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Les mauvais résultats qui s'enchaînent n'ont pas entamé l'aura du technicien argentin, qui reste un personnage à part.
AU-DELÀ DES DÉBATS enflammés, au-delà des passions qui déchirent les « pro » et les « anti » Bielsa, les chiffres offrent une lecture implacable que personne ne pourra contester. Et les chiffres, parfois, sont éloquents : pour sa première saison à l'OM, Marcelo Bielsa ne fait pas mieux, en termes de résultats, qu'Albert Emon, Éric Gerets, Didier Deschamps ou Élie Baup. En revanche, question popularité, aucun de ces prédécesseurs ne lui arrive à la cheville, aucun n'est parvenu à une telle unanimité, au point d'avoir son nom scandé plus que n'importe quel autre au Vélodrome, les soirs de match, et même vendredi dernier, avant le coup d'envoi contre Lorient (3-5), alors que l'équipe restait sur trois défaites.
Près d'un an après avoir débarqué dans le paysage de la Ligue 1, Bielsa a confirmé sa réputation, celle d'un personnage à part, nimbé d'une aura difficile à définir, à la fois « Loco » et génial pour les uns, taciturne et borné pour les autres, et la vérité est probablement quelque part au milieu.
À mesure que les semaines passent et que les défaites s'accumulent, à mesure que les points s'envolent et, avec eux, l'espoir d'un retour en Ligue des champions, le mystère s'épaissit autour de l'Argentin : pourquoi garde-t-il une telle cote auprès de l'exigeant public marseillais ?
Il ne faut pas avoir la mémoire trop courte si on veut analyser la trace que Bielsa laissera à l'OM, et même dans le Championnat de France. Parce qu'il laissera une trace, forcément, là où tant d'autres sont passés sans marquer les esprits. Si les résultats depuis la trêve ont rendu l'OM à son statut d'équipe presque ordinaire, les six premiers mois de la saison avaient ébouriffé la L 1. C'était un vrai tour de force, de la part de l'Argentin : avec cet effectif limité et ces talents inégaux, il avait bâti la meilleure équipe de France, débordante d'appétit et d'ambitions offensives, capable d'un pressing dès la perte du ballon que l'on avait jamais vu jusqu'ici.
CEUX QU'IL A SOUTENUS NE LUI ONT PAS COMPLÈTEMENT RENVOYÉ L'ASCENSEUR
Étouffés, surpris, débordés, les adversaires tombaient les uns après les autres et les joueurs, passés d'une saison galère à l'ivresse des sommets, louaient la méthode et l'exigence de leur nouvel entraîneur. Ils disaient en apprendre beaucoup, tous les matins, au gré d'interminables séances d'entraînement, et les bons résultats faisaient digérer tous les efforts. Bielsa a fait très fort, donc, et jusqu'au mois de mars, ses joueurs ont pu rêver du titre. Le ressort semble s'être cassé, depuis, et il a une part de responsabilité, comme tout entraîneur qui ne gagne pas.
Ses choix tactiques interpellent, souvent, mais Bielsa n'a pas non plus oublié son foot à Noël. Si l'équipe perd trop souvent l'équilibre, c'est d'abord parce que ses joueurs ne font plus les efforts qu'il faudrait. Et s'ils ne font plus les efforts, c'est parce qu'ils ne peuvent plus ou ne veulent plus les faire : le rôle de l'entraîneur est pourtant de les convaincre de leur utilité.
Pour la première fois à la tête d'un groupe qui ne parle pas espagnol, Bielsa est confronté à la barrière de la langue et peut-être l'avait-il un peu sous-estimée à son arrivée. Dans le management, dans la communication au quotidien, cette distance obligée est un handicap. Il paye, aussi, sa confiance sans limite à ses jeunes protégés, Thauvin, Imbula ou Lemina, qu'il a beaucoup soutenus mais qui, pour l'instant, ne lui ont pas complètement renvoyé l'ascenseur. Il semble, surtout, à court de solutions, incapable d'un plan B pour relancer l'équipe et redonner à ses joueurs les repères qu'ils ont perdus. Il lui reste quatre matches pour sauver ce qui peut l'être encore : au moins, on est sûr que, pour quatre matches encore, on ne s'ennuiera pas.