Dès sa première visite au centre Robert Louis-Dreyfus, Marcelo Bielsa surprend tout le monde. Le nouvel entraîneur de l’OM ne se contente pas d’écouter les dirigeants du club lui conter l’histoire de l’OM, de lui présenter les installations du centre Robert Louis-Dreyfus, de lui expliquer l’histoire des fresques, la vie des supporters, de lui détailler les tableaux ornant bureaux et couloirs.
Marcelo Bielsa est attentif. Réceptif. A l’écoute. En cette journée ensoleillée, il réserve encore sa réponse, mais il se mue en acteur. Il questionne, commente, agrémente lui-même son excursion d’anecdotes dont il regorge. Chacun de ses propos est argumenté, détaillé et illustré d’exemples tirés de son histoire personnelle. De sa culture. Dans chaque mot transpire son vécu. Une expérience dans le monde du football riche, intense, passionnante, initiée il y a plus de 38 ans et construite entre l’Amérique du Sud, l’Amérique Centrale et l’Europe.
Chaque phrase est parfumée d’un accent sud-américain. Chaque intonation a une couleur argentine. Ces deux derniers jours, au centre Robert Louis-Dreyfus, il a donné un aperçu de son perfectionnisme.
Lundi, il supervise la séance de dix joueurs du centre de formation : ceux-ci se désaltèrent. Après avoir bu, ils jettent leur bouteille au sol. Marcelo Bielsa s'avance. Une à une, l'Argentin les remet droite et les aligne. «El Loco», le fou comme on l’appelle en Argentine, naît le 21 juillet 1955 à Rosario, en Argentine, comme un certain Lionel Messi, mais aussi Lavezzi, Di Maria, Banega ou encore Herrera.
Petits-fils et fils de juristes par son père, sa mère est professeur de maths, il est dissonant dans une famille bourgeoise : son frère Rafael, avocat éminent, devient ministre des Affaires étrangères du 25 mai 2003 au mois de décembre 2005, sous la présidence de Nestor Kirchner. Sa sœur est un temps vice-gouverneur de la Province de Santa Fé.
Très jeune, Marcelo se prend de passion pour le football et supporte assidument les Newell’s Old Boys, l’un des clubs professionnels de sa ville natale, au sein duquel il débute sa carrière de joueur au poste de défenseur, en 1976. Il passe ensuite par l’Instituto de Cordoba et l’Argentino De Rosario, avant de mettre fin à sa carrière à l’âge de 25 ans.
Il devient alors professeur d’éducation physique avant d’épouser sa carrière d’entraîneur.
UNE MÉTHODE À PART
Elle débute tout naturellement aux Newell’s Old Boys. Il ne pouvait en être autrement. D’abord avec les jeunes, où il côtoie notamment Gabriel Batistuta, puis avec l’équipe première en 1990. Il remporte immédiatement le tournoi d’ouverture du championnat d’Argentine et devient champion en 1991. La saison suivante, son équipe s’impose lors du tournoi de clôture et parvient en finale de la Copa Libertadores.
La patte de Bielsa séduit. Réputé pour être autoritaire et intransigeant, il est surtout amoureux du football, du beau jeu offensif et veut transmettre sa passion à son groupe. Ses méthodes ne sont pas traditionnelles. Elles sont radicales. Il exige un investissement sans faille de la part de ses joueurs. Ils doivent tout donner, tout le temps. Si certains ne veulent pas adhérer à son projet, ils sont laissés de côté, sans état d’âme. L’équipe passe avant tout. Sa méthode porte ses fruits. Bielsa lui reste fidèle.
En 1993, il prend la direction du Mexique, où il entraîne successivement le CF Atlas (1993-1994) puis, après une saison sans club, le Club América (1995-1996).
Il prend alors à nouveau une année de recul, avant de revenir dans son pays natal à la tête du Vélez Sarsfield (1997-1998) qu’il amène jusqu’à la victoire du tournoi de clôture du championnat argentin.
Le moment est venu pour lui de donner un nouvel élan à sa carrière. Il s’envole pour l’Europe, à l’Espanyol de Barcelone. Une expérience de courte durée puisque la sélection argentine fait appel à lui après seulement six rencontres disputées en Espagne. Sélectionneur de l’Albiceleste, ça ne se refuse pas.
La qualification pour le Mondial 2002 se déroule sans encombre, mais l’Argentine ne passe pas le premier tour. Bielsa est maintenu à son poste et remporte le tournoi olympique à Athènes en 2004, avec Gabriel Heinze en capitaine et Lucho Gonzalez en meneur de jeu.
Quelque temps plus tard, il quitter la sélection, prend du repos, avant de mettre ses compétences au service du Chili qu’il emmène en 8e de finale de la Coupe du monde 2010, après avoir révolutionné l’ensemble de fédération.
Il démissionne en 2011 et revient en Europe, à l’Athletic Bilbao.
LA RENCONTRE DE DEUX LÉGENDES
Malgré des débuts difficiles en championnat, les Basques impressionnent en Ligue Europa, notamment face au PSG qu’ils battent 2 buts à 0 en Espagne. Ils atteignent la finale de la compétition, mais s’inclinent face à l’Atletico Madrid (3-0). Un échec dont Bielsa assume immédiatement l’entière responsabilité. Cette saison-là, ses hommes perdent également en finale de la coupe d’Espagne, contre Barcelone (3-0).
Marcelo Bielsa reste une saison supplémentaire au Pays-Basque, avant de le quitter en juin 2013.
Sans club depuis, il croule néanmoins sous les propositions. L’Argentin ne souhaite pas aller n’importe où. Il décrypte une à une les propositions, dans les moindres détails. Se renseigne sur tout, analyse tout, avant de prendre sa décision.
L’offre de Vincent Labrune le séduit immédiatement, mais Bielsa reste fidèle à ses principes. Avec son adjoint, ils réalisent un véritable audit du club. Ils visitent tous les bâtiments du centre Robert Louis-Dreyfus, chaque pièce des locaux administratifs, du sportif, du centre de formation, les salles de cours comme les chambres. Il interroge, donne son avis.
Une fois toutes les clefs en main, sa décision est prise : Bielsa relève le challenge olympien. Les deux légendes s’associent pour écrire ensemble une nouvelle page de leur histoire.
On l’espère longue et belle. Elle commence seulement. Elle passionne déjà…