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L'entraîneur argentin, cinquante-huit ans, a construit sa carrière grâce à une intransigeance et une exigence maximales. Comme il l'a montré lors de son passage à l'Athletic Bilbao (2011-2013).
INTRANSIGEANT, c'est peut-être le terme le plus approprié pour définir la personnalité de Marcelo Bielsa. Son surnom, « el Loco » (le Fou), gagné lors de ses premiers pas d'entraîneur, à Newell's Old Boys (Rosario), le club de sa vie, est un sobriquet facile, qui mélange un peu tout : son intérêt obsessionnel pour le football, son exigence absolue dans le travail et un langage corporel qui traduit parfois une souffrance à la limite du supportable, sur le bord du terrain. « C'est un entraîneur méthodique et très travailleur, analyse Gustavo Lopez, ex-international argentin, sous ses ordres pendant quatre ans (1998-2002). Il a les idées très claires, ne laisse rien au hasard. Toutes ses équipes jouent avec beaucoup de pressing et d'intensité. Elles cherchent à avoir le ballon et aller vers le but, pas à spéculer. C'est l'un des meilleurs entraîneurs que j'ai eus dans ma carrière, l'un de ceux qui laissent une trace là où ils passent. »
Sa dernière étape l'a mené à Bilbao. Deux saisons contrastées, la première marquée par un football séduisant et un superbe parcours européen, mais aussi deux finales perdues, en Coupe du Roi et en Ligue Europa (voir ci-dessous). La seconde plus difficile, sur le plan des résultats comme dans ses relations avec un effectif à la limite de la rupture. « Mentalement, il te vide », expliquait Fernando Llorente, aujourd'hui à la Juventus, dans la Gazzetta dello Sport, en novembre dernier.
Au lendemain de la défaite contre le Barça, en finale de la Coupe (0-3), le 26 mai 2012, il avait reproché à ses joueurs de ne pas avoir été à la hauteur, d'avoir « déçu tout un peuple » et de s'en moquer. Bielsa les qualifiait enfin de « millionnaires prématurés ». Le remontage de bretelles, dans le secret du vestiaire, aurait dû rester confidentiel, mais il avait fuité par le biais d'un enregistrement effectué par un joueur. En juillet 2012, il s'était cette fois emporté contre l'entreprise chargée des travaux du centre d'entraînement, accusée par l'Argentin d'« escroquerie ». Le club s'était désolidarisé de cette attaque. Déjà, c'était le début de la fin.
SIMEONE : « QUAND ON A JOUÉ DANS UNE ÉQUIPE DE BIELSA, ON N'EST PLUS LE MÊME »
Bielsa, qui a dû arrêter sa (médiocre) carrière de joueur à vingt-cinq ans, ne compose pas avec le football. Pendant deux ans, il a logé dans un hôtel en bord de plage, dans la banlieue de Bilbao, entouré comme toujours d'un tas de vidéos. De foot bien sûr. Ses entraînements, qui peuvent durer trois heures, sont d'une grande richesse tactique. Mais quand ça ne suit pas, ça le démange. La saison passée, tout international qu'il est, Llorente s'était fait virer d'un entraînement qu'il ne prenait pas assez au sérieux. « C'est un entraîneur extraordinaire, raconte, dans son livre, Diego Simeone, l'entraîneur de l'Atlético Madrid. Quand on a joué dans une équipe de Bielsa, on n'est plus le même. » Certains, la saison passée, avaient quand même le sentiment d'arriver épuisés au match du week-end. « Il est exigeant, mais pour le bien des joueurs, nuance Gustavo Lopez. Il est sincère, direct. C'est quelqu'un qui te marque tactiquement et émotionnellement. »
Cette intégrité ne vaut pas que pour les autres. En mai 2013, alors que son départ était acté, une supportrice de l'Athletic s'en était prise à lui, un jour, en plein entraînement : « Bielsa, casse-toi, on ne veut pas de toi !» Alors que les employés de la sécurité se dirigeaient déjà vers elle, Bielsa leur avait demandé de la laisser s'exprimer. « Qu'est-ce qui est indispensable dans le foot ? a-t-il lancé, un jour. Ni les entraîneurs, ni les médias, ni les dirigeants, ni les arbitres, ni les spectateurs. La seule chose qui est irremplaçable, ce sont les supporters. » Présent vendredi dernier au Stade-Vélodrome, pour OM-AC Ajaccio (3-1), il a pu se faire une idée du contexte marseillais. « Il adore les défis, assure Gustavo Lopez. Je pense qu'il peut apporter beaucoup de choses positives. » Au moins, il n'y aurait pas de surprise.
SA FICHE
Marcelo BIELSA
Né le : 21 juillet 1955
Âge : 58 ans
Nationalité argentine
CARRIÈRE DE JOUEUR (DÉFENSEUR) :
Clubs successifs. – Newell's Old Boys (1977-1978), Instituto (D2 ARG, 1978-1979), Argentino de Rosario (D 4 ARG, 1979-1980) ;
Palmarès. – Néant.
CARRIÈRE D'ENTRAÎNEUR :
Clubs successifs. – Newell's Old Boys (1990-1992), CF Atlas (D1 MEX, 1992-1994), América (D1 MEX, 1995-1996), Vélez (1997-1998), Espanyol Barcelone (D1 ESP, juin 1998-octobre 1998), équipe d'Argentine (novembre 1998-2004), équipe du Chili (2007-février 2011), Athletic Bilbao (D1 ESP, juillet 2011-2013).
Palmarès. – Vainqueur : médaille d'or JO 2004. Champion : Ouverture Argentine (1990), Clôture Argentine (1991, 1992, 1998).