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OM: « Il y a une grosse part d’ignorance autour de Bielsa »
Le journaliste Thomas Goubin vient de publier un livre sur Marcelo Bielsa: « El Loco Unchained ». Cette biographie retrace la carrière du technicien argentin et permet de mieux comprendre le personnage Bielsa, devenu en quelque mois une icône à Marseille, comme partout où il est passé. Interview:
– Vous venez de sortir un livre sur Marcelo Bielsa, pourquoi Bielsa?
Thomas Goubin: « Je vis à Guadalajara au Mexique, je suis correspondant là-bas pour la presse sportive française. Cela m’a donné l’occasion de travailler sur le personnage lors de son passage dans les années 90 au Mexique. A force d’accumuler des interviews de ses anciens joueurs ou dirigeants, je me suis pris de passion pour ce personnage fascinant. J’ai continué à creuser tout ça. Je l’ai écrit maintenant car avec sa saison à l’OM c’était le bon moment pour le sortir en France. »
– En quoi Bielsa est tellement atypique, unique dans le paysage du football mondial ?
Thomas Goubin: « Tout d’abord, il vient d’une famille argentine huppée de grands politiciens et grands avocats. Cela lui a donné une vision particulière sur le football. C’est un personnage différent car il a un code éthique très clair, totalement incorruptible. Il place la loyauté, l’honnête et le goût de l’effort avant tout. Cela peut mal se passer avec ses joueurs, non pas pour des consignes mal appliquées, mais plutôt pour un manque d’allant et de courage. »
– Pourquoi est-il autant adulé par les supporters partout ou il est passé ?
Thomas Goubin: « Bielsa est obsédé par sa profession et par le rendement de son équipe. Cela crée un élan de sympathie et de résonance de la part des supporters pour quelqu’un qui fait plus que le maximum pour le bénéfice du club. Dans son discours, Bielsa met toujours les supporters au centre. Pour lui, c’est l’élément le plus important. C’est un message sincère, pas démagogique. »
– Comment analysez vous sa saison olympienne ?
Thomas Goubin: « C’est une saison conforme à ce qu’il a pu faire dans les clubs où il est passé. Mais cela est peut être plus extrême car en début de saison, les joueurs ont été transformés, améliorés en quelques semaines, avec des résultats. Puis une seconde partie de saison, si certains parlent de fatigue c’est surtout de la fatigue mentale. Le défaut de Bielsa est de s’entêter dans ses options. Quand il a mis quelque chose en place, même si cela ne marche plus, il a du mal à changer d’orientation… »
– Comment analysez-vous les critiques dont il fait l’objet en France ?
Thomas Goubin: « Il y a une grosse part d’ignorance sur qui est Marcelo Bielsa. Pour une bonne partie de la presse, être sélectionneur de l’Argentine ou du Chili cela ne représente pas grand-chose. Alors que l’Argentine est un des plus grand pays de football, bien plus que la France. La méconnaissance du football sud-américain joue aussi dans cette incompréhension. Le fait qu’il ne parle pas français cela ne l’a pas aidé dans sa communication. Ensuite son système, qu’il a mis en place depuis 1998, de ne parler qu’en conférence de presse, a rompu les habitudes du milieu. Il n’y a pas de relations privilégiées comme cela peut être le cas avec la majorité des entraîneurs en France. Cet hermétisme agace. La France en termes de football est assez réticente au changement et à la différence, Jardim fait l’effort de parler français, mais on finit par se moquer de lui… »
– A-t-il eu de type de rapport avec les medias dans les autres pays dans lesquels il a travaillé ?
Thomas Goubin: « Au Chili, c’était une idole de la Nation. Mais certains journalistes étaient agacés de ne pas avoir d’interview individuelles. En Argentine il y a deux camps, les pros et les anti-Bielsa. Une bonne partie de la presse était agacé par sa gestion des médias. Il a été sévèrement critiqué par une partie. Je n’ai pas l’impression que l’Espagne a eu les mêmes malentendus et ce manque de compréhension sur ce qu’est Bielsa. »
– En seulement six mois il a réussi à épuiser mentalement et physiquement nos jeunes joueurs Francais. Sa méthode est-elle si usante que ça, ou le joueur français est vraiment plus faignant que les autres ?
Thomas Goubin: « C’est possible. J’ai entendu une interview d’Azpilicueta, il disait clairement qu’il travaillait 10 fois moins à Marseille qu’à Chelsea. Alors que c’était Didier Deschamps, un entraîneur exigent. Un coach comme Bielsa est un vrai stakhanoviste, il fait beaucoup travailler, il renouvelle ses entraînements en permanence. Il oblige les joueurs à s’adapter en permanence. C’est une partie de la réponse. La fatigue du groupe, c’est aussi arrivé à Bilbao et à Mexico. Si ça marche les joueurs font les efforts, mais dès qu’il y a un problème, c’est beaucoup plus dur… »
– Comment Bielsa gère-t-il les périodes de mercato? On dit qu’il refuse de parler avec les joueurs.
Thomas Goubin: « Pour lui, chacun doit être à sa place. L’entraîneur s’occupe du sportif, le président du business. Il refuse de séduire, quand le coach parle aux joueurs ce n’est pas pour les appâter. Il veut convaincre de manière rationnel, c’est surtout le travail des adjoints de leur parler. Ce n’est pas étonnant de sa part. »
« Le recrutement sera l’élément décisif pour le futur de Bielsa à l’OM »
– Sa conférence de presse au lance flamme contre Labrune a fait beaucoup parler en début de saison. A-t-il tourné la page selon vous, ou pensez-vous qu’il quittera l’OM à cause de cela ?
Thomas Goubin: « Bielsa a toujours eu des relations tendues avec ses dirigeants. C’est quelqu’un qui refuse toute ingérence ou que l’on empiète sur ses responsabilités sportives. Il a fait passer son message comme peu de coaches le font. Si Labrune n’a pas compris le message et continu d’agir de la même façon, cela peut amener une rupture. Le volet recrutement sera l’élément décisif pour son futur à l’OM. »