Le sélectionneur a guidé son équipe vers le titre de champion du monde, vingt ans après avoir remporté le trophée comme joueur. Il fait partie des plus grands. de notre envoyé spécial
VINCENT GARCIA MOSCOU – Le voilà en très bonne compagnie, dans le cercle restreint des légendes de ce jeu, à la hauteur du Brésilien Mario Zagallo et de l’Allemand Franz Beckenbauer, « meilleurs techniciens » selon lui et qui ont, eux aussi, remporté la Coupe du monde comme joueur puis comme entraîneur. Vingt ans après avoir été le capitaine de la première équipe de France championne du monde, Didier Deschamps (49 ans) vient d’être le sélectionneur qui a guidé les Bleus vers leur deuxième étoile. Comme joueur ou comme technicien, l’idée du guide lui va très bien, lui qui a su fédérer ce groupe de jeunes « garnements » bourrés de talent, pour construire une équipe de combattants à son image. Un groupe qui ne « lâche rien », selon son expression préférée.
« Il a trouvé les bons mots et le bon équilibre, il mérite cette victoire », l’a félicité Hugo Lloris. Si « l’émotion n’est pas la même », comme le dit souvent l’ancien milieu défensif, elle était très forte, hier, au coup de sifflet final. Il a partagé ces moments de joie avec ses joueurs, bien sûr, qui l’ont porté en triomphe. Après de longues et vibrantes accolades, il leur a dit que le monde avait changé et que le leur allait changer dès aujourd’hui et pour toujours. « Ils ne peuvent pas se rendre compte, a expliqué le coach tricolore après coup. Même s’ils prennent des chemins différents, ces vingt-trois joueurs seront liés à vie par cet événement. Ils ne seront plus les mêmes. Remporter la Coupe du monde, il n’y a pas d’équivalent dans leur métier. »
Liés, les champions du monde 1998 le sont. Unis, pas toujours, et le sélectionneur n’a pas très bien vécu quelques critiques venues de son propre camp avant la compétition, comme celles de Christophe Dugarry par exemple. Un documentaire jugé à charge, dans l’émission « Complément d’enquête » sur France 2, a aussi blessé son entourage, surtout. Lui a la peau épaisse du dinosaure et beaucoup de critiques lui passent au-dessus, contrairement à ses proches. Hier, sa femme, Claude, et son fils, Dylan, qui avait deux ans en 1998, sont descendus sur la pelouse du stade Loujniki pour fêter le sacre. Deschamps sautillait alors partout, un drapeau tricolore à la main. Après les photos, notamment avec son staff et le trophée, l’ancien milieu a regagné le vestiaire, où l’attendait Emmanuel Macron, notamment. Le président de la République était venu avec un soldat mutilé aux combats, qui voulait absolument « rencontrer » le sélectionneur. Deschamps l’a longuement enlacé.
Il a commencé à y croire après la victoire contre l’Argentine
Ensuite, devant la presse, alors qu’il recevait le trophée de meilleur entraîneur et s’apprêtait à répondre aux questions, la plupart de ses joueurs sont arrivés pour l’arroser. « On nage dans le bonheur », a-t-il rigolé. Souvent charrié pour son « animal de compagnie », une femelle, censée le suivre partout, et qu’on appelle autrement la chance, l’ancien entraîneur de Monaco et de l’OM a fait rire son auditoire à une question d’un confrère africain. « Si même au Nigeria, on me parle de la chance, je suis mal barré », a-t-il souri. Face aux médias, Deschamps, sous contrat jusqu’en 2020, a dit regarder « devant ». Il a souligné l’importance de son staff, reconnu que tout n’avait pas été flamboyant, notamment la première période face aux Croates hier (4-2). Il a avoué avoir commencé sérieusement à y croire après la victoire contre l’Argentine, en huitièmes (4-3). Le technicien a changé de système tactique trois fois en quelques semaines, a trouvé la bonne formule contre le Pérou (1-0), au deuxième match, et a réussi à bâtir une équipe solidaire et accrocheuse à son image. Talentueuse ? Aussi, mais ce n’est pas ce qui caractérisait Deschamps quand il était joueur. Sans les atouts d’un Zidane ou d’un Platini, il est aujourd’hui au firmament du sport français et mondial.
L'Equipe