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Marcelo Bielsa, un « Fou » pour revigorer l’OM
Marcelo Bielsa, le 11 avril, lors de Montpellier-Marseille.
Il a suffi qu'il s'installe, le plus discrètement possible, dans les travées du Stade Vélodrome pour que l'Olympique de Marseille se remette à gagner. C'est en tant que spectateur que Marcelo Bielsa a suivi, en compagnie de Diego Reyes, l'un de ses adjoints, la victoire (3-1) du club phocéen contre Ajaccio, le 4 avril, lors de la 32e journée de Ligue 1. Au chômage technique depuis son départ de l'Athletic Bilbao en juin 2013, le technicien argentin de 58 ans s'est également déplacé au Stade de la Mosson, le 11 avril, pour assister au succès (3-2) des Olympiens face à Montpellier.
Annoncé sur le banc de l'OM la saison prochaine, le quinquagénaire n'est en revanche pas venu superviser les Marseillais, le 20 avril, contre Lille (0-0). Mais son patronyme est revenu sur toutes les lèvres après le match. Par la voix de son président Vincent Labrune, le club phocéen a indiqué qu'un accord de principe avait été trouvé avec le technicien.
« Sans tomber dans l'euphorie absolue, car il faut attendre que les choses soient faites de manière définitive, on est relativement confiant pour que le dossier soit mené à bout et que l'on puisse avoir un très grand entraîneur la saison prochaine », avait précisé le dirigeant olympien. Après moultes tractations, Marcelo Bielsa s'est finalement engagé pour deux saisons, vendredi 2 mai, avec l'OM, actuel 6e du championnat. Le technicien remplacera à la fin de la saison José Anigo, l'un des totems du club et indéboulonnable directeur sportif, qui assurait l'intérim sur le banc depuis le 7 décembre 2013 et le limogeage du coach Elie Baup.
Les chantiers de Bielsa à l’OM
De nombreux défis attendent Marcelo Bielsa alors que l'arrivée du technicien argentin la saison prochaine sur le banc de l'Olympique de Marseille vient d'être officialisée par Vincent Labrune sur RMC.
ENTRAÎNEUR EXCESSIF
C'est peu dire que l'Argentin est attendu tel le Messie sur la Canebière. Surnommé « El Loco » (« le fou »), le natif de Rosario est considéré par les observateurs comme l'un des entraîneurs sud-américains les plus brillants des quinze dernières années.
Premier coach argentin à officier en Ligue 1 depuis le passage de son compatriote Angel Marcos à Nantes (2002-2003), Marcelo Bielsa a donné, en décembre 2009, son nom au Stade des Newell's Old Boys, l'une des équipes de Rosario où il évolua comme défenseur (1976-1978) avant d'en prendre les rênes comme entraîneur (1990-1992). A la tête des « Leprosos » (les lépreux), il remporte deux titres de champion et atteint la finale de la Copa Libertadores. En Argentine, il se bâtit l'image d'un entraîneur excessif et adepte des séances d'entraînement répétitives.
« Si le type ne va pas sur l’un des 220 centres que je lui fais, je le tue. Je dois lui faire sentir que c’est comme s’il avait violé une femme. Parce que ce ballon qu'il n’est pas allé chercher nous a enlevé notre argent, notre victoire, notre gloire et notre vie », déclare-t-il à l'époque. Il n'hésite pas isoler ses joueurs dans une base militaire lors des mises au vert. « Ma femme est enceinte et il y a des complications. Je lui ai dit d’appeler ses parents au cas où il y aurait un problème, a-t-il lancé à ses joueurs. Vous ne pourrez utiliser le téléphone que si vous en avez besoin pour une situation plus extrême que celle-là. »
UNE CARRIÈRE DE SÉLECTIONNEUR
En dépit de ses bons résultats, l'ex-professeur d'éducation physique décide de quitter sa ville natale et rallie le Mexique. Il dirige d'abord le centre de formation du CF Atlas avant de coacher l'équipe professionnelle (1992-1994). Après un échec relatif aux commandes de la formation de Guadalajara, il rejoint Mexico et le Club América avec lequel il termine 11e du championnat.
Après un retour concluant d'une saison (1997-1998) dans son pays natal et un titre de champion remporté avec le Velez Sarsfield, le technicien signe à l'Espanyol Barcelone. Inspiré par les méthodes des coachs européens, il ne reste que six matches à la tête de la formation catalane. Car entre temps la fédération argentine, en détresse, l'a contacté pour remplacer le sélectionneur Daniel Passarella, éliminé par les Pays-Bas en quarts de finale du Mondial 1998, organisé en France. Chargé de qualifier l'Albiceleste à la Coupe du monde 2002, il réussit pleinement sa mission avec 13 victoires en 18 rencontres.
Mais sur les pelouses nippones, l'Argentine, emmenée par un Gabriel Batistuta vieillissant, échoue à passer le cap du premier tour. Engagée dans un groupe coriace en compagnie du Nigéria, de l'Angleterre et de la Suède, Bielsa quitte prématurément l'Empire du Soleil Levant après une victoire, un match nul et une défaite (1-0) contre les Three Lions de David Beckham.
Malgré ce fiasco, le technicien est confirmé dans ses fonctions par la Fédération argentine.Il s'isole alors dans sa maison de Rosario, se réfugie dans la lecture, traumatisé par son échec lors du Mondial 2002. « Quoi que j’accomplisse dans le futur, rien ne pourra faire disparaître cette tristesse », concèdera-t-il. « El Loco » est battu aux tirs au but (2-2) par le Brésil en finale de la Copa América 2004 avant de remporter, la même année, la médaille d'or lors des Jeux olympiques d'Athènes. Contre toute attente, il démissionne de son poste et laisse son siège à José Pekerman.
ADMIRÉ PAR PEP GUARDIOLA
Après trois ans d'inactivité, il retrouve les commandes d'une sélection. Sollicité par la Fédération chilienne, Bielsa prend les rênes de la « Roja », qu'il conduit jusqu'au Mondial sud-africain. Adepte d'un 3-4-3 ultra-offensif, « El Loco » extrait sa sélection d'une poule difficile dans laquelle figurent l'Espagne, la Suisse et le Honduras. Le parcours de l'« Equipo de todos » s'arrête en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2010 après une défaite (3-0) contre le Brésil.
En février 2011, Bielsa démissionne, agacé par les dissensions politiques qui plombent la fédération chilienne. Quelques mois plus tard, Josu Urrutia, nouveau président de l'Athletic Bilbao, convainc « El Loco » de rallier la Liga espagnole. A la tête de l'équipe basque, le technicien argentin s'ingénie à changer la philosophie de jeu des « Leones », inspirée du « Kick and rush » britannique.
Dans la « Cathédrale de San Mamès », les supporteurs de l'Athletic approuvent ce changement culturel, ravis de voir le ballon circuler de manière si fluide. Terminant au cinquième rang en championnat, Bielsa emmène ses joueurs jusqu'en finale de la Ligue Europa 2011-2012, qu'il perd sèchement (3-0) face à l'Atletico Madrid. Il échoue également en finale de la Coupe d'Espagne face au FC Barcelone (3-0). En Liga, il s'attire le respect de ses homologues ibériques. « Je l'admire énormément, avouera Pep Guardiola, le coach des Blaugrana. J'essaye d'apprendre de lui. Bielsa peut diriger n'importe quelle équipe au monde et je suis sûr qu'il la rendrait meilleure. »
Lors de son passage à l’Athletic Bilbao (2011-2013), irrité par le retard pris sur le chantier de rénovation du centre d'entraînement, Bielsa a une altercation avec le responsable des travaux. « Il s'agissait d'une escroquerie, d'un vol et d'une tromperie », se justifiera-t-il avant de voir sa démission refusée par les dirigeants basques.
Ayant finalement quitté le club basque à l'été 2013, Marcelo Bielsa débarque à l'OM alors que les dirigeants marseillais se sont heurtés au refus de l'entraîneur portugais André Villas-Boas, l'ex-coach de Tottenham qui s'est engagé avec la formation russe du Zénith Saint-Pétersbourg. Selon L'Equipe, le lusitanien réclamait un salaire annuel (3,6 millions d'euros bruts) qui aurait grevé encore davantage les comptes fragiles du club phocéen. Moins gourmand que son homologue, « El Loco » aura finalement donné son accord après avoir méticuleusement visité le centre d'entraînement Robert Louis-Dreyfus et effectué un premier « audit » de ses futurs protégés.
Entraîneur sanguin et rigoureux, Bielsa sera chargé de qualifier l'OM en Ligue des champions. Il devra également revigorer une institution en difficulté financière et qui a échoué, cette saison, à bâtir un projet sportif cohérent en misant sur des jeunes talentueux. En somme, il lui faudra faire beaucoup avec peu.