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http://cahiersdufootball.net/blogs/les- ... ergetique/Y'a pas les photos ici mais je mets quand même le contenu écrit :
« 2014/2015 : CE QUI VA CHANGER (OU PAS) TACTIQUEMENT
DORTMUND : LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Quand Jürgen Klopp, qui a pourtant mené ses hommes à plus de prestations spectaculaires que Jean Fernandez, parle de “match parfait”, c’est qu’il s’est passé quelque chose. Ce commentaire, fait après la nette victoire en ouverture de la Ligue des champions face à Arsenal (2-0), traduit une sorte d’aboutissement. Le moment où le bâtisseur pose les outils, s’allonge dans l’herbe et constate la beauté d’un édifice terminé.
DISSERTATION DE PHILOSOPHIE
Dans le football, il n’y a jamais vraiment de fin. La permanente remise en question oblige à toujours regarder de l’avant. Surtout quand on n’est que le 16 septembre, période de l’année où pas grand-chose ne compte, en tout cas dans les coupes européennes. Mais un commentaire aussi laudatif peut interpeller : pourquoi encenser à ce point son groupe si tôt, surtout quand on a déjà connu les sommets ? Pour rendre compte d’une vérité d’abord. Oui, tactiquement en tout cas, Dortmund fut parfait face à Arsenal. Mais, au-delà du résultat brut, c’est son contexte qui légitime l’oeuvre de Klopp.
Marco Reus, l’une des références à son poste, a en effet rejoint Gundogan, Hummels, Sahin et Blaszczykowski à l’infirmerie. Généralement, une équipe qui souffre d’autant d’absences tente de faire au mieux, s’adapte. Et effectivement, il y a une part de bricolage dans les compositions d’équipes en ce début de saison, avec également l’intégration de nouveaux joueurs à faire. Sauf que l’entraîneur allemand ne base pas ses succès sur un système tactique ni même une animation au sens où on l’entend habituellement, mais sur une philosophie. Une idée qui transcende les schémas pour peu qu’elle soit correctement mise en place : le gegenpressing, contre-pressing en français.
Kehl monte au pressing au moment où son adversaire tourne le dos et lui prend le ballon. S'en suit un quatre contre trois proche de finir au fond.
PROBLÈME SANS SOLUTION
La formule n’est pas qu’un joli mot pour se faire mousser en société. D’ailleurs, même Jürgen Klopp l’embrasse, lui qui l’utilisa deux fois en conférence de presse après la rencontre, mardi soir. Contrairement au pressing traditionnel, qui est une phase de jeu éphémère, le contre-pressing ne change pas, ne s’arrête pas, et doit être le plus sûr moyen de marquer. Face à un adversaire mal préparé, une telle approche peut rendre la partie à sens unique, comme ces matches de basket déséquilibrés où l’instauration d’une défense tout terrain permet d‘empêcher l’autre de passer le milieu de terrain.
Arsenal n’est pourtant pas Vanuatu mais Arteta, Ramsey et Wilshere, les trois milieux axiaux, n’étaient pas prêts à ce qui les attendait, pas plus que les ailiers Sanchez et Özil. Car si on peut blâmer la défense anglaise, assez souvent à la rue, c’est tout l’ensemble qui était bancal, absolument pas préparé à affronter la saine agressivité allemande. Contraints de sauter les lignes pour ne pas être pris au piège, les hommes d’Arsène Wenger ont renié leur jeu. Et quand ils ont voulu passer au sol, ils se sont plus exposés que jamais.
MAÎTRISE DES GRANDS CONCEPTS
Paradoxalement, le système kloppien, très précis dans son mouvement général, ne répond pas aux critères habituels de lecture tactique. Ou, plutôt, doit plus être jugé au ressenti, à l’effort général, que par des chiffres (4-3-3, 4-3-1-2 et autres formations préférentielles du club allemand). Dortmund court plus que son adversaire, suit le ballon et n’est quasiment jamais replié dans un bloc en formation, le moment où l’on définit généralement le mieux un schéma. Cela donne un rendu un peu freestyle, où les zones d’influence (voir ci-dessous) montrent qu’il n’y a que le latéral droit, Durm, pour occuper l’aile, et où tout le monde semble se marcher sur les pieds dans l’axe. Dans une équipe qui ne construit pas et ne se replie pas non plus, il n’y a que des phases de transition, donc pas de position au sens strict.
Zones d'influence du Borussia contre Arsenal (StatsZone).
Cela ne veut pas dire que tout le monde improvise : Mkhitaryan est plutôt meneur, Immobile en pointe, les latéraux occupent leur couloir et la paire Bender - Kehl reste fixée à la récupération. Mais l’atout principal est le volume d’efforts que peuvent absorber les joueurs du Borussia, multipliant les courses jusqu’à laisser penser qu’ils sont deux ou trois de plus sur le terrain. Quand cela se combine avec l’explosivité (le mot est faible concernant d’Aubameyang), les réponses ne sont pas faciles à trouver. Et l’espoir, au-delà d’un coup de moins bien physique, réside dans l’incapacité des attaquants à convertir leurs occasions faute de lucidité, un trait habituel – on se souvient de cette démonstration mal récompensée lors du quart retour face au Real Madrid l’an dernier – et encore très visible contre Arsenal, chez Mkhitaryan notamment. “Je lui ai dit qu’on n’avait pas besoin de ses buts, aujourd’hui”, a toutefois souri Jürgen Klopp, en interview d’après-match.
REÇU AVEC MENTION
L’entraîneur allemand a également rappelé son idée : pouvoir offrir le même contenu, peu importe qui est sur le terrain, citant Kagawa, préservé, en même temps que son cortège de blessés. Le fait qu’il ait pu mettre en place un jeu si élaboré aussi tôt dans la saison, avec la recrue Ciro Immobile en pointe parmi les hommes les plus en vue (et les plus à l’aise dans le système !), incite à l’optimisme pour le reste de l’exercice. Dortmund a tiré vingt-trois fois au but contre cinq pour Arsenal en n’ayant le ballon que 45 % du temps [70 % de possession dans le camp adverse]. Sur 294 passes, 143 l’ont été dans dans les trente derniers mètres adverses, soit près de la moitié. Et, furent, contrairement au tiki-taka, quasiment toutes verticales.
Le tir sur la barre transversale d’Aubameyang ne résume pas le match, mais l’idée ayant amené son déroulement : sortie de Weidenfeller puis relance à la main instantanée dans la course du Gabonais qui sprinte vers le but mais ne trouve pas le cadre. À ce moment de la partie, il y avait pourtant déjà 2-0… “Si vous leur laissez un mètre d’espace, ils sont tellement forts, ils font ce qu’ils veulent de vous, souligne l’entraîneur allemand. J’ai vu des situations de contre-pressing dans l’axe qui étaient parfaites, vraiment. Mais, pour faire ça, vous devez être courageux. Contre des joueurs aussi puissants, vous devez avoir les couilles de sortir et d’aller chercher des situations de un contre un. J’ai apprécié le match de la première à la dernière seconde. Voir des matchs comme celui-là, c’est le meilleur travail du monde.” Et c’est également un loisir fort agréable pour les (télé)spectateurs.
Christophe Kuchly