"Le milieu est partagé entre ceux qui pensent que la source de la formation française est intarissable et ceux qui pensent qu'à force de départs, la Ligue 1 deviendra un championnat mineur.
MM : Je ne suis pas sûr que ces départs aient un gros impact sur les rendements des clubs. Est-ce que le classement du TFC va fondamentalement changer sans Sissoko ? Toulouse était-il certain d'être dans les 4 premiers avec lui ? Et risque-t-il de plonger sans lui ? Ca m'étonnerait. Pour terminer entre la 5e et la 10e place de la Ligue 1, les joueurs sont interchangeables sur le marché intérieur.
DF : Le championnat va s'affaiblir, mais c'est une super opportunité pour les clubs qui ont une formation forte.
OS : Non, il ne va pas s'affaiblir, la qualité ne repose pas sur les noms. La formation va continuer à produire et, comme le marché n'est pas extensible, le retour de certains exilés, va s'accélérer. Il y a encore des joueurs bien, des mecs qui, même à 400 000€ par mois, vont tomber dans une forme de dépression même s'ils ne jouent pas. Ceux-là sont les + sains et vont revenir en France. Les autres, ceux qui se moquent de ne pas jouer, n'ont rien à voir avec le sport. Ils peuvent avoir des raisons réelles de ne penser qu'à l'argent et je les accepte, mais ce ne sont plus des sportifs.
Est-ce difficile de vendre la L1 à un joueur étranger ?
MM : Il faut qu'il ne gagne pas beaucoup d'argent dans le pays où il est, parce que, s'il en gagne, il va falloir lui expliquer le système fiscal français. Il aura besoin d'un mois pour le comprendre. Les charges salariales, les charges du club, l'impôt sur le revenu...
OS : S'il n'y avait que les footballeurs qui ne comprenaient pas ça ! Aucun expatrié ne comprend. A partir du moment où le football est dans un fonctionnement propre au commerce, on a les mêmes maux concernant la compétitivité.
MM : A la différence que les constructeurs automobiles ont dû mal à vendre, alors qu'en football on est le 2nd pays exportateur.
DF : En France, on s'autodénigre, on est persuadé que ce qui se fait ailleurs est mieux. On n'est pas si mauvais. On parlait de formation : allez voir les - de 16 ans italiens, défensivement, ce n'est pas terrible, ils prennent des 6-0 contre les Suisses.
OS : Notre championnat n'est pas si mauvais, ne croyez pas ça.
MM : Il n'est pas spectaculaire.
OS : Il faut arrêter avec ça...
En général, il ne se passe pas grand chose durant les matchs...
OS : Paris est une très grande équipe, avec beaucoup d'individualités. Malgré cela, elle ne produit pas tant de spectacle que ça car, tactiquement, les équipes françaises sont + en place qu'ailleurs. Même si chaque week-end il y a des 2-2 ou des 3-2, ce qui n'était pas le cas avant.
MM : C'est vrai, on commence à sortir d'un modèle italien qu'on a adoré et qui nous a permis d'être champions du monde. Les entraîneurs commencent à prendre + de risques offensifs.
OS : Je suis persuadé que la moyenne de buts est supérieure à il y a 3 ans. Vérifiez ! (A l'issue de la phase aller, elle est de 2,58 par match, la meilleure depuis la saison 1999-2000, 2,57)
MM : On doit pousser les entraîneurs à prendre + de risques.
Oui, mais on est toujours derrière les autres pays en termes de moyenne de buts...
OS : Il n'y a jamais une seule raison pour expliquer un phénomène. Le championnat français depuis 3 ans est meilleur. On est d'accord, on n'est pas d'accord. Un but, c'est souvent le résultat d'un déséquilibre entre 2 équipes, un bras de fer, on est un sport de contacts. En France, on n'arbitre pas de la même manière que dans le Nord de l'Europe où l'engagement physique est mieux toléré. De cet engagement physique naît un déséquilibre qui crée + de spectacle.
DF : En 1 semaine, j'ai vu 2 matchs du PSG, contre Toulouse et contre Lille. 2 matchs totalement différents, car l'approche était différente : est-ce que je vais jouer pour marquer un but ou rester recroquevillé et espérer un point ? PSG-Toulouse était un super spectacle...
OS : Ca dépend dans quel fauteuil on est assis. J'ai trouvé ce match un peu long, mais on ne s'est pas dégonflés.
DF : Au bout de 15 minutes, ça aurait pu faire 3-2, mais le championnat de France reste fermé. Je suis allé voir récemment QPR-Wigan, les 15 dernières minutes ont ressemblé à un match des - de 15 ans. Il n'y avait plus d'organisation, mais les gens dans les tribunes étaient comme des fous.
OS : Sur la durée, ça ne vaut pas un crayon.
MM : Les médias ont une responsabilité sur le jugement du spectacle. Chaque fois, on met en avant ce qui est raté dans un match. Trop souvent, le journaliste n'accepte pas la marge d'erreur dans la performance.
Et vous trouvez que ça ne stimule pas la prise de risques ?
MM : Exactement. Le joueur français est jeune, il manque d'expérience. J'étais à Clairefontaine, il y a un mois pour un match des - de 19 ans. A un moment, un joueur récupère le ballon aux 20 mètres et part balle au pied pendant 30 mètres en profitant de l'espace. D'un coup, son entraîneur s'est levé pour lui crier : "Oh, surtout, ne perds pas la balle."
DF : Sur le niveau, il faudrait écouter davantage les joueurs étrangers qui évoluent chez nous. Même Zlatan dit qu'il est tombé sur des défenseurs costauds. Les étrangers parlent du manque d'espaces, Barton dit qu'on marque difficilement des buts.
OS : Vieri a galéré, Di Vaio et Morientes aussi. On parle toujours mal du foot qui est pourtant un vecteur social pour les gamins, un vecteur économique pour les autres sports. Tout le monde crache sur le foot, à commencer par les autres sports qui, très honnêtement, pour certains d'entre eux, feraient bien de se regarder dans la glace.
Ce genre d'exode est-il appelé à se renouveler ?
MM : Le marché anglais va continuer à nous acheter beaucoup de joueurs, l'exode va continuer.
OS : Oui, mais il n'y aura toujours que 11 joueurs sur le terrain. Ca ne va pas durer, ça va se réguler.
MM : Les Anglais n'ont pas peur d'avoir des effectifs de 30 ou 40 joueurs.
DF : C'est un rush ponctuel, car la place en Premier League pour la saison prochaine vaut cher.
OS : Ce qui est arrivé de mieux au foot français depuis longtemps, c'est l'arrivée des Qatariens, dans l'audiovisuel et au PSG. Pour notre petit club, la venue du PSG égale 17 autres matches à domicile. Je souhaite voir d'autres investisseurs valoriser notre championnat. Si on a 2 ou 3 clubs qui luttent pour être forts à l'intérieur et forts à l'extérieur...
DF : Les Qatariens ont acheté la tour Eiffel et l'Arc de Triomphe, pas le championnat de France.
MM : Le Qatar a aussi acheté autre chose en France : la porte la + facile pour accéder à la Ligue des champions.
DF : Il y a une question à se poser quand on voit que Lyon et Marseille, qui ont beaucoup dégraissé lors des derniers marchés, sont 2e et 3e du classement.
OS : Lyon est un bon club formateur.
DF : Oui, mais les jeunes sont sortis quand les autres sont partis.
Par défaut ?
MM : Lyon est revenu à sa stratégie initiale. La formation était sa force première.
DF : IL faudra rapidement que les clubs aient 50 % de leur feuille de match issue de la formation et, là, il n'y aura plus aucun problème. Il y aura une identité au club.
Est-ce que Manchester United va recruter français l'été prochain ?
DF : Je ne sais pas, vu qu'il me faut au moins 2 ans pour suivre un joueur. Vous savez combien de joueurs français sont venus à Manchester United chez les jeunes ? Un seul ! Paul Pogba. Je l'ai fait venir quand il avait 16 ans.
OS : Celui que vous suivez depuis 2 ans va être très bons durant les 4 prochains mois (il évoque ici la situation d'Etienne Capoue).
DF : Dès que les jeunes mettent un pied en équipe de France, je les suis. Sur la génération de 1997, par exemple, je connais les 300 meilleurs joueurs français.
MM : C'est ça, le très haut niveau."