait pas seul. Il s’entourerait d’un directeur du marketing spécialisé dans le digital afin d’accroître les recettes, d’un directeur général en charge de l’administratif, qui pourrait être l'actuel directeur général, Frédéric Paquet, attendu aux États-Unis dès la fin du Championnat, et d’un nouveau directeur sportif qui remplacerait Dominique Rocheteau, qui se verrait alors proposer le rôle d’ambassadeur des Verts.
SAGNOL, FUTUR HOMME FORT DU SPORTIF ?
Marié à une Autrichienne, sensible à la culture allemande et appréciant de venir à Munich assister aux matches du Bayern, de Bontin entretient de longue date des relations amicales avec Willy Sagnol (41 ans, notre photo). Il sait l’ancien international français (58 sélections de 2000 à 2008) et latéral droit du Bayern (2000-2009) natif de Saint-Étienne, polyglotte et polyvalent. Aux yeux de De Bontin, sa double culture, locale et internationale, fait de l’ancien sélectionneur Espoirs français (2013-2014) et entraîneur de Bordeaux (2014-mars 2016) la personne idoine pour chapeauter tout le domaine sportif. Une première prise de contact aurait eu lieu dès novembre.
Il ne semble toutefois pas acquis que Sagnol, également proche de Patrick Guillou, resté le chouchou du Chaudron, et proche des Magic Fans, rejoindra la nouvelle équipe dirigeante des Verts tout de suite. La saison prochaine,il pourrait effectuer une pige dans le Golfe ou en Angleterre, de préférence à la Chine, avant de revenir au sein de son club formateur.
CAÏAZZO RESTERAIT DEUX ANS
Si Romeyer s’est fait à l’idée de quitter définitivement le club, Caïazzo aimerait y rester comme représentant des Verts auprès des instances. Un rôle qu’il occupe déjà, à Paris. C’est ce qu’il serait parvenu à négocier avec les Américains, sous la forme d’un contrat de vingt-quatre mois. Il s’agirait d’une entorse dans la volonté des futurs repreneurs de faire table rase du passé, comme cela s’est produit à l’OM peu après l’arrivée de Frank McCourt, et d’un risque pris vis-à-vis des supporters notamment, au moment où ils se lanceront dans une opération séduction. Pas sûr dès lors que Caïazzo ira au bout de son contrat. Car dans quelques jours, les Verts devraient tourner pour de bon une page de leur déjà riche histoire.
(*) Des procédures le concernant sont en cours au pénal pour une fraude à l'URSSAF et devant le tribunal de commerce.
L'Equipe