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« Tu as vu le match d’Ayew contre Reims ? Ça ne t’a pas choqué que ce soit lui le plus frais mentalement et le plus costaud alors qu’il était à peine rentré de cinq semaines de Coupe d’Afrique des Nations ?! Ne cherche pas plus loin. La CAN a été pour lui un grand bol d’oxygène. » Cette saison, à l’OM, les contrariétés du vestiaire ne sortent que très rarement… du vestiaire. Marcelo Bielsa déteste les fuites. Mais la sonnette d’alarme a définitivement été tirée, samedi matin, par un membre important du groupe olympien. « Usure mentale ». Deux mots utilisés régulièrement pour expliquer le manque d’énergie des Marseillais depuis le début de l’année 2015. Une excuse non valable pour beaucoup de supporters ou d’observateurs, qui rappellent que l’OM ne dispute qu’un match par semaine. Mais une réalité au cœur des conversations et des frustrations chez les joueurs phocéens.
Une communication interne très laborieuse
Pourquoi les joueurs n'osent-ils pas confier leurs états d'âme directement à leur entraîneur ? « Car Bielsa est très charismatique. Il inspire beaucoup de respect, mais aussi beaucoup de crainte, explique la même source, interne au vestiaire. C'est dur d'avoir le courage d'aller frapper à sa porte pour lui parler. Et le système de communication qu'il a mis en place est très fastidieux. » Ce système, c'est le passage obligé par un homme, méconnu du grand public et pourtant dans le viseur d'une partie du vestiaire : Jan Van Winckel.
Présenté comme simple préparateur physique, l’adjoint belge de Bielsa, que l’on aperçoit en tête des footings à la Commanderie ou, lors des matches, à côté des remplaçants qui s’échauffent, est en fait le véritable coordinateur sportif de Bielsa. Les deux hommes s’étaient rencontrés en Arabie Saoudite, au printemps dernier. Et des proches de l’Argentin racontent que Van Winckel, expert en statistiques sur ordinateur et adepte des conférences scientifiques sur le sport de haut niveau, avait séduit Bielsa. Van Winckel, 40 ans, passé par la Belgique (clubs et Fédération), les Etats-Unis, deux clubs saoudiens ou encore l’équipe nationale des Emirats, parle notamment anglais, espagnol et français. Et il est cette saison incontournable dans la vie du club.
Les SMS du début de saison pour indiquer à certains joueurs qu’ils ne s’entraineraient pas avec le groupe professionnel, c’est lui. Les mails au service communication de l’OM pour les rendez-vous avec la presse, c’est également lui. Comme celui envoyé à 2h30 du matin, dans la nuit du 3 au 4 septembre pour annoncer que Bielsa parlera aux journalistes après la fin du mercato. La traduction de Bielsa lors du rendez-vous avec Vincent Labrune qui s’en est suivi, c’est encore lui. Le relais entre Bielsa et le staff médical de l’OM, c’est toujours lui.
Tensions et non-dits
Selon nos informations, cette situation est source de tensions au centre Robert-Louis-Dreyfus. Un proche de joueur raconte le fonctionnement que lui a rapporté son poulain. Un mode de procédure confirmé par plusieurs sources du vestiaire. « Le staff médical, par exemple, ne parle quasiment jamais avec Bielsa. C’est toujours "le Belge" (sic) qui transmet les infos au sujet des blessés. Est-ce qu’il dit la vérité au coach ? Beaucoup sont persuadés que les messages ne sont pas clairs, voire parfois brouillés, par peur de vexer ou d’énerver Bielsa. Demandez à Alessandrini comment il a vécu sa deuxième blessure à la cheville. Il était furieux (L’ancien Rennais, absent un mois et demi à cause d’une grave entorse, avait connu une rechute lors du match contre Guingamp mi-janvier, ndlr). »
Selon nos informations, consigne avait pourtant été donnée, par la cellule médicale, de ne faire entrer Romain Alessandrini qu’en fin de match. Le message est-il passé alors que Bielsa était en manque de solutions offensives ? Alessandrini sera finalement... titulaire et sortira blessé à la mi-temps ! Joint par RMC Sport, Christophe Baudot, le patron de la cellule médicale, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet « par respect du secret médical ».
Manque de relation humaine et d'affectif
Des non-dits. Un message brouillé. Une communication qui manque de fluidité. Van Winckel sert donc d’écran entre le groupe et Marcelo Bielsa. L’entraineur argentin a bien organisé quelques réunions avec l’ensemble des joueurs mais ces derniers en sont généralement ressortis frustrés de ne pas avoir été entendus. Et, cette saison, impossible de venir piailler dans le bureau présidentiel. Bielsa ne l'accepterait pas.
Malgré les quelques signes de bonne humeur, d'échanges ou de complicité que veulent bien montrer les caméras du club, le système Bielsa manque d’affectif. Le constat, évident, n’est pas sans rappeler le mode de communication imposé par l’ancien sélection du Chili à sa direction. « Toute conversation avec le président (« La institucion ») doit se faire par le biais d’une convocation. » Labrune, pour défendre son entraîneur, promet en privé que leurs incompréhensions sont principalement liées au fait de ne pas parler la même langue.
Un exemple cocasse tend pourtant à prouver que Bielsa n'est vraiment pas enclin à faire des efforts en matière de communication. Sa philosophie est en effet de ne jamais appeler les joueurs avec lesquels l’OM est en contact ! « Es corrupcion » (« c’est de la corruption »), répond Bielsa. De source proche de Javier Manquillo (prêté à Liverpool par l'Atlético cet hiver), on affirme sans problème que le défenseur espagnol aurait sérieusement réfléchi à rejoindre l’OM « s’il avait eu Bielsa au téléphone ».