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Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

29 Mai 2013, 04:45

Phoenix a écrit:Article de Foxonet :

Information
Le bal des faux culs…


Je vous propose aujourd’hui un dernier post (promis, juré) sur la journée du 26 mai 2013 et les 20 ans de la Ligue des champions, après on passe à autre chose. Mais je ne résiste pas à vous relater quelques anecdotes que vous auriez pu rater sur les retrouvailles des uns et des autres, et les festivités.

Dans l’après midi déjà, vous le savez, une réception a réuni dans le nouvel hôtel Intercontinental de l’Hotel Dieu –je regrette vraiment qu’on l’ait restauré en hôtel 5 étoiles plutôt qu’en musée ou bibliothèque, ouvert à tous les Marseillais (fin de la parenthèse)- quelques uns des anciens joueurs de l’époque. Jocelyn Angloma qui n’a pas bougé d’un iota, toujours élégant et svelte, Jean-Christophe Thomas reconverti dans les grands crus en Bourgogne, Bernard Casoni qui porte bien aussi la cinquantaine, Jean-Marc Ferreri, qui répétait à qui voulait bien l’entendre que lui « avait failli rentrer dans cette finale », Jean-Philippe Durand, Abedi Pelé très chaleureux et désireux de rendre hommage à Goethals, Pascal Olmeta qui jure sur ses grands dieux qu’il portait le numéro 1 et pas le 16 comme cela figure sur le maillot collector qui lui a été offert. Avec eux, le premier à être arrivé, Jean-Jacques Eydelie, tout heureux d’être là après les années de galère qu’il a passées. Et avec eux le staff de 1993 qui n’a pas été invité à accompagner les joueurs sur la pelouse du Vélodrome (quelle élégance !) : Henri Stambouli, le docteur Jean Duby, le kiné Alain Soultanian, le préparateur physique Roger Propos et l’intendant, Stéphane Saliu. Les autres n’ont pas pu venir (ou pas voulu), ayant été avertis trop tard.

Boli tacle encore à la gorge

L’OM voulait d’abord assurer sa place en Ligue des champions avant de se lancer dans la préparation de festivités. Basile Boli a lancé quelques tacles de haut vol juste avant de rejoindre le stade. « Au départ, les dirigeants ne voulaient rien faire. Ils attendaient d’être qualifiés pour la Ligue des champions car ils avaient peur d’être repris de volée par les supporters. Ce sont mes enfants qui m’ont demandé de venir. Ils sont nés à Marseille, quoi que les dirigeants fassent, je fais partie de l’histoire du club. Et ça ils ne pourront jamais me l’enlever ! » Il souhaiterait que les anciens soient un peu plus respectés à l’OM. « Vous allez au Bayern, il y a des anciens, à Madrid ou à Barcelone aussi. Il y a un respect, un lien. Ce n’est pas anecdotique quand le plus grand joueur de l’histoire du Real Madrid remet le maillot à une recrue qui ne l’a jamais vu jouer à la télé. Di Stefano représente la vie du club. C’est un héritage. » Il a ensuite demandé à Margarita de mettre 150 millions pour acheter des stars parce qu’à Marseille, « il faut des paillettes. »

Toutes ces déclarations de Boli ont profondément énervé Labrune et Anigo qui ont eu ensuite une petite explication avec lui. Mais cela n’a pas empêché « Base » de porter la réplique de la Coupe aux grandes oreilles au centre de terrain, avec le sourire et un immense plaisir. Auparavant, il avait retrouvé avec ses coéquipiers de l’époque, son ancien président, Bernard Tapie dans le salon VIP du Vélodrome. L’actuel patron de la Provence a commencé à serrer la main de ses joueurs- les a t-il seulement reconnus pour certains ?- avant d’embrasser Pelé, Boli et… Eydelie. Cette accolade paraissait impensable il y a encore quelques années, quand on se souvient du cataclysme qu’a déclenché ensuite l’affaire VA-OM. Et les conséquences qu’elle a eu dans la vie des deux hommes. Il n’aurait plus manqué que Jean-Pierre Bernès pour compléter le tableau de la grande famille reconstituée. Le monde du football peut rejouer parfois le bal des faux culs sans aucune vergogne…

Tapie à Margarita « tu sais que tu es belle toi ? »

Tapie lui n’a pas boudé son plaisir même s’il n’a pas reconnu le stade Vélodrome en pleins travaux. Accueilli par Vincent Labrune et Margarita Louis Dreyfus, il en a même profité pour lui glisser dans l’oreille un « t’es belle, tu sais’ digne du grand séducteur qu’il n’a jamais cessé d’être… Nanard (son surnom de l’époque) a tout de même failli s’étrangler quand un journaliste lui a demandé s’il comptait revenir dans le football. La main sur le cœur, devant la patronne du club et son président, il lui a assuré que ça ne pouvait qu’être qu’à l’OM et que comme ils faisaient de l’excellent boulot… Après on n’est pas toujours obligé de croire ce que dit Bernard Tapie…



Savoureux !

Et Foxonet les faux culs, Elle s y connait

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

29 Mai 2013, 11:21

MilkyWay a écrit:A Jamais les Premiers , Part II

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:prosterne: :prosterne: :prosterne:



Ce n'est pas la Ligue des Champions. 8)


Et puis en matière de club artificiel, tu fais difficilement mieux que l'OM-Vitrolles...

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 11:09

Ouais mais eux ça avait fonctionné et pris la mayo. Me suis régalé à voir leurs matchs. 8)

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 11:14

Jester a écrit:Ouais mais eux ça avait fonctionné et pris la mayo.


Par opposition à qui ?


Jester a écrit:Me suis régalé à voir leurs matchs. 8)



Tu faisais partie des "supporters prêtés" ?

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 16:19

2 petits articles de L'Equipe Mag, consacré à ces 20 ans :

"Une semaine en folie"

> Par Alban Traquet
Une semaine en folie

Ils sont partis décontractés à Munich le 22 mai 1993. Ils en sont revenus champions d'Europe 5 jours plus tard, une victoire qualifiée par François Miterrand "d'exemple pour tous". Puis, en patrons, ils se sont offerts le PSG en championnat. Retour sur la semaine la plus dingue des joueurs de l'Olympique de Marseille.


Part One :
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Sous un soleil généreux, la délégation de l'Olympique de Marseille quitte le Stade-Vélodrome, ce samedi 22 mai 1993, aux alentours de 17 heures. Accompagnés du staff, 16 joueurs montent dans le car du club pour effectuer un premier voyage. Nous sommes à 4 jours de la finale de la Ligue des champions. Pour atteindre le sommet de Munich, ils passent d'abord par une colline : celle qui porte la basilique Notre-Dame de la Garde. L'entraîneur, le "sorcier belge" Raymond Goethals (décédé fin 2004, à 83 ans), y allume un cierge, imité par ses ouailles. "La Bonne Mère, c'est une tradition, souffle Didier Deschamps. A ce moment-là, on a tous fait le même voeu au même moment : devenir champions d'Europe."

2 ans après l'énorme désillusion de Bari, Marseille et ses fidèles ont de nouveau rendez-vous avec leur histoire européenne. Le 29 mai 1991, l'OM avait flanché face à l'Etoile Rouge de Belgrade (0-0, 3 t.a.b. à 5) dans une finale où il s'avançait en favori. "A croire que cette Coupe des Champions ne sera jamais française", écrivait, en conclusion de son compte rendu, Victor Sinet, l'un des envoyés spéciaux de L'Equipe dans la cité portuaire des Pouilles. Le bilan incitait en effet à la résignation : 5 finales européennes, 5e défaite, après les échecs de Reims (1956 et 1959 en Coupe des clubs champions, la C1), Saint-Etienne (1976 en C1) et Bastia (1978 en Coupe de l'UEFA). Sans compter qu'un an plus tard, en 1992, Monaco alait perdre en finale de Coupe des Coupes.


"De quoi pleurer", oui, comme le titrait alors L'Equipe, mais aussi de quoi apprendre. Lorsque la caravalle d'Air Provence décolle de Marignane, en début de soirée, ce n'est pas pour emmener les joueurs dans un hôtel-bunker, comme ce fut le cas 2 ans plus tôt en Italie. "A part les carabinieri, on n'avait vu personne pendant 3 jours, relate l'ancien minot Eric Di Meco, l'un des finalistes malheureux de 1991. On s'était enfermés et on s'était trompés. Du coup, en Bavière, c'était quasiment le Club Med."

Les dirigeants marseillais ont coché l'option champêtre. Direction l'hôtel Bachmair, à Rottach-Egern, un gros chalet situé au bord d'un lac qui lèche le pied des Alpes, à 60 km au sud de Munich. Un bon plan filé par le champion du monde allemand Rudi Völler, arrivé à l'OM en début de saison - pour succéder à Jean-Pierre Papin, parti, lui, au Milan AC - après 5 ans à l'AS Rome. "Cet endroit, c'était mon idée, confirme l'ancien attaquant, actuel directeur sportif du Bayer Leverkusen. Je l'ai transmise à Tapie car nous occupions cet hôtel avec la sélection nationale quand nous jouions à Munich. Nous l'avons choisi en raison de sa tranquilité. C'était une préparation vraiment top..."



Et particulièrement médiatique. D'étroits liens commerciaux unissaient alors TF1 à l'OM, qui bénéficiait d'un traitement de faveur sur la première chaîne nationale. "C'est vrai : on était les premiers supporters de Marseille et les premiers supporters de Tapie, raconte Jean-Claude Dassier, à l'époque directeur des opérations et des sports de la Une. Je me souviens de Patrick Le Lay (alors PDG de TF1) me disant : "Ne venez pas m'emmerder avec l'OM. Considérez que c'est un actif de TF1 !" L'ex-animateur Roger Zabel confirme : "Le Lay répétait que l'OM était une star de chaîne. Et les stars de TF1, on les ménage." A l'époque des tout premiers téléphones portables et du carton du groupe 2 Unlimited avec leur tube No limit, la Une disposait 'un confortable forfait "open" chez son partenaire marseillais. Tapie invité du 7 sur 7 d'Anne Sinclair, émissions spéciales, duplex, stars de la chaîne mobilisées... "On avait déployé des moyens exceptionnels", poursuit Dassier. A Munich, 2 journalistes naviguent également "en immersion" dans l'hôtel des joueurs : Pascal Praud et le caméraman Mathieu Dupont.

"C'était formidable, j'avais 27 ans, se souvient Praud. Je suivais l'OM toute l'année et, en plus, j'aimais bien le club. Marseille, c'était non pas l'équipe de France, mais l'équipe de la France. Et les gens ne se souviennent plus vraiment aujourd'hui qui était Bernard Tapie à l'époque : dans le paysage français, au début des années 90, il est au sommet. Certains imaginent même qu'il puisse devenir président de la République."



Rien ne décrit mieux le personnage Tapie que l'inventaire de ses aventures, cette année-là. Député des Bouches-du-Rhône, chouchou envahissant du chef de l'Etat socialiste François Mitterand, le touche-à-tout est nommé ministre de la Ville le 2 avril 1992, dans le gouvernement Bérégovoy. Il est contraint à la démission 52 jours plus tard, une semaine avant d'être inculpé pour abus de biens sociaux dans l'affaire Toshiba France. L'affaire se termine par un non-lieu et il réintègre l'équipe gouvernementale fin décembre. Mais la défaite de la gauche aux législatives de mars 1993 le ramène à ses priorités sportives. Le pays est encore marqué par le suicide de Pierre Bérégovoy (le 1er mai 1993), quand pointe un scandale qui ébranlera le football français et finira par conduire le "boss" en prison : la rocambolesque affaire VA-OM.


Part Two :

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Le jeudi 20 mai, à 6 jours de la finale, Marseille dispute un match avancé de la 36e journée de championnat à Valenciennes. A la pause, VA pose des réserves : il se murmure que 3 de ses joueurs (Jacques Glassmann, Jorge Burruchaga et Christophe Robert) ont été approchés la veille par Jean-Jacques Eydelie, milieu de terrain olympien, sur ordre de Jean-Pierre Bernès, directeur général du club et bras droit de Tapie. Le but : qu'ils lèvent le pied, en échange d'une importante somme d'argent. C'est Glassmann qui a informé ses dirigeants de la tentative de corruption, réitérant ses accusations devant la presse à l'issue de la rencontre (0-1). Di Meco se souvient : "On comprend vraiment qu'il y a embrouille à la fin du match. Ca s'agite, ça entre, ça sort... Moi, j'étais très proche d'Eydelie, on était toujours ensemble au fond du bus. Quand je monte, je le vois décomposé dans son coin. Il me dit : "T'as vu, c'est le bordel, ils disent que je suis dans le coup..." Mais à ce moment-là, on ne se rend pas compte de l'ampleur que ça va prendre. Personne n'en parle véritablement, cela reste une anecdote, on reste dans la bulle de notre préparation." Qui se poursuit dans la décontraction. "J'ai gardé une photo où l'on me voit faire du vélo dans la "savane" avec Basile (Boli), lance Jocelyn Angloma. On ne s'était vraiment pas pris la tête." Jean-Christophe Thomas enchaîne : "On s'entraînait sur un terrain de village entouré d'une simple main courante. Un type débarquant là-bas n'aurait jamais pu penser qu'on allait disputer une finale de Coupe d'Europe deux jours après."

L'inimitable Raymond Goethals, 71 ans, peaufine les derniers réglages et navigue entre les exigences de Tapie et les assurances de son groupe. Goethals, tout un style... "A mon arrivée à l'OM, je logeais à l'hôtel et je le croisais tous les matins au petit déjeuner, sourit Rudi Völler. Il commençait à fumer à 8 heures. Un véritable artiste : il arrivait à manger et boire son café tout en tirant sur sa cigarette ! Mais c'était un grand homme. Il avait un très bon oeil et une grande expérience." Une réputation, aussi, qu'il savait entretenir : il écorchait les patronymes. "Avec lui, j'ai eu 5 ou 6 noms différents, raconte Alen Boksic. Il ne m'aimait pas au début, il ne croyait pas que je pouvais réussir à l'OM. Il disait : "On ne gagne pas la Champions League avec Bosique !" Di Meco ajuste : "Quand tu étais titulaire avec un entraîneur comme ça, tu étais le roi du pétrole. On était comme ses fils. Et là où il était fort, d'après moi, c'est qu'il arrivait à composer l'équipe tout en faisant croire à Tapie que c'est lui qui l'avait faite ! Tous les entraîneurs ont explosé avec Tapie. Il leur mangeait le cerveau à 3 heures du matin avec ses coups de fil..."


A peine débarqué en Bavière, "Nanard" vient taper le cuir avec ses joueurs lors d'un entraînement, devant les caméras. Il se met dans l'ambiance, lâche la bride à sa troupe, la motive par le bien-être et non par le stress. "Je peux d'autant mieux en parler qu'en 91, à Bari, c'est moi qui leur fais perdre la finale, précise Bernard Tapie. J'avais mis des barrières pour que l'équipe soit isolée du reste du monde. Une énorme connerie. Là, on avait fait venir les femmes, tous les journalistes venant à l'hôtel. On avait forcé sur la beauté de l'évènement, le plaisir à prendre et à donner." Lors d'un direct, Roger Zabel se prend un seau d'eau sur la tête... "On avait la connerie en nous du matin au soir, sourit Eydelie. De vrais gamins en colonie de vacances... A l'image de Chris Waddle, qui nous avait rejoints la veille de la finale."


Après 3 saisons passées à Marseille, l'Anglais avait quitté la Provence pour retourner au pays et rejoindre Sheffield Wednesday, à l'été 1992. Ce gaucher fantasque garde de grands souvenirs de son passage à l'OM, où il reste l'homme d'un but mémorable inscrit d'une volée du droit 2 ans plus tôt, dans un état second, en quarts de finale retour (1-1 à l'aller) de Coupe d'Europe des clubs champions, face au Milan AC. Le match s'était achevé dans une totale confusion. A la suite d'une panne d'éclairage sur un pylône du Vélodrome, la rencontre avait été interrompue à quelques secondes de son terme. Pour ne jamais reprendre, les Milanais ayant refusé de terminer la partie après l'incident, arguant d'une sécurité insuffisante et du désordre régnant sur la pelouse.


Un forfait qui coûtera cher au club lombard et à ses joueurs. Puni par un 3-0 sur tapis vert et privé de compétition continentale pendant une saison, Milan mûrira sa frustration en explosant les tableaux de statistiques. Dans le Calcio d'abord : 58 matches sans défaite en championnat, entre mai 1991 et mars 1993. Ils y gagnèrent alors un surnom, bien lourd à porter, durant 672 jours : "les Invincibles." "C'était un défi pour nous, réplique Mauro Tassotti (défenseur du Milan de 1980 à 1997). On voulait même absolument gagner nos matches amicaux. Je me souviens de notre fin de série contre Parme, à domicile (0-1, le 21 mars 1993). Le public nous avait applaudis au coup de sifflet final. Il savait qu'on venait de réaliser quelque chose de légendaire." En Europe, ensuite.

Sur le chemin de la finale, la troupe de Fabio Capello s'est baladée en sifflotant : 10 victoires en 10 matches de qualification, avec 23 buts marqués et un seul encaissé. Marco Van Basten, icône classieuse de l'équipe, a décroché son 3e Ballon d'Or à la fin de l'année 1992, en partie grâce à un quadruplé réalisé en poules, à domicile, face à l'IFK Göteborg (4-0). Mais il souffre des chevilles, un problème qui l'a empoisonné toute sa carrière. Juste après la récompense annuelle décernée par France Football, l'attaquant international néerlandais repasse sur le billard (cheville droite). Il fera son retour un mois avant la finale et sera incertain jusqu'aux derniers jours précédant la rencontre. Il ne le sait pas encore, mais ce match face à l'OM sera le dernier de sa carrière, à 28 ans.


Part Three :
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Côté marseillais, la saison a été beaucoup plus chaotique. Les garnements qui animent les couleurs du Bachmair reviennent de loin. Largement remaniée à l'été 1992 (départs de Papin, Waddle et Mozer, entre autres), l'équipe tâtonne en début d'exercice. Marcel Desailly, tout juste arrivé de Nantes, peine à trouver ses marques ? On l'envoie en équipe réserve... "On avait énormément de pression car, l'année précédente, on avait été éliminés par le Sparta Prague en 1/8e de finale de C1 (3-2, 1-2, fin 1991), rappelle Jean-Philippe Durand (milieu de terrain de 1991 à 1997). Les débuts de saison étaient souvent compliqués à l'OM. Et on avait rarement le même entraîneur du début à la fin..." En octobre, les Marseillais enchaînent 2 défaites de suite en championnat (à Bordeaux et face à Nantes), une rareté. L'OM est 5e au classement. Les jours de l'entraîneur Jean Fernandez sont désormais comptés (en poste depuis juillet, il sera débarqué en novembre au profit du "revenant" Goethals). L'insaisissablee "Nanard" réagit, Franck Sauzée raconte : "Après Nantes, on était vraiment dans le dur, explique le consultant de Canal+. Tapie avait disparu juste après la rencontre sans parler à personne, et nous, on était partis directement au vert. On enchaînait avec la C1 et le Dinamo Bucarest. Le jour du match, on le retrouve et on se dit qu'on va se faire sévèrement remonter. Mais il avait l'art du contre-pied... Il prend donc la parole devant toute l'équipe, et là, il nous explique comment on va devenir champions d'Europe. Il nous démontre pourquoi on n'a rien à envier aux joueurs de Milan ou Barcelone. C'était grand. Là, j'en parle, j'en ai encore des frissons."

L'OM élimine les Roumains (0-0, 2-0) et se qualifie pour le tour final, tout en se stabilisant en championnat. Le premier match de poules a lieu le 25 novembre, à Ibrox Park, face aux Glasgow Rangers, sous le déluge écossais. L'OM arrache un match nul 2-2 après avoir mené 2-0, grâce à sa paire offensive Boksic-Völler. "C'était sauvage et beau", titre joliment L'Equipe. "Ce fut le déclic, se rappelle Alen Boksic. On a pris conscience qu'on était vraiment forts." "Discipline", "caractère", "équilibre" et du talent, quand même : à les (ré)entendre, voici comment ce groupe dessine peu à peu son destin. "On ne doutait de rien, note Jean-Philippe Durand. Nous avions également une capacité à nous autogérer sur le terrain, analyser nos problèmes et les régler rapidement en direct, entre nous." Cette équipe se distingue aussi par son jeu rugueux et intimidant. "On aimait bien rentrer dedans", admet Di Meco, un expert du genre. "On savait prendre le dessus sur l'adversaire, il perdait 30 % de ses moyens face à nous", estime Marcel Desailly. "On avait une défense de tueurs à gages !" rigole Sauzée. "On dépassait souvent les bornes dans l'impact", poursuit Eydelie. Bref, "il y avait des choses tolérées à l'époque qui ne le sont plus aujourd'hui, reconnaît Durand. Cet engagement, c'était la marque de notre équipe. Ca commençait à la sortie des vestiaires, dans le couloir... On se grandissait, on prenait un regard de killer. On se servait de tous les artifices qui nous pouvaient nous permettre de prendre le dessus sur notre adversaire."

Démonstration extrême le 18 décembre 1992, au Parc des Princes. Avant le choc, qu'on n'appelait pas encore pompeusement le "Clasico", l'entraîneur parisien, Artur Jorge, s'était essayée à la polémique "burnée". "L'OM va vivre l'enfer. (...) On va leur marcher dessus", avait juré le Portugais moustachu. "Nous avions perçu ces déclarations comme une prétention déplacée, reprend Eydelie. On ne voyait pas comment ces gens-là pourraient venir nous secouer. On voulait leur régler leur compte." Résultat : une victoire olympienne (1-0, but de Boksic), et un des pires PSG-OM de l'histoire. 67 coups francs, 55 fautes sur l'homme commises (dont 29 marseillaises). "Ils nous avaient cherchés, ils nous avaient trouvés" résume Bernard Casoni. Après la bouillie, le gardien Bernard Lama traite les joueurs marseillais de "voyous". Michel Denisot, patron du PSG, évoque une "mentalité infecte".


Part Four :
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Qu'importe pour l'OM, matamore, qui monte son nid en paille de fer. La machine se relance vers les objectifs avoués : un 5e titre de suite de champion et la fameuse coupe aux grandes oreilles, qui fait rêver Tapie depuis son accession à la tête du club, en 1986. Cette quête ne se fait pas sans heurts : les maçons de l'automne 92 ne sont plus forcément les tauliers du printemps 93. Bernard Casoni a perdu sa place de titulaire en défense centrale et transmis son brassard de capitaine au jeune et ambitieux Didier Deschamps, 24 ans. Fabien Barthez, 21 ans, s'est imposé dans les buts au détriment de Pascal Olmeta. En attaque, Rudi Völler et Alen Boksic font oublier JPP. "L'année où je suis arrivée à l'OM, en 1991, je n'avais pas pu jouer (contrat non validé en raison, à l'époque, du nombre restreint d'étrangers par effectif), mais après, je m'entraînais tous les jours avec Papin, souligne le Croate. Il avait l'habitude de faire du rab après les séances devant le but. C'est grâce à lui que j'ai autant marqué cette saison-là."

A 23 ans, Boksic terminera meilleur buteur du championnat avec 23 réalisations. Avec 10 ans de plus, Völler, lui est venu décrocher un dernier pompon. "Avant de signer, j'avais téléphoné à Franz Beckenbauer, qui avait brièvement entraîné l'OM, reprend l'ex-international allemand (90 sélections, 47 buts). Pour moi, c'était particulier. J'étais le plus vieux de l'effectif, je m'étais dit : "Bon, je fais encore un ou deux ans là-bas et j'arrête ma carrière (il la terminera en 1996, à Leverkusen)." L'expérience et la hargne de Rudi, qui n'hésite jamais à s'opposer au volcanique Tapie, tirent le groupe vers le haut.


"C'était le cador de l'équipe, s'incline Barthez. Tout le monde était un ton en dessous. Rigueur, implication, professionnalisme : c'est là où tu vois la différence entre un bon mec de D1 et un champion du monde. Avec lui, il n'y avait jamais de petits entraînements. S'il devait t'arracher le bras pour la mettre au fond, il le faisait."

Les Marseillais valident leur ticket pour la finale à l'issue d'une dernière victoire en poules, à Bruges (1-0), le 21 avril. L'OM a atteint son but : retrouver le Milan AC un mois plus tard pour "la finale rêvée", comme le clame L'Equipe en une. une apothéose en vestige d'un monde disparu. Car cette première version de la Ligue des champions portait encore vraiment son nom : un seul représentant par pays y participait. Les internationaux français garnissaient encore les grands clubs de notre championnat. Certes, l'argent occulte corrompait déjà, comme il a toujours corrompu. Mais le nombre de joueurs étrangers par équipe était encore limité. L'ère des infernales lessiveuses à transferts, consécutive à l'arrêt Bosman de décembre 1995, n'avait pas encore sonné.

Sur la feuille de match, Marseille comme Milan ne comptent que 3 joueurs étrangers : le Croate Boksic, l'Allemand Völler et le Ghanéen Abedi Ayew "Pelé" côté OM ; le Français Papin (remplaçant au coup d'envoi) et les Néerlandais Rijkaard et Van Basten côté rossonero. Ruud Gullit est en tribunes. Sur le papier, les Milanais sont favoris. Mais ils se méfient de l'oursin olympien. "C'est une des équipes les plus fortes que j'ai eu à affronter en Europe dans ma carrière, reconnaît Franco Barsei, l'ex-capitaine mythique du Milan. Je me souviens de Deschamps, j'ai souvent joué contre lui ensuite. C'était un joueur terriblement hargneux, agressif, le boss du milieu de terrain. C'était une équipe de costauds. Donc, on respectait l'OM mais on était convaincus de pouvoir gagner ce match." Les Marseillais, qui logent à une heure du stade, ont rangé les blagues dans les sacs. Après 4 jours de préparation hybride, l'évènement les rattrape, forcément. "Je ne sais pas s'il y a eu un ou deux mots prononcés durant le trajet tellement la concentration était forte", note Jean-Christophe Thomas. Dans la délégation hétéroclite qui accompagne l'OM, d'autres "collaborateurs" se montrent plus détendus. "Je suis parti dans un des véhicules de la sécurité du club, raconte Roger Zabel. On était escortés par la police allemande. A un moment, l'un des membres de l'entourage a sorti : "Putain, la dernière fois que je me suis fait ouvrir la route par des motards au son des sirènes, c'était pour aller aux Baumettes !"

Le stade Olympique de Munich (celui des Jeux d'été de 1972) baigne dans une chaude allégresse. 16,5 millions de téléspectateurs français s'apprêtent à suivre la rencontre. 23 500 supporters marseillais ont fait le déplacement en Bavière (il en coûtait 1 000 francs, soit 152 euros, pour le trajet en car et une place en virage). Les Verts de 1976 sont également venus encourager cette nouvelle génération. Jean Tigana ou Michel Platini, l'emblème du foot français, sont là aussi. Dans le tunnel, juste avant de pénétrer sur la pelouse, la tension s'accroît. Place à l'intox, classique, préparatoire au combat. "On est arrivés avec la rage, dit Eydelie. J'ai dit aux autres : "Regardez, ils ne sont même pas capables de nous regarder dans les yeux." En gros, on a fait comprendre aux Milanais que c'étaient des merdes. Ils ont dû nous prendre pour des fous."


Part Five :
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Kürt Röthlisberger, l'arbitre suisse de la rencontre, donne le coup d'envoi. Il ne faut que 10 secondes à Eric Di Meco pour une première faute sur Roberto Donadoni, son adversaire direct, qui le secoue sévèrement 5 minutes plus tard. "Je me fais surprendre sur un ballon haut, ajuste Di Meco. Il me prend de côté et je me fèle une côte sur l'action. Je me dis : "Putain, t'y es pas, Eric, il a pas le droit de te bouger comme ça." Au milieu, Deschamps, sans jus, a vite compris qu'il ne ferait pas une grande finale. Le tournant de la rencontre a lieu autour de la 17e minute. En l'espace de 40 secondes, Fabien Barthez s'impose face à Van Basten, puis Massaro. "Ca nous a permis de nous rebeller, poursuit "Dim". Souvent, moi, quand je n'étais pas bien, j'allais caler un gros tampon à un mec pour vraiment entrer dans le match. Je me souviens être allé mettre un attentat à Albertini. Il passe par là, c'est lui qui morfle."


Effectivement, à la demi-heure de jeu, l'Avignonnais se jette les 2 pieds en avant sur le numéro 4 milanais et se prend un avertissement. Entre-temps, le jeu s'est équilibré. Sur le banc, Jacques Bailly, le kiné du club, grille une cigarette. Assis à gauche de Goethals, Jean-Pierre Bernès communique par talkie-walkie avec Tapie, posté en tribune officielle. On joue depuis 40 minutes. Basile Boli souffre du genou, dit qu'il n'en peut plus, qu'il veut sortir. L'information est relayée sur le banc, remonte en tribune ; Goethals est prêt à le remplacer mais la sentence redescend : Tapie l'en empêche. "Cela ne pouvait pas être grave au point qu'il sorte, détaille l'homme d'affaires. Je m'étais dit qu'au pire, il valait mieux qu'on reste avec lui jusqu'à la pause. Donc Bernès dit à Goethals de le laisser sur la pelouse et comme le talkie était ouvert, j'entends Raymond dire aux autres : "Mais c'est l'autre con, là-haut, qui ne veut pas que je le sorte !"

Arrive la 44e minute, Maldini vient tacler Pelé, sur le côté droit. La balle sort de l'aire de jeu. "On a vu plusieurs fois les images, tout le monde sait qu'il n'y avait pas corner ! maintient Mauro Tassotti. C'est un regret, ce n'était pas juste." Mais l'arbitre a sifflé en faveur de l'OM. Abedi va tirer le corner, le premier de la partie en faveur des Olympiens. Dans la surface, le Ghanéen observe Boli, qui s'élance et prend son appel, avec Rijkaard et Baresi à ses basques. Le défenseur milanais dévie l'offrande du côté gauche du crâne. Rossi est battu, le virage bleu et blanc explose. "But, but de Boli ! exulte feu Thierry Roland à l'antenne. Extraordinaire coup de tête de mon Basilou !"


Il reste une mi-temps à tenir pour l'OM. Le jeu se contracte. "On était fatigués, explique Baresi. On a manqué de lucidité et c'était difficile de les dominer, car ils ont bétonné en défense." Côté milanais, Papin, visage fermé, remplace Donadoni (55e) et se retrouve, enfin, face à ses anciens collègues. 3 minutes plus tard, dans un choc avec Lentini, Angloma se fracture le tibia. Le polyvalent Jean-Philippe Durand le remplace. "C'était chiant d'être sur le banc, raconte-t-il. On a l'impression d'encaisser toute la souffrance. Une fois entré, on se libère, on est plein d'énergie. Moi, contrairement aux autres, je voulais que le match continue !" Un autre a le bonheur de jouer un bout de finale : l'ancien Sochalien Jean-Christophe Thomas, milieu consciencieux et antistar de l'équipe, entré à la 79e minute à la place de Völler. "A ce moment-là, je ressens un mélange de grande joie et de pression, raconte-t-il. C'était un match d'une intensité incroyable, un jeu d'échecs pas possible. Il fallait préserver le score et apporter de la fraîcheur, c'était toute la difficulté." Milan s'éteint. A 5 minutes du terme, Eranio remplace Van Basten. M. Röthlisberger siffle une dernière fois. C'est fait : après 38 ans d'attente, l'Olympique de Marseille apporte à la France la première Coupe d'Europe de son histoire, la + convoitée. La sono crache l'inévitable We are the Champions, de Queen ; Didier Deschamps soulève l'imposant trophée dans la nuit munichoise.



Part Six :
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L'OM part fêter son titre à l'hôtel. Mais ce n'est pas cette petite bringue qui, 20 ans après, réveille la mémoire des vainqueurs. Tous se remémorent l'arrivée à Marignane, le lendemain soir, et la folle progression de l'aéroport jusqu'au Vélodrome, où on les attend, depuis le milieu de l'après-midi, une foule toujours ivre de joie. "Quand on est arrivés au stade, c'était un truc de fous", résume Thomas. "Oui, le plus grand moment d'émotions pour moi, prolonge Di Meco. On était tous autour du rond central. J'ai reçu une ovation particulière, j'étais le dernier maillon entre les Minots (il était arrivé à l'OM en juillet 1980) et la période Tapie. Alors, je pleurais, je pleurais... J'avais les jambes qui tremblaient, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes..."

L'euphorie n'est pas retombée quand, 2 jours plus tard, le 29 mai, l'OM retrouve le PSG pour boucler sa folle semaine. C'est l'avant-dernière journée de championnat. Les Marseillais peuvent être sacrés champions, pour la 5e fois d'affilée, en cas de succès. Tout le monde garde en mémoire l'ambiance détestable de l'aller ; l'éditorial de L'Equipe réclame du Vélodrome une "fête", pas une "mise à mort". Et ça démarre mal pour les champions d'Europe, mené après 8 minutes, à la suite de l'ouverture du score par Guérin. Sauzée donne la charge : "Quand on prend le but, je pète un plomb, reprend-il. Je leur dis : "Mais qu'est-ce qu'on fait, là ? On va leur montrer qui on est ! Je nous ai réveillés."

Völler égalise à la 16e. Puis, à la 36e, Boli donne l'avantage à Marseille, grâce à un but irréel, encore de la tête. Boksic achève Paris à quart d'heure de la fin. La fête est totale. "On a mis une mi-temps à se réveiller, et après, on vole, poursuit Sauzée. alors, oui, je sais, beaucoup de choses ont été dites, on aurait encore pris des trucs... On surfait sur quelque chose d'exceptionnel, c'est tout."

Mais l'écrasement de la vague n'est plus très loin. Marseille boucle son championnat par une défaite à Toulouse (3-1), le mercredi 2 juin, après une ovation du Stadium aux vainqueurs de Milan. Le lendemain, l'OM, toujours sur son nuage, passe l'après-midi à la capitale. Visite à L'Equipe puis réception présidentielle à l'Elysée. A 16h30, François Mitterand attaque son discours : "Il s'agit là d'un des plus grands exploits réussis par le sport français. (...) C'est aussi un succès qui rehausse le prestige de notre pays. (...) Votre victoire est un exemple pour tous..."

Dernières heures d'euphorie avant la chute. Le vendredi 4 juin, Noël Le Graët, président de la Ligue nationale de football, s'adresse aux micros et caméras à l'issue d'un conseil d'administration bouillonnant. A l'unanimité, ses membres ont décidé de porter plainte contre X dans l'affaire VA-OM, "au nom de l'éthique sportive et de l'intérêt du football français." La fête est finie.


Alban Traquet

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 16:23

Phoenix a écrit:
Jester a écrit:Ouais mais eux ça avait fonctionné et pris la mayo.


Par opposition à qui ?


Au QSG.


Jester a écrit:Me suis régalé à voir leurs matchs. 8)



Tu faisais partie des "supporters prêtés" ?


Non devant ma Tv, me suis régalé de les voir jouer. En plus t'avais des internationaux français. 8)

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 16:23

"Il m'est arrivé un truc sur ce match..." Didier Deschamps


Il restera dans l'histoire comme le capitaine de la première équipe de foot français championne d'Europe des clubs. Dans son bureau parisien de la Fédération française de football, le sélectionneur a rouvert le livre de cette formidable aventure collective.


Spoiler: montrer
- Comment définiriez-vous cette équipe sacrée à Munich, le 26 mai 1993, après avoir battu le Milan AC 1-0 ?

Ce n'était peut-être pas la + belle de l'histoire de l'OM, mais c'est celle qui a gagné... Nous disposions d'une force mentale au-dessus de la moyenne. On passait aussi beaucoup de temps à discuter, à échanger. Comme les mises au vert étaient très longues, on était vraiment souvent ensemble. Il n'y avait pas beaucoup de chaînes de télé à l'époque... Ce groupe dégageait une puissance collective et il "vivait" bien. On a abordé la finale de Munich dans cet état d'esprit.

- Ce groupe qui "vivait bien", concrètement, cela voulait dire quoi ?

On n'était pas tous amis mais on s'appréciait et on se voyait dehors, comme avec "Caso" (Casoni), Durand, Sauzée ou Marcel (Desailly), bien sûr. On avait les mêmes passions et nos femmes se connaissaient. On jouait aux cartes, on allait à la chasse à la plume, on montait jouer aux boules chez Caso à Valbonne. Son papa vivait là-bas, on y passait la journée... C'était très convivial.

- Tout le monde insiste sur le côté très décontracté de votre préparation en Bavière.

C'est la conséquence de l'expérience de 1991, la finale perdue à Bari (0-0, 5 tab à 3, face à l'Etoile Rouge de Belgrade), où l'OM avait fait une préparation bunker. On se sentait bien au milieu de la nature allemande... Et le club avait ouvert les portes aux médias. Aujourd'hui, il serait inconcevable de préparer une finale de Ligue des champions avec des caméras de télé en permanence dans l'hôtel.

- Vous soulevez le trophée à Munich mais vous n'aviez pas le brassard en début de saison...

A la fin de la saison précédente, comme Jean-Pierre (Papin) partait, il m'avait un peu mis en avant, en disant que je pourrais lui succéder. Puis Tapie et Bernès ont décider de confier le capitanat à Caso. Mais comme on était proches, j'ai voulu l'associer au maximum quand j'ai récupéré le brassard. Quand nous sommes descendus de l'avion à Marignane, le lendemain de la finale, on était devant, ensemble. Comme quand on est entrés au Vélodrome présenter la coupe au public.

- Comment regardiez-vous "le grand Milan" à l'époque ?

Il régnait sur l'Europe. Il avait les meilleurs Italiens, ses trois monstres néerlandais (Gullit, Van Basten, Rijkaard) et Baresi, qui commandait le pressing... On a failli se noyer au bout de 20 minutes d'ailleurs. Si Fabien (Barthez) n'est pas décisif en début de rencontre, on peut fermer boutique.

- Quels souvenirs avez-vous gardés de votre préparation tactique ?

On avait notre système à 3 défenseurs centraux. On avait pris l'option Pelé à droite : comme Abedi est gaucher, il devait rentrer sur le mauvais pied de (Paolo) Maldini... Le plus marquant, c'est notre entrée sous le tunnel. Putain, ça culminait : l'impression qu'ils mesuraient tous 1,90 m ! Nous, ils nous connaissaient certainement un peu, mais bon...

- Quand on reparle de cet OM à Franco Baresi, votre nom est le premier qu'il cite.

J'ai une histoire avec lui... On a souvent joué l'un contre l'autre, ensuite, en Championnat d'Italie. Avec son style de jeu, je l'avais souvent en ligne de mire. Comme il aimait sortir de sa zone balle au pied, je me trouvais souvent sur sa route et ça faisait des étincelles. J'avais beaucoup de respect pour lui, mais je pense qu'il me détestait !

- Votre note dans L'Equipe, le lendemain de la rencontre, 6,4, était très moyenne. Quel souvenir gardez-vous de cette prestation ?

Il m'est arrivé un truc sur ce match. La veille, je n'ai pas pu faire la sieste. Même chose le soir : impossible de m'endormir. J'ai beaucoup cogité, j'ai bouffé un jus énorme. Le lendemain, j'arrive à l'échauffement, je vole ! Tout répond : je frappe, je pète le feu. Le match commence et là, au bout de 5 minutes, plus de jambes. Un sentiment atroce. Là, il faut aller à l'essentiel... Je me revois me mettre du Synthol sur les cuisses à la mi-temps pour rafraîchir tout ça... Quelle frustration... Je me suis dit au moins 100 fois intérieurement : "Mais pourquoi aujourd'hui, en finale de Ligue des champions ?" Après, j'ai fait ce que j'ai pu, avec des moyens limités. J'ai dû parler plus que d'habitude, pour compenser (sourire). En fait, j'avais fait e match trop tôt dans ma tête, voilà tout. Et ça m'a servi pour la suite de ma carrière.

- Des souvenirs à la pause, juste après le but de Boli ?

J'avais la conviction profonde qu'ils n'allaient pas revenir. Qu'on allait souffrir, mais tenir. C'est ce qui fait notre force cette saison-là, d'ailleurs : se convaincre que l'adversaire ne pourrait pas nous faire craquer. Si tu n'as que des idées positives en tête, tu as plus de chances d'atteindre tes objectifs. Et puis Milan a été beaucoup moins dangereux en seconde période. Elle n'était pas belle à regarder, c'est clair, mais on avait fait l'essentiel.

- Du coup, à 24 ans, vous entrez dans l'histoire en devenant le plus jeune capitaine à avoir remporté une Ligue des champions...

Ce n'est pas ça qui m'intéressait. Ce titre, c'était d'abord un privilège, une étape et le commencement de beaucoup de choses : nos départs vers les grands clubs étrangers, l'apothéose du Mondial 98 et de l'Euro 2000... Ce titre nous a fait passer dans une autre catégorie. Il n'y a pas de méthode particulière pour gagner une finale. Mais ce que je retiens, et cela m'a toujours suivi, c'est ce que disait Bernard Tapie : "Sois concentré et décontracté et non pas contracté et déconcentré."

- Avec le recul justement, quel est votre regard sur les méthodes de votre ancien président, les soupçons qui accompagnaient le club, l'affaire VA-OM ?

Il y a eu ce souci à Valenciennes, un procès et des condamnations : il s'est donc forcément passé queque chose. Mais la justice est passée, alors il n'y a rien à commenter.

- Votre ancien équipier Jean-Jacques Eydelie a raconté que l'équipe marseillaise était passée à la piqûre juste avant la finale, excepté Rudi Völler, qui s'y était fermement opposé. Que lui répliquez-vous ?

C'est des conneries, ça... Il n'y a rien eu de répréhensible, on était contrôlés. Moi, je ne fais pas de livre pour raconter ce qui peut se passer ou ce qui se passe dans les vestiaires. Je n'ai rien de particulier à cacher mais, joueur ou entraîneur, je n'ai jamais parlé publiquement de la vie interne d'un groupe. C'est pour ça que l'on m'a catalogué "langue de bois". Cela ne m'a jamais dérangé.

- Vous partirez avec vos secrets ?

Je n'ai pas de secrets. Mais il y a des secrets de vestiaire.

- Et que répondez-vous à ceux qui avancent que la finale de Munich aurait pu être achetée ?

Rien. Je ne l'entends pas. Sincèrement, comment voulez-vous acheter le Milan, en sachant le montant des salaires qu'ils touchaient ? Ils gagnaient peut-être 10 fois plus que nous ! C'est très français ça : le mec qui gagne, c'est suspect. On préfère le 2e ou celui qui perd. Il est gentil, le 2e (ironique).

- Revenons au match : quel fut le moment le + fort, après la rencontre ?

Sur un plan personnel, le privilège de lever la coupe en premier. J'avais croisé Michel Platini, qui m'avait dit : "Peut-être que tu ne la lèveras plus jamais, alors prends ton temps..." Elle tient une place à part. Parce que c'est la première, parce que c'est Marseille, parce que c'est le Sud... Je la regagne 3 ans après, avec la Juve, mais ce titre entrait davantage dans une logique.

- Que vous reste-t-il de cette aventure ?

L'amour des gens, des supporters, la fierté par rapport à ce que représente le maillot de l'OM. Quand j'ai été nommé entraîneur là-bas, je parlais du poids de ce maillot et cela faisait rire certains. Mais il est lourd, ce maillot. Il faut être fort pour le potrer. Cette finale, c'est un moment qui restera très fort. A Marseille, ils disent tous : "A jamais les premiers." J'espère qu'on ne sera pas les derniers.

Recueilli par A.T.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 16:53

Jester a écrit:
Phoenix a écrit:
Jester a écrit:Ouais mais eux ça avait fonctionné et pris la mayo.


Par opposition à qui ?


Au QSG.


Le QSG handball a pris la mayonnaise aussi.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 17:50

L'amour des gens, des supporters, la fierté par rapport à ce que représente le maillot de l'OM. Quand j'ai été nommé entraîneur là-bas, je parlais du poids de ce maillot et cela faisait rire certains. Mais il est lourd, ce maillot. Il faut être fort pour le potrer.


Voilà un truc qui n'a plus de sens aujourd'hui !

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 18:00

Phoenix, je parlais du QSG de foot.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 18:04

Jester, je ne vois pas en quoi c'est comparable mais bon, ce n'est pas très important. :mrgreen:

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 18:50

Ben tu parlais de "club artificiel". On est en plein dans le sujet avec le PSG et encore plus avec le QSG.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 19:29

Beh tu disais aussi que contrairement au PSG (foot donc), la mayonnaise avait pris.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 19:33

Oui. Et je le redis. La mayo n'a pas pris au QSG. Du moins pour moi.
OM-Vitrolles, putain ça envoyait gras. Ca jouait monstrueusement bien. C'était beau à voir.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 20:33

Jester, oui on est d'accord et je te dis que ça n'a rien de comparable : sport, contexte, joueurs...

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 21:40

Phoenix a écrit:
L'amour des gens, des supporters, la fierté par rapport à ce que représente le maillot de l'OM. Quand j'ai été nommé entraîneur là-bas, je parlais du poids de ce maillot et cela faisait rire certains. Mais il est lourd, ce maillot. Il faut être fort pour le potrer.


Voilà un truc qui n'a plus de sens aujourd'hui !

Pas pour tout le monde Phoenix.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

30 Mai 2013, 21:46

Bibpanda, pour les joueurs si.

Tu pourras toujours me sortir Alessandrini, Cana etc, mais ce sont des exceptions et surtout je doute que ce soit avec la même force qu'à l'époque.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

01 Juin 2013, 12:07

Phoenix a écrit:
L'amour des gens, des supporters, la fierté par rapport à ce que représente le maillot de l'OM. Quand j'ai été nommé entraîneur là-bas, je parlais du poids de ce maillot et cela faisait rire certains. Mais il est lourd, ce maillot. Il faut être fort pour le potrer.


Voilà un truc qui n'a plus de sens aujourd'hui !


C'pas faux. Au-delà de ce passage, y'a aussi cette phrase de BT dont beaucoup de joueurs devraient s'inspirer et dont parle Deschamps : "Sois concentré et décontracté et non pas contracté et déconcentré."
C'est peut-être une des principales qualités de Tapie, cette manière de savoir y faire avec les joueurs en termes de connaissance ou gestion humaine d'un groupe. Même si parfois, tout entier qu'il est, cela pouvait faire du ménage, mais les 2 étaient pas parfaitement incompatibles.

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

01 Juin 2013, 12:17

Une itw d'Albertini aussi. Cela passe peut-être pour prétentieux chez lui mais je le rejoints quand il sourit de la peur du Milan par rapport à cet OM, et quand il dit "ce qui est surtout étrange, c'est de penser qu'une telle équipe pouvait perdre ce match".

... Quand on se souvient de ce qu'était le Milan à l'époque, ce qu'il dégageait, les montres, Sacchi, etc. etc. il a pas tort.
Le pire de ce 11 était peut-être Lentini. Même un mec comme Rossi pas beau à voir, dégageait un de ces trucs impressionnant dans ces cages.

A retenir aussi ce qu'il dit sur l'importance du centre de formation... :-^


"Nous avons marqué une époque" Demetrio Albertini

Âgé de 21 ans en mai 1993, le milieu de terrain milanais était le plus jeune joueur de la finale de Munich. Aujourd'hui, Demetrio Albertini est vice-président de la Fédération italienne de football et n'a rien oublié de l'énorme déception qu'avait vécue "son" grand Milan.

Spoiler: montrer
- En revoyant votre tristesse et vos larmes à la fin du match, que vous revient-il en mémoire ?

Je ne me souvenais pas d'avoir pleuré en public ! En revanche, je suis sûr d'avoir pleuré dans le vestiaire, quand j'ai parlé avec notre capitaine, Franco Baresi. Cela m'a marqué : c'était la première fois en 4 ans que j'avais une discussion avec lui ! Franco m'a dit : "Ne t'inquiète pas, tu es le plus jeune, ici, tu gagneras d'autres trophées ! " Et moi, je lui ai répondu : "Oui, mais vous, vous avez déjà la photo avec la coupe dans les mains. Et moi, je n'étais rien..." Vous savez, quand j'étais enfant, je trouvais plus important d'être en photo avec la coupe d'Europe des clubs champions qu'avec la coupe du monde...

- Vous souvenez-vous précisément du but inscrit par Boli ?

Non, je ne me souviens que de la photo ! En revanche, je me souviens très bien de celui de Trezeguet, en finale de l'Euro 2000 (victoire de la France 2-1, à Rotterdam, grâce au but en or) : c'est le pire souvenir de ma carrière.


- Comment aviez-vous abordé cette finale face à l'OM ?

Nous avions toujours en tête l'histoire de la panne d'éclairage, intervenue 2 ans plus tôt à Marseille. Je n'y étais pas (Milan l'avait prêté une saison à Padoue, en Série B), mais cette anecdote avait créé de la tension avant même le match. L'incident avait tout de même compromis pendant 2 ans l'histoire du club. Sinon, il y avait un doute sur Van Basten et ... aucun sur les 10 autres. Notre système tactique était toujours le même, vous savez.

- Certains ex-Marseillais avancent que Milan faisait un "complexe", à l'époque, face à l'OM.

(Sourire). On sortait d'une série de 10 victoires en 10 matches de qualification. Alors penser que cette équipe avait peur de Marseille, ça me fait rire ! Une grande équipe a toujours peur de perdre, mais, je le répète, notre seul doute concernait l'état de forme de Van Basten. Sinon, on n'avait pas de point faible. Ce qui est surtout étrange, c'est de penser qu'une telle équipe ait pu perdre ce match...

- Précisez...

Entre 1989 et 1995, je rappelle que Milan a joué 5 finales (de Coupe d'Europe des clubs champions) sur 7 possibles, pour 3 victoires. Les 2 années où nous n'étions pas en finale, c'est à cause de l'incident à Marseile (élimination par forfait en 1990-91, suspension en 1991-92). Notre force, c'était la continuité. En 1994, face à Barcelone en finale, c'est nous qui n'étions pas favoris. L'équipe avait évolué, les 3 Néerlandais (Van Basten, Rijkaard et Gullit) n'étaient pas là et il nous manquait joueurs importants, Baresi et Costarcurta. Et on leur met 4-0, le cigare aux lèvres. Nous avons marqué une époque, au-delà de nos résultats.


- C'était quoi pour vous, le "grand Milan" ?

La recherche permanente du détail et "l'entraînement de la tête" ; cette équipe travaillait d'abord son mental. Nous étions conscients d'être de très grands joueurs, mais toujours capables de nous remettre en question, tous les jours, pour le bien du groupe. Le club n'hésitait pas à mettre des internationaux sur la "banquette", comme Papin ou Gullit. Nous avions aussi une particularité : victoire ou défaite, on ne se retournait jamais sur notre précédent match. Hier n'existait pas. On se concentrait uniquement sur la rencontre à venir. Et on ne posait pour la photo officielle qu'une fois arrivés en finale.

- Pour quelle raison ?

Pour cette équipe, l'important, c'était d'aller au bout et rien d'autre. Avec de tels joueurs, on ne pouvait pas se permettre de faire une photo ensemble en quarts ou en demi-finales : ce n'était pas historique, tout simplement. Si vous me trouvez une photo où l'on pose ensemble avant la finale, je l'achète !

- Vous, le benjamin de l'équipe, comment vous situiez-vous dans cette formation d'étoiles ?

J'étais dans un rapport d'estime et de respect absolus. J'ai reçu l'aide de joueurs plus expérimentés et, parmi eux, j'ai eu 2 maîtres : Franck Rijkaard et Carlo Ancelotti (à qui il a succédé au milieu de terrain cette saison-là).



- Quel rapport aviez-vous au maillot du club ?

C'était un maillot merveilleux. Regardez celui de cette finale : il est simple, propre, sans sponsor. C'est un maillot institutionnel, comme celui d'une sélection nationale.

- Le Milan AC avait également une forte identité "maison", avec beaucoup de joueurs formés au club.

En effet. Regardez les formations qui ont marqué l'histoire du football : l'Ajax de Cruyff, la "Quinta del Buitre" au Real Madrid, ce Milan, le Barcelone des dernières années... Le dénominateur commun, c'est que plusieurs joueurs qui composent ou composaient ces équipes ont été formés au club. C'est un élément essentiel pour moi ! le contrat émotionnel qui te lie au club, qui va au-delà de la relation stricte, administrative, que tu peux avoir avec lui. Cet attachement, cette forte identité, c'est une valeur suprême.


Propos recueillis par A.T., à Coverciano (Italie)

Re: Raconte moi ton 26 mai 1993

26 Mai 2014, 11:21

21 ans putain...
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