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- Bonjour. Marcelo, est-ce que le comité d'accueil vous a plu en arrivant à la Commanderie ?
Oui, bien sûr. Je remercie beaucoup cette démonstration d'affection.
- Comment vous réagissez au fait qu'on vous appelle San Marcelo ?
(rire) Tel que je me connais, je préfère ne pas donner mon opinion.
- C'est, c'était un rassemblement a priori pour exprimer des craintes et rassurer quant à votre avenir à l'Olympique de Marseille la saison prochaine. Avez-vous de quoi rassurer ces supporters ?
Le sujet de mon avenir, on en a déjà parlé beaucoup de fois ici.
- Est-ce que vous avez votre onze de départ pour dimanche ?
Non, pas encore.
- Il y a des incertains, des blessés ?
Et bien, il y a des petits détails à régler qui m'empêchent de confirmer les titulaires. A chaque fois qu'il y a des doutes, je préfère ne pas confirmer la composition pour ne pas avoir à me contredire par la suite.
- Contre Lyon, vous risquez de jouer à trois ou à cinq derrière ?
Cela dépend exclusivement de la distribution des attaquants adverses.
- Que pensez-vous de la paire d'attaquants Lacazette-Fékir ? Pour vous, est-ce la meilleure paire d'attaquants du championnat ?
L'efficacité de chacun de ces deux attaquants est évidente. Et ils sont à même d'être comparés aux meilleurs attaquants de la Ligue 1, qui sont nombreux.
- Vous disiez d'ailleurs il y a quelques semaines - je ne sais plus quel chiffre vous donniez - beaucoup de joueurs du championnat, qui, dans les années à venir, allaient être dans les grandes équipes européennes. Vous pensiez à eux notamment ?
Le football mondial souffre d'une crise d'apparition de grands joueurs, et en regardant avec acuité le championnat français et les tendances des grands championnats d'acheter les meilleurs joueurs du monde, particulièrement ceux pour lesquels ils leur manquent le dernier palier à franchir, j'ai observé qu'il y a beaucoup de jeunes en France de 23-24 ans qui ont de très grandes possibilités pour leur avenir.
- Est-ce que vous estimez qu'un autre résultat qu'une victoire vous condamnerez dans la course au titre ?
Non, je ne pourrais pas l'affirmer, mais je ne peux pas le nier non plus.
- Est-ce que vous sentez votre groupe capable de gagner enfin par rapport à vos principaux rivaux ?
Oui, bien sûr.
- Pourquoi ?
Du fait de la qualité des joueurs, du fait de leur caractère, et du fait de leur ambition.
- Avant Toulouse, quels avaient été les axes de travail, pour permettre à l'équipe de faire un tel match ? Est-ce que vous aviez modifié quelque chose ?
Plus que Toulouse, cela s'est passé après Caen, où le travail a surtout axé sur la correction des erreurs de cette déroute. Et cette semaine, la visualisation a pour but surtout d'être orienté le match de dimanche. De toutes manières, nous sommes à un stade où l'autogestion du groupe est prioritaire.
- Concrètement, qu'entendez-vous par autogestion ?
La maturité d'une équipe, qui est un élément indispensable au haut niveau, exige de mêler les besoins liés à la compétition, à la construction des forces pour faire face à ces besoins. Beaucoup de fois, l'impulsion pour développer ces compétences nécessaires trouvent leurs origines dans le staff technique, et beaucoup de fois, l'initiative vient des joueurs eux-mêmes. En ce moment, ce sont surtout des choses de ce type, à savoir des initiatives issues des joueurs. Et moi, je vois cela comme un signe de maturité et de progression. Quand un groupe n'a pas besoin de recevoir d'ordre pour faire ce qui est nécessaire, car ils ont des impulsions internes pour faire face à ces besoins, l'intervention de l'entraîneur n'est pas nécessaire.
- Il y a eu des demandes concrètes ces derniers jours de la part de joueurs [pour ces concessions] ?
Des demandes de quels types ? (à Fabrice Olszewksi)
- Est-ce qu'il vous ont fait des demandes concrètes d'adaptation ? J'essaye de comprendre cette autogestion.
Ah d'accord, je comprends. Sur ce sujet, après la victoire de Caen, les exigences originelles qui ont été faites sur le travail que je propose, ont provoqué de la fatigue et du rejet. Donc, je lis ces messages. Et j'essaye de présenter des réponses qui satisfassent la baisse de la pression mentale. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.
- Est-ce une chose que vous avez déjà vécu Monsieur Bielsa, ce besoin du groupe de travailler différemment, cette autogestion ? Est-ce quelque chose que vous avez souvent remarqué dans votre expérience ?
Hélène Foxonet : - Est-ce que c'est propre à l'OM ?
(Fabrice Olszewski commence à traduire : Cette situation (de demande concrète d'adaptation) des journal... des joueurs pardon...
(Marcelo Bielsa réagit, avec le sourire et en rigolant : des journalistes oui, tu as tout fait raison (rire)...)
(Fabrice Olszewski : Excusez-moi...)
(Marcelo Bielsa : Non mais ce sont là des pensées subconscientes... Qui disent subconsciemment la vérité !)
(Fabrice Olszewski est interloqué et met un peu de temps avant de reprendre ; Marcelo Bielsa dégage un sourire.)
L'autorité souffre toujours du fait d'être amoindrie. A ce propos, pour revenir sur ce que nous sommes en train d'analyser, le plus significatif, c'est que la défaite affaiblit les exigences que l'entraîneur transmet.
Comme cela relève d'une description d'une situation où je suis dans une position qui s'affaiblit, je crois qu'il n'est pas nécessaire de revenir là-dessus, et qu'on peut cesser de parler de ce sujet. Au sens où j'ai commencé par dire que le groupe était en autogestion, et qu'à travers le fait d'approfondir ce sujet évoqué par [vous] journalistes, on en arrive à la conclusion que j'ai dû cédé. Et que toute cession est une manifestation de perte d'autorité. Et que cela pourrait être en adéquation avec les demandes des joueurs.
La semaine dernière, j'avais dit qu'il y avait une fatigue mentale et un rejet de la méthode. Là, maintenant, j'ai employé le mot d'autogestion.
Aucune de ces deux choses n'a été suffisante pour mettre fin à l'évocation de ce sujet, ce pourquoi j'ajoute cette troisième lecture.
Et, à ce sujet, ces concessions ont affaibli ce que moi je fais pour essayer de continuer d'aller de l'avant. J'ai fait des concessions sur ce que perçoivent les joueurs, sur la perception de ce que sentent les joueurs, et qui se différencient de la manière originelle dont moi j'avais prévu de faire les choses. Je veux être précis et clair, et je veux que ce soit clair afin qu'il n'y ait de mauvaise interprétation de ce que je dis. Car c'est la troisième fois que j'y reviens.
Je l'avais déjà dit précédemment aussi en évoquant ce qui avait été réclamé. Et [j'avais dit que] lorsqu'on voit que les efforts produits ne produisent pas ce qu'on désire, il y a une tendance naturelle à s'éloigner de ce qui ne produit pas des résultats. Et dans ce processus de trois matchs nuls et d'une défaite, cette situation s'est produite. Et aujourd'hui, j'ai donné une réponse un peu plus complète sur ce sujet.
- Pour synthétiser, n'est-ce pas douloureux comme expérience de s'apercevoir que son message ne passe pas, au point qu'il doive faire des concessions. Comment on se sent face à un groupe de joueurs qui s'auto-gèrent parce qu'ils refusent, à un moment ou à un autre, la méthode ou les consignes ? Comment vous vous sentez ?
Toutes les personnes qui sont responsables d'êtres humains, quand on voit que ce qu'on poursuit ne produit pas le résultat désiré, il y a deux chemins. Responsabiliser les gens qui exécutent, ou réviser les consignes que l'on donne. Si une équipe qui a douze points en obtient trois, et que ces quatre matchs sont menées contre des équipes avec moins de ressources, moi j'avais deux possibilités : responsabiliser les footballeurs ou réviser les consignes. J'ai opté pour revoir les consignes. La deuxième chose que j'ai écouté, c'est le ressenti des interprètes et j'ai inclus leurs opinions dans les arguments dont je dispose pour décider.
- Est-ce qu'en somme, vous considérez cette situation comme un constat d'échec ?
Comme pour n'importe quel travail, l'échec est de ne pas atteindre les objectifs. Admettre qu'il faut varier les outils exige d'accepter la diminution de l'estime de soi, qui, dans mon cas, était peut-être surdimensionnée, du fait de la valorisation externe qui se faisait de mon travail. Moi, j'ai toujours sû que cette valorisation était moyenne ou médiocre, ce qui veut dire que j'étais conscient que beaucoup de choses que j'utilise allait provoquer des effets non désirés.
- On vous a vu recevoir un prix de la presse italienne cette semaine. On vous a même vu faire un exposé. Est-ce qu'on peut savoir sur quoi portait cet exposé ?
C'était une discussion sur des aspects de la préparation destinés aux footballeurs d'élite. Mais, dans cette analyse, ce qu'il mérite d'être retenu comme conclusion, c'est que toutes les méthodes autorisent la défaite et la victoire.
Pour chaque Mourinho, il y a un Guardiola. Et Mourinho perd comme Guardiola perd. Mais comme ils gagnent beaucoup plus qu'ils ne perdent, les périodes d'analyse de leurs méthodes sont moindres. Cela a été dit par Ancelotti avec une phrase qui résume absolument tout : "La même main faible, c'est celle qui m'a permis de gagner trois Champion's."
Ce qui signifie que, lorsqu'on gagne des Coupe du Monde, des Ligue des champions comme c'est le cas de l'entraîneur de la sélection d'Espagne, ou comme Ancelotti, cela témoigne du fait d'être ductile ou sage dans la manière de gérer les très grands joueurs. Et quand on perd, parce qu'il arrive à tout le monde de perdre une fois, c'est aussi cette attitude d'être ductile et de sagesse dont il est question face à ce que demandent les grandes stars.
Tout ceci est simplement une question de proportion [dans l'application de cette sagesse]. Les grands doivent faire face à ce type de conjoncture, en peu d'occasions, car ils gagnent presque toujours. Et les médiocres, comme c'est mon cas, nous devons composer avec cela beaucoup plus souvent, parce que nous perdons beaucoup plus souvent. Et [je le dis] avec une absolue sincérité. Parce que si vous analysez les titres que j'ai eu tout au long de ma carrière, ils sont très peu nombreux.
- Hésitez-vous sur le fait de réintégrer Florian Thauvin dans le onze de départ, qui a été mis sur le banc pour la première fois de la saison à Toulouse ? Et vous basez-vous aussi sur le fait que Lyon a deux latéraux qui attaquent un peu comme les vôtres, avec Jallet et Bedimo qui sont très offensifs ?
Quand je dirigeais la sélection d'Argentine, le Brésil avait de très grands arrières latéraux qui attaquaient. Ils ont toujours eu des latéraux comme cela. Cafu, Roberto Carlos, Alvès, ils étaient très très très bons. Moi, j'ai réellement souffert de ce problème-là. Et pour moi, la meilleure recette est de les obliger à défendre.