"C'est beaucoup plus facile de lancer des jeunes à Nice, car la pression du résultat est sans commune mesure avec celle de l'OM. On ne peut pas comparer", assure Vincent Labrune, le président olympien. Soit.
Mais on peut tout de même évoquer le centre de formation de l'OM et se souvenir, par exemple, qu'un plan stratégique avait été mis en place avec le concours de José Anigo, l'été dernier, pour dribbler le marasme économique. Avec le centre de formation comme partenaire particulier.
Laissée de côté par Didier Deschamps, qui ne l'estimait pas assez performante, la formation olympienne devait donc adopter un virage à 180° avec l'arrivée d'Élie Baup, reconnu pour sa capacité à dénicher et lancer des jeunes talents.
Rafidine Abdullah lui avait d'emblée tapé dans l'oeil, à son arrivée à Crans Montana (Suisse). Les espoirs de l'été s'étaient confirmés en un temps de jeu conséquent pour le jeune Marseillais, que ce soit en L1 et, surtout, en Ligue Europe, compétition devenue le "laboratoire" pour aguerrir les jeunes pousses du club. De Baptiste Aloé à Wesley Jobello, en passant par Achille Anani, Gaël Andonian, Larry Azouni, Laurent Abergel ou Jonathan Santiago, de nombreux jeunes ont découvert cette saison le groupe pro.
Mais le mercato d'hiver a bouleversé la donne. Et notamment l'arrivée tardive d'Alaixys Romao, alors que l'entraîneur haut-garonnais semblait résolu à s'appuyer sur Abdullah. La politique sportive du club, dictée en début de saison, était pourtant claire : miser sur la formation et ne recruter que des joueurs jeunes, à fort potentiel. D'où une certaine forme d'incompréhension au sein des différents staffs en place...
Baup explique : "Cet axe de travail est moins visible car nos jeunes joueurs ont moins de temps de jeu à cause de la concurrence. "Rafi" a joué au début pendant la suspension de Barton; aujourd'hui, Joey est opérationnel, il y a aussi Romao, Cheyrou. Il est quatrième, mais il est toujours là. Des gars comme Aloé, Abergel et Omrani (lire ci-dessus), même s'ils n'ont pas de temps de jeu, sont avec les pros à l'entraînement et dans la préparation du match. Ce travail est constructif pour l'avenir, et il y a un avenir pour ces jeunes."
Dans les couloirs du centre de formation, le discours n'est pas le même. "On est dans l'illusion, dans la communication. Il y a beaucoup de choses à clarifier, mais nous n'avons aucune discussion", assure l'un des membres. Un autre éclaire : "Il n'y a aucune cohérence entre les propos et les actes.""Il y a tellement de choses qui déraillent. On est rattrapé par la réalité de ce club", résume un salarié quand un dirigeant plaisante : "La dernière fois qu'on s'est penché dessus, on l'a résumé à construire un bâtiment..."
Inauguré en grande pompe en janvier 2011, l'écrin marseillais n'est pas une coquille vide. Mais, avec une petite soixantaine de pensionnaires de 15 à 18 ans (dont 33 internes), il pointe quand même au 16e rang national... "On a besoin de renforcer le centre en qualité et en quantité. Ce n'est pas une question de personnes, mais de méthodes. L'objectif à court terme est de tendre vers l'élite au niveau du recrutement des jeunes joueurs, admet Labrune. La priorité, du moins au niveau de la région PACA, est que tous les meilleurs joueurs par catégorie d'âge soient à l'OM. Et ce quel qu'en soit le coût."
Élie Baup a tenu le même discours hier matin : "Le bassin marseillais est incroyable. Dans l'ensemble du foot pro, les statistiques montrent qu'un nombre conséquent de joueurs est issu des bassins parisiens et provençaux. On a la chance d'avoir ça devant notre porte, il faut l'accentuer et l'utiliser encore plus." C'est à se demander ce que font les découvreurs de talent depuis tant d'années.
Des Marseillais, l'OM en a pourtant eu (Nasri, Flamini) sans forcément savoir les garder (Flamini, encore lui, Benatia ou Alessandrini) ou en passant complètement à côté (Zidane) avant de les acheter (Luccin, Cantona). Et heureusement qu'Abedi Pelé a eu la bonne idée de jouer à l'OM, car André et Jordan, ses rejetons, ne seraient certainement pas venus si ça n'avait pas été le cas. "Dans tous les clubs, il y a des recruteurs - dont c'est le métier - qui prospectent en permanence sur tous les terrains. Ici, on voit débarquer sans cesse des joueurs, des agents... Si encore c'était des phénomènes !"
Dans les autres clubs pros, le suivi du centre est très poussé. À Nice bien sûr, mais aussi à Montpellier ou à Rennes. Même à Paris, où Bertrand Reuzeau, le patron de la formation, a un rendez-vous hebdomadaire avec Carlo Ancelotti et Leonardo.
Les synergies ne sont pas les mêmes à Marseille, où se cache en réalité un monstre à deux têtes : la SASP OM (le secteur pro) d'un côté, l'Association OM (chargée du centre et présidée par Jean-Pierre Foucault) de l'autre. Pour gommer ces différences, les huiles olympiennes sont décidées à retirer certaines équipes du centre pour les rapprocher de l'équipe première, comme les U17 ou les U19. Et elles prévoient ainsi d'utiliser une méthode transversale afin de créer une passerelle entre les trois entités.
"On n'a pas une vision très claire de ce qui va se passer. On entend beaucoup de gens parler de choses qui doivent se faire, mais nous ne sommes jamais consultés par rapport à tout cela", explique un ancien du club, dépité par cette situation lunaire.
Et qui s'interroge en guise de conclusion : "Le but d'un centre de formation, c'est d'avoir des joueurs qui arrivent à jouer en équipe première. Si ce n'est pas le cas, à quoi sert votre travail ?"
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Un nouveau casting en juin ?
Ils avaient rendez-vous mardi, avec José Anigo. L'avenir de chaque pensionnaire du centre de formation de l'OM a été évoqué. "Leur sort a été scellé en une heure... Et nous, on n'en sait pas plus sur le nôtre !", aurait ironiquement glissé l'un des participants de cette réunion au moment de quitter le bâtiment.
Le flou le plus total entoure en effet l'avenir des formateurs et des éducateurs olympiens. Henri Stambouli (directeur du centre, en photo), Éric Thiery (entraîneur de la réserve), Jean-Luc Cassini (U19 ), Thierry Rodriguez et Éric Rech (U17), et les autres... Tous arrivent en fin de contrat.
"Comment vont-ils continuer à diriger leurs joueurs en sachant qu'eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils vont faire ?", s'interroge-t-on au sein de l'OM. Malgré nos sollicitations, Stambouli a refusé de s'exprimer sur le sujet. Selon nos informations, il pourrait quitter le club au mois de juin. Ses relations avec le directeur sportif se sont largement refroidies. Quant à celles avec Vincent Labrune, elles seraient rarissimes et aussi glaciales.
Les deux hommes n'auraient échangé qu'à deux reprises depuis le début de saison. Cassini, lui, a été menacé d'éviction au mois de décembre en raison d'un manque de résultats en U19. "On a pourtant besoin de patience, de clarté et de vision à long terme. En termes de formation, on ne peut pas raisonner à une échéance de trois ans", regrette un membre de l'encadrement du centre. Mais en haut lieu, le discours diverge.
"On a fait un plan l'été dernier selon lequel il faut quatre ou cinq joueurs par année capables d'intégrer l'effectif professionnel. Ça passe dès cette saison par le recrutement des meilleurs jeunes par catégorie d'âge et ça va avoir des conséquences dans les reconductions de contrats ou les nouveaux contrats signés."
Cet épais brouillard nuit à l'avenir olympien, au moment où il faut convaincre les jeunes supervisés de choisir la voie de La Commanderie. "Comment peut-on aller voir des gamins et recevoir leurs parents dans ces conditions ?", peste un dénicheur de talents. Les infrastructures du centre RLD sont pourtant là pour séduire les familles. Mais les incertitudes plombent l'ambiance.
"On ne sait pas encore ce qui va se passer, tout le monde arrive en fin de contrat, mais chacun donne toujours le maximum pour son équipe. Une décision interviendra rapidement, bien avant la fin de la saison", espère néanmoins Robert Nazaretian, vice-président de l'Association OM. On devrait y voir plus clair en avril.
En attendant, les noms de possibles techniciens ont commencé à circuler pour succéder à Stambouli. Comme celui de Jean-Marc Nobilo, ancien entraîneur du Havre, qui a démissionné cette semaine de son poste d'entraîneur des U20 algériens.
Il avait rencontré José Anigo au mois de décembre, pour évoquer la possibilité de sélectionner Billel Omrani chez les Fennecs. Le contact se serait bien passé entre les deux hommes, à tel point que la possibilité de rejoindre un jour le club aurait alors été évoquée. Mais, depuis, certains doutes auraient été émis sur sa capacité à intégrer le contexte bouillant d'un club comme l'OM...