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PRESSION; L'OM, stress et paillettes; Les Olympiens, qui ont un statut et des salaires de stars, ont vécu une première partie de saison éprouvante sur le plan mental. Zoom sur cet aspect psychologique essentiel à la performance de très haut niveau. Encore plus à Marseille.
C'est une scène ordinaire qui illustre le quotidien d'un club extraordinaire qui vous poursuit partout, même jusqu'au restaurant. Après l'humiliation à Paris (4-0) en septembre, en pleine crise à l'OM, un supporter se filme et accoste Vitinha pour une poignée de "j'aime" sur les réseaux sociaux : "Nous, on pleure et toi tu es en terrasse...". Réponse du Portugais : "Je pleure plus que toi quand je rentre chez moi." De là à imaginer tous les Olympiens en larmes après chaque défaite, il n'y a qu'un pas, mais il ne faut pas minimiser non plus le stress qu'engendre ce club sur toutes ses strates, du supporter le moins impliqué aux dirigeants, aux joueurs et aux entraîneurs. L'un des leaders du vestiaire, Pau Lopez, n'avait pas hésité à évoquer son spleen en octobre, alors qu'un de ses prédécesseurs au club, Florian Thauvin, s'en était ouvert avec des mots très forts dans une interview à Canal + le mois dernier. "En allant voir une psy, trois mois avant que je parte, j'ai éclaté en sanglots.
Ça m'a fait du bien de pleurer. Cette dame m'a dit que j'étais en dépression.On ressort un peu lessivé de ce club. Je voulais retrouver un peu de tranquillité, moins de pression de la part des supporters ou des médias."
Son ancien équipier Dimitri Payet, 8 saisons et demie à Marseille, a aussi eu l'occasion d'expérimenter la pression à la sauce provençale. "C'est l'équipe dont on parle le plus, celle qui est le plus critiquée dans les médias et par les supporters. Ici, c'est noir ou blanc, il n'y a aucun juste milieu, nous confie-t-il. Soit tu réussis, soit tu tombes." Un vocabulaire plus proche du champ lexical de la guerre que de celui du sport, symbolique aussi d'une difficulté à s'épanouir à l'OM comparable à celle de beaucoup de grands clubs, qui drainent bien plus de passion et de supporters qu'ailleurs. Et même quand une forme de continuité dans les résultats s'installe sous la présidence de Pablo Longoria (deux podiums de suite), la tempête couve en permanence et peut éclater n'importe quand, à la stupéfaction de tous ceux qui ne comprennent pas le contexte marseillais.
"Un maillot lourd à porter"
Les dirigeants, les joueurs, les entraîneurs n'ont que deux alternatives : s'adapter ou partir le plus vite possible. Pour l'instant, Gennaro Gattuso, qui a en vu d'autres, semble composer : "C'est un plaisir de travailler pour ce club, même si parfois c'est difficile. Il faut que je parvienne à couper et ne pas arriver à la limite comme c'est le cas en ce moment. Je devrais me reposer un peu plus. C'est un maillot qui est lourd à porter en raison de son histoire, son blason, de tous les fans du club dans le monde... Cela engendre du stress."
Son rôle depuis son arrivée a été de ramener de la tranquillité autour d'un effectif à la dérive, redonner de la confiance à des éléments qui n'en avaient plus et qui menaçaient (ou menacent toujours) de sombrer dans la déprime. Le tout, en gagnant des matches et en essayant de donner un style à une équipe léthargique sans en avoir le temps. Cela donne des joueurs sur un fil et sous tension permanente. À deux doigts d'imploser après un piteux nul à Strasbourg le 25 novembre, l'OM avait su relever la tête contre l'Ajax au Vélodrome (4-3) avant d'enfin enchaîner.
"Des internationaux
se sont liquéfiés à Marseille !"
Fin analyste, Gérard Gili estime que le trac, "qui peut être négatif, doit être transformé en positif par un coach. C'est une mise à niveau mentale tous les jours et pour 25 personnes." Cela explique que certains joueurs brillent avant et après leur passage en Provence, pas pendant, même si les décideurs prennent en compte le profil psychologique des potentielles recrues. Beaucoup ont la qualité footballistique pour l'OM, moins ont la carrure. "J'ai toujours été curieux que des joueurs soient en dents de scie par périodes. Cela peut s'expliquer par l'histoire du club, le fait de jouer devant un public aussi fourni, développe Gili. Le Vélodrome, au lieu d'être un facteur de sublimation, était une souffrance pour certains. Des internationaux se sont liquéfiés à Marseille, il fallait presque les pousser sur le terrain ! D'autres, à cause d'une charge émotionnelle trop importante, ne peuvent pas s'épanouir avec ce fameux maillot blanc sur les épaules." Étrangement, alors que les résultats sont moyens, les joueurs n'ont pas semblé paralysés par l'imposante enceinte du boulevard Michelet où ils restent invaincus, contrairement aux années Sampaoli et Tudor, durant lesquelles ils sous-performaient à domicile. Mais on n'est plus à un paradoxe près avec ce club où il vaut mieux rester imperméable aux mauvaises ondes. "Personnellement, quand j'étais dans le mal et qu'on me tirait dessus, on réussissait à me faire remonter la pente, se souvient Payet. Mais ce n'est pas une méthode normale, donc je conseillais à mes équipiers de ne rien lire, écouter ou regarder quand ils étaient dans le dur. Si vous prenez en compte les critiques, vous ne tentez plus rien et des problèmes encore plus gros arrivent."
Il y a autant de méthodes pour vivre avec la pression que de joueurs dans l'effectif de l'OM, mais la fatalité n'existe pas : pour le préparateur mental provençal Pier Gauthier, "si les émotions sont bien gérées, elles sont très utiles et importantes dans la haute performance." Julien Corvo, dans le staff de Jonathan Clauss, conclut : "On n'a pas besoin d'évoquer cette énorme attente de l'environnement, les joueurs en prennent conscience dès leur premier jour à Marseille. L'idée est de faire en sorte que cette pression exceptionnelle devienne quelque chose de normal, de commun. Ça fait partie du job ici : plus on enchaîne les bonnes performances, moins on ressent cette pression." Et une fois ce fameux contexte olympien maîtrisé et ce cercle vertueux enclenché, les strass et paillettes ne sont jamais bien loin.
La Provence