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Révélations : les écoutes qui accablent l'OM
Depuis 2011, la police enquête sur des liens présumés entre l’OM et le grand banditisme. Selon des documents auxquels RMC Sport a eu accès, la pègre aurait touché de l’argent sur des transferts de joueurs. Des écoutes téléphoniques font également état de la vente de l’OM.
José Anigo, directeur sportif de l'OM
Nouvelles révélations dans l’affaire sur les liens présumés entre l’OM et le grand banditisme corso-marseillais. La police soupçonne la pègre d’avoir touché de l’argent sur des commissions versées par le club phocéen lors de transferts de joueurs.
En juillet 2011, une information judiciaire est ouverte pour « extorsion en bandes organisées et associations de malfaiteurs ». La police a ensuite mené des perquisitions au siège de l’OM en janvier 2013. Dans le cadre de cette enquête, José Anigo a été placé sur écoute téléphonique durant une partie de l’été 2011, afin d’en savoir plus sur ses liens avec les protagonistes de l’affaire, dont son ami d’enfance Richard Deruda, truand marseillais et fiché au grand banditisme, Jean-Christophe Cano et Christophe D’Amico, agents de joueurs liés de près ou de loin avec le grand banditisme.
RMC Sport a eu accès aux procès-verbaux de ces écoutes téléphoniques. En voici la synthèse. Certains éléments ont déjà été dévoilés dans la presse. D’autres sont nouveaux, notamment au sujet du transfert de Samir Nasri de Marseille à Arsenal, et de la possible vente de l’OM.
Des pressions déguisées
José Anigo ne paraît pas subir de pressions du grand banditisme corso-marseillais tendant à imposer un agent pour la réalisation de transfert de joueurs à l’OM. Mais lorsque ce dernier cherche à faire signer Youssef El Arabi (Caen) à l’été 2011, son agent Jaouad Boukhari contacte Anigo pour lui raconter qu’il « a été appelé en numéro masqué et a été menacé ainsi que sa famille ». Et de poursuivre : « Il a été dit au joueur qu’il ne va pas venir à Marseille parce qu’il ne s’est pas mis avec eux », en l’occurrence deux autres agents qui se définissent comme incontournables pour réaliser un transfert à l’OM. Anigo ne semble pas en cause, car il répond alors à Boukhari : « Je vais envoyer un SMS au joueur où c’est écrit clairement que ton agent c’est Jaouad. »
Les relations dangereuses d’Anigo
Les enquêteurs estiment que le truand marseillais Richard Deruda exerce une emprise forte sur José Anigo pour qu’il trouve un club à son fils Thomas Deruda, passé par l’OM. Lors d’une conversation téléphonique avec José Anigo, Deruda perd son sang-froid : « Déjà, tu m’as mis ton Corse d’enculé sur les couilles (...) José, t’es en train de me faire fumer, t’es en train de me faire péter la casserole. Je crois que si j’étais à côté José, je crois que je fais une connerie (...) Comme je suis capable de te faire vivre (...) La peur, je la connais pas dans des problèmes comme ça (...) Le football quand ça t’arrange hein. Attends que je te rafraîchisse la mémoire. »
Anigo paraît alors prêt à tout plaquer. « Selon comment ça va se passer dans les trois ou quatre jours qui arrivent, je m’arrête définitivement (...) J’ai assez d’argent pour vivre aujourd’hui, pour qu’on m’emmerde plus. Je ne veux plus avoir affaire à ces gens. Y’a plus personne qui va me tenir par les couilles (...) J’en ai marre. Eux, ils se démerderont tous tant qu’ils sont avec leur merde. » Anigo n’en fera rien. Mais le lendemain, alors qu’il devait se rendre à un rendez-vous avec Deruda, le directeur sportif marseillais s’assure de la présence d’un ami boxeur pour le secourir si nécessaire. Inutile, puisque Deruda « s’est excusé à plusieurs reprises ».
Des rétro-commissions au profit du grand banditisme marseillo-corse sur les transferts de joueurs à l’OM ?
Les enquêteurs s’intéressent de près au transfert d’André-Pierre Gignac de Toulouse à Marseille à l’été 2010, qui aurait fait l’objet de rétro-commissions ayant atterri dans les mains de la pègre. Gignac était représenté par les agents Christophe D’Amico et Jean-Christophe Cano. Le premier côtoie régulièrement des membres du grand banditisme corso-marseillais. Le second est « pris par les Marseillais », selon des propos tenus par Bernard Casoni (ancien joueur de l’OM) au cours d’une discussion téléphonique. Agent de joueur connu, Cano est en relation régulière avec José Anigo. D’après les enquêteurs, le directeur sportif de l’OM « échange des propos équivoques sur les modes de règlement » des transferts à plusieurs reprises durant les écoutes téléphoniques.
- D’abord lors d’une discussion entre Anigo et Maxime Nana, l’agent de Nicolas Nkoulou, en juin 2011 : « Anigo lui indique qu’il a surévalué le prix du joueur auprès de ses dirigeants, rapportent les enquêteurs. L’agent s’énerve et rétorque qu’il y a des choses qu’il ne faut pas dire au téléphone. On comprend lors de la conversation suivante entre les deux hommes, que le sujet était celui des rétro-commissions. » Anigo demande en effet à Nana « de ne pas mettre à mal son honnêteté car il ne lui a pas demandé un euro sur le précédent transfert. »
- Puis lors d’une conversation avec un journaliste, qui demande à Anigo la raison pour laquelle il n’a pas fait appel à un de ses amis pour toucher une commission sur le transfert de Jérémy Morel. Réponse du directeur sportif de l’OM : « C’est la vie ».
- Enfin, c’est encore le cas lors de deux conversations avec Luc Dayan, intermédiaire mandaté par la famille royale du Qatar pour l’achat de Lucho Gonzalez. « Anigo évalue son prix à 12,8 millions d’euros avant de préciser à son interlocuteur que si une grosse partie du paiement s’effectue en cash, la vente pourrait se faire à 9 millions d’euros », précisent les enquêteurs. Dans les colonnes de L’Equipe, José Anigo a répondu que « cash, ça veut dire en un seul paiement. Moi comme beaucoup d’autres, pour dire comptant, je dis cash. Penser que cash, c’est de l’argent qui va me revenir, c’est faire fausse route. Vraiment. Mon président m’a dit : « Si le club paye comptant, c’est 9 millions d’euros, et s’il paye en plusieurs fois, c’est 12,8 millions d’euros ».
Pape Diouf mouillé dans le transfert de Samir Nasri ?
C’est ce que laisse entendre José Anigo dans une conversation téléphonique datée de mars 2012 avec l’agent Philippe Piola. Le directeur sportif de l’OM parle en ces termes de l’ancien président du club phocéen Pape Diouf : « Sur les transferts qu’il faisait, il était rémunéré parce qu’il y avait les primes. C’est-à-dire que quand il a acheté par exemple un mec à 1 million, s’il le vendait 3 millions, il avait un pourcentage sur la plus-value (...) Quand on vend Nasri 16 millions, je ne m’explique pas tellement comment il reste 10 millions dans les caisses du club (...) Comment ils ont fait M. Fournier (Julien Fournier, ex-secrétaire général de l’OM, ndlr) et M. Diouf pour donner une prime au père de Nasri qui n’est pas agent et au joueur, alors qu’il quitte club (...) Il va se passer que peut-être la justice va tout simplement regarder le transfert de Nasri et où ils sont passés ces 6 millions. Peut-être que Pape Diouf il les a pas mis dans sa poche, mais on peut considérer que le père de Nasri, qui n’est pas agent, il n’a pas le droit d’en toucher une partie (...) On peut considérer que Bernès (Jean-Pierre Bernès, agent de Nasri) en a mis une partie. On peut considérer que peut-être quelqu’un en a rétrocédé à un autre. »
La vente de l’OM dans les tuyaux ?
Dans cette même discussion avec Philippe Piola en mars 2012, vient sur le tapis le sujet de la revente de l’OM, acheté par Robert Louis-Dreyfus en 1996 et aujourd’hui propriété de sa veuve Margarita Louis-Dreyfus. José Anigo affirme : « Si tu connais quelqu’un un jour qui veut racheter le club, moi je sais que dans un an, un an et demi au maximum, elle va le vendre (..) C’est ce que m’a dit Vincent (Labrune, l’actuel président de l’OM) l’autre jour. Il m’a dit de manière précise, si un mec arrive avec 90 millions, c’est exactement ce que Robert a mis dans le club en réalité. Pour qu’il re-rentre dans ses sous. 94 ou 95 à peu près pour qu’il retrouve sa surface financière investie. » Anigo confirme ensuite que l'OM serait vendu une fois le nouveau stade Vélodrome livré à l'été 2014. Problème ignoré à l'époque par Anigo, les travaux ont pris 6 à 9 mois de retard et l'enceinte pourrait être inaugurée début 2015.