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Au quatrième étage du palais de justice de Marseille, le juge Guillaume Cotelle a-t-il dégoupillé le "troisième étage de la fusée" tant redouté ? L'instant judiciaire est-il venu de faire le lien entre l'OM et le monde sulfureux du banditisme ? Il est vrai que la ligne jaune de la légalité n'a eu de cesse d'être franchie depuis plus de vingt ans, d'affaires successives des comptes de l'OM en transferts présumés frauduleux, en passant par le plus récent épisode : l'embauche par le club marseillais d'un policier parisien toujours en exercice (lire ci-dessous), qui a aiguillonné le sens critique du préfet de police Laurent Nuñez.
Depuis hier matin, Jean-Luc Barresi, 55 ans, personnage incontournable de l'OM, agent de joueurs et figure tutélaire du banditisme, une vraie gueule, un personnage à la faconde marseillaise, presque un cacique du club, condamné en 2014 à un an de prison ferme pour une vile affaire de racket sur le port, était entendu dans les locaux de l'Évêché par les hommes de l'Office central de lutte contre le crime organisé. Ils ont signalé leur présence à leurs collègues de la PJ marseillaise, puis se sont mis au travail. Au Palais de justice, on confie non sans humour que "c'était effectivement au programme des réjouissances" , la "réjouissance", à Marseille, étant souvent le signe judiciaire d'une liaison dangereuse entre l'OM et le "milieu".
Barresi, ou l'un des trois frères - Jean-Luc, Franck et Bernard - , bien connus de la justice, a en effet régné pendant des années sur les transferts de l'OM. Il était assisté en garde à vue de son avocat, Me Pierre Bruno, injoignable hier malgré nos efforts, portable criblé de messages.
Le dossier dit des transferts douteux à l'OM, c'est une masse d'investigations qui ont commencé en 2011 - révélées en 2012 par La Provence -, au gré d'autres investigations sur un règlement de comptes dans le milieu expéditif des boîtes de nuit aixoises. Un dossier baptisé "Mercato" qui a accouché pour l'heure de trois mises en examen : celles de Jean-Claude Dassier, président de 2009 à 2011, d'Antoine Veyrat, directeur général jusqu'en 2011, et de Philippe Perez, numéro 2 jusqu'en février. Ce sont 740 comptes bancaires dûment épluchés, 60 personnes et 110 sociétés passées au crible sur la période 2007-2014, 18 transferts de joueurs qui auraient donné lieu à des habillages, rétrocessions et autres commissions occultes : achats surévalués, durées de contrat et prolongations abusives, salaires démesurés, primes indues, services rendus à des agents qui n'en étaient pas... Au total, 64 647 380,94 euros qui auraient été détournés. Par exemple sur le transfert de Gignac (26,8 millions le 20 août 2010), celui de Lucho Gonzalez (8,4 millions le 1er juillet 2009) ou celui de Niang (1,9 million le 18 août 2009).
Dans ce dossier aussi touffu que complexe, criblé d'écoutes téléphoniques qui révèlent les coulisses édifiantes de l'OM, où presque tout le monde a été espionné, Jean-Luc Barresi tiendrait une place privilégiée. Il a été présenté hier soir au juge Guillaume Cotelle, mis en examen pour "blanchiment" et "recel d'abus de biens sociaux en bande organisée" et placé sous contrôle judiciaire. Aucun des joueurs n'a pour l'heure été entendu par le magistrat. Ce sera peut-être l'ultime étage de la fusée judiciaire. On se souvient qu'à la fin des années 1990, dans un autre dossier, un juge avait omis d'y recourir et s'était alors attiré les foudres du parquet de Marseille...