Le football de possession est-il plus beau que celui de contre-attaque ? Est-il plus noble ? Peut-on ne pas aimer le style Guardiola ? Éléments de réponse.Ah ce débat ! Ce vaste débat ! À chaque fois, c’est la même chose. Quand deux équipes aux styles opposés se rencontrent, c’est l’éternelle rengaine du bon et du méchant. Le bon est forcément celui qui monopolise le ballon, tandis que le méchant est celui qui défend. Rarement sur un sujet aussi « philosophique », les supporters se sont autant confrontés, insultés et déchirés. "Si tu n'aimes pas ce Barça, tu n'aimes pas le football" pouvait-on se voir rétorquer en cas de critique à l'époque où les Catalans battaient record sur record, dans une tirade imposant la fin du débat avec ce cinglant "tu n'aimes pas le foot". Ce débat part pourtant d’un précepte inexact et particulièrement infondé, même confus : plus une équipe a et possède le ballon, plus le degré d’extase est grand. Le "beau jeu", comme on l’entend maintenant si souvent, serait donc proportionnel à la possession du ballon. Un entraîneur à la philosophie défensive, mais avec des joueurs capables de sublimer la contre-attaque, n’aura jamais la reconnaissance d’un technicien misant sur la conservation et l’ultra-possession du ballon. Sur cette échelle, Pep Guardiola est évidemment une référence, ce qui se fait de mieux, ce qu’il faut prendre en exemple.
Sans pour autant tomber dans des clichés jamais très éloignés de ce genre de débat, à base de "je m’endors avec toutes ces passes" et "ils veulent rentrer avec le ballon dans le but", je n’ai aucun problème, à titre personnel, pour dire que je préfère nettement une équipe exploitant de manière rapide et efficace le jeu en contre-attaque, plutôt qu’une formation surdominant le jeu avec de petites passes courtes doublées et redoublées. Je trouve même qu’il est nettement plus difficile de réaliser des combinaisons techniques parfaites avec des joueurs lancés à pleine vitesse, là où le passeur doit assurer une passe parfaite en tenant compte de la vitesse de son coéquipier et de la distance d’intervention des défenseurs, et où le receveur doit calibrer son contrôle sur sa course, ou bien encore avoir une justesse parfaite pour trouver un coéquipier en une touche de balle.
L’escroquerie sémantique tourne également aujourd’hui autour des concepts d’attaque et de défense, d’ambition et d’ennui. Une équipe basée sur la possession serait d’avantage tournée vers l’attaque qu’une équipe évoluant en contres. Pourtant, comme l’expliquent si bien Pep Guardiola et Rudi Garcia, confisquer le ballon assure une sécurité défensive à l’équipe car elle prive l’adversaire de ballon et l’éloigne de son propre but. Cette philosophie part donc également d’un constat "sécuritaire" pour l’équipe. En fonction des clubs, une formation qui défend peut être "belle à voir jouer" ou "horriblement ennuyeuse" selon les observateurs. Ainsi, tandis que tout le monde vomit sur les récentes performances du Chelsea de Mourinho, arguant qu’il est facile de défendre et contrer, de nombreux amateurs de football expliquent admirer le Borussia Dortmund de Jürgen Klopp, comme ils admiraient la Roma de Luciano Spalletti, deux équipes dont le système était basé sur la récupération du ballon et une exploitation rapide des espaces laissés par l’adversaire.
Au Bayern Munich, Guardiola a mis en place sa philosophie de jeu, basée sur la confiscation du ballon. Prêt à tout pour suivre ses idées, le technicien catalan est même allé jusqu’à museler les qualités de certains joueurs en les changeant de poste (Lahm milieu axial) ou en n’adaptant pas son jeu à son effectif, avec par exemple un Mario Götze totalement bridé à devoir redoubler les passes, là où son explosivité balle au pied était un modèle du genre sous Klopp. Le transfuge de Dortmund est méconnaissable à Munich et cette situation pose la question suivante : jusqu’où peut aller un technicien pour rester fidèle à ses idées ? La réponse du Bayern de Guardiola est évidente. Il peut aller très loin. En espérant que cela le mènera, là encore très loin dans toutes les compétitions.
Cela passe par une victoire contre le Real Madrid. Cette rencontre sera un énième affrontement de style, entre ultra-possession et pragmatisme. Le débat d’après-match sera sans aucun doute mouvementé et il sera intéressant de voir, selon le résultat, qui sera jugé comme le bon et qui comme la brute. C’est l’essence même de ce sport, il intéresse tout le monde et chacun a un avis. Le mien est que je préfère globalement un football de contre-attaque, qui n’est ni défensif, ni ennuyeux ni même peu ambitieux. Sur cette vision du football, à la si mauvaise réputation, l’empereur romain Caligula disait « qu'ils me haïssent pourvu qu'ils me craignent ». Et c’est juste. Les supporters des équipes dites "de possession" haïssent celles évoluant en contre, car elles excellent dans leur style de jeu et sont craintes. Pep Guardiola le sait mieux que quiconque.
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