par Le Maigre » 26 Avr 2014, 11:19
Vices et vertus du fair-play financier
La déclaration de Michel Platini, président de l’UEFA, indiquant qu’il « n’est pas sûr du tout que le PSG respecte le fair-play financier » ne manque pas de raviver les questions sur l’ascension expresse du club parisien dans la hiérarchie –financière- du football européen : désormais 5ème du classement Deloitte en 2013 alors qu’il n’était que 10ème en 2012, et non classé (au –delà de la 20ème place) en 2011. Plus fondamentalement encore, elle interroge sur les effets pervers de ce dispositif a priori vertueux : les clubs en phase ascensionnelle dans la hiérarchie européenne ne sont-ils pas injustement pénalisés au regard des baronnies établies de longue date ?
Les "règles idiotes" du fair-play financier
Il y a presque 2 ans, Richard Olivier, le président de la DNCG dénonçait les règles du fair-play financier en les qualifiant « d’idiotes », au prétexte qu’elles sont extrêmement défavorables aux clubs « qui arrivent ». A raison, il rappelait que Chelsea a dépensé, en quelques années, 1,5 milliards d’euros qui lui ont permis de s’installer dans le top 10 du football européen. Avec les règles du fair-play financier, il serait aujourd’hui impossible à un club de connaître pareil ascension (Chelsea était en 2ème division anglaise en 1988-1989 et oscillait encore entre la 11ème et la 14ème place de la Premier League entre 1990-1991 et 1995-1996). Le parcours de Manchester City est assez semblable. Les plus de 700 millions d’euros dépensés par le sheikh Mansour ont permis au « second » club de Manchester de s’extirper de l’anonymat dans lequel il stagnait (en 1988-1989, le club était en 3ème division et il oscillait dans le ventre mou de la Premier League jusqu’en 2008-2009).
Figer dans le marbre la liste des puissants
Dans le même registre, les autorités espagnoles ont épongé les dettes des grands clubs espagnols dans les années 1990 (et en particulier celles du Real de Madrid) et ont persévéré dans la concurrence déloyale jusqu’à une période très récente (en 2011, le Real de Madrid a convenu d’un échange de terrains avec la mairie de Madrid dans des conditions abracadabrantesques : le terrain échangé a été évalué à 22 millions d’euros lors de l’échange au bénéfice du club, alors qu’il était évalué à 595 000 euros en 1998). La position actuelle du Real Madrid est le fruit de circonstances anormales et iniques, mais le fair-play financier cristallise les positions acquises et empêche le renouvellement des cadres : le football européen est en voie de figer dans le marbre la caste de ses « grands ».
Dans l'esprit, le PSG transgresse les règles
Le fair-play financier voulu par Michel Platini est pourtant un dispositif vertueux : les dépenses des clubs ne doivent pas dépasser leurs recettes de plus de 5 millions d'euros sur 2 saisons consécutives, tolérance portée à 45 millions d'euros par an si les actionnaires sont en mesure de couvrir l'excès de dépenses (tolérance réduite à 30 millions d'euros à partir de la saison 2015-2016). Ainsi les clubs ne peuvent théoriquement plus s’engager dans des recrutements de joueurs que leurs recettes (guichet, droits TV, produits dérivés, contrats publicitaires) ne permettraient pas de couvrir. Dans le cas du Paris SG, quand bien même la lettre de la réglementation serait respectée (ou considérée comme telle), il va de soi que son esprit serait transgressé : les « seulement » 9 millions d’euros de déficit ne sont atteints que grâce au "miraculeux" contrat de 200 millions d’euros avec la Qatar Tourism Authority.
Les vices d'hier paient plus que la vertu
En résumé, ce qu’ont fait Roman Abramovitch à Chelsea et le sheikh Mansour à Manchester City pourrait se voir interdit à Nasser Al-Khelaifi à Paris et à Dmitri Rybolovlev à Monaco. Comme, de surcroît, les dispositions du fair-play financier ne concernent que les dépenses et recettes courantes, et non les dettes, les grands clubs espagnols et italiens n’ont guère de souci à se faire en dépit de leur comportements passés de cigales irresponsables. Si la mise en place du fair-play financier semble intrinsèquement une bonne chose, elle ne manque pas de susciter une forme d'amertume chez les clubs français : leur vertu (relative) des quinze dernières années, très largement imputable à l'action de la DNCG, s'avère aujourd'hui un handicap dans la lutte pour l'obtention d'une part du marché mondial. Les clubs anglais, espagnols et italiens, filous invétérés, ne leur ont laissé que des miettes...