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Equipe de France: Tapie, Diouf, Anigo, Werth… Ils racontent leur Didier Deschamps
Le 21 novembre prochain, Didier Deschamps aura peut être un peu de temps devant lui. Que la France soit qualifiée pour le Mondial ou qu’elle ne le soit pas, d’ailleurs. Et ça tombe bien: il pourra lire avec attention la biographie non-autorisée qui lui est consacrée, La face cachée de Didier Deschamps (Editions First). Un ouvrage qui vaut aussi beaucoup par les témoignages récoltés par Bernard Pascuito, l’auteur, dont 20 Minutes vous propose ici un avant-goût.
Bernard Tapie: «C’est tout pour sa gueule»
«Pour résumer ce que j’en pense, il est plus malin qu’intelligent, travailleur, c’est certain, mais il est formaté comme tous les footeux d’aujourd’hui, c’est tout pour sa gueule. (…) Alors qu’il pensait en avoir terminé avec sa pénitence bordelaise et se préparer à rentrer à Marseille, je l’ai fait venir chez moi à Paris. Pour commencer je lui ai dit: «Je vais te transférer». Il a répondu «non», un non sec et définitif. Je lui ai répété ce que je lui avais dit un an plus tôt, à savoir qu’il n’avait pas le niveau pour jouer chez nous. «Je vais vous prouver le contraire». «Non, tu iras sur le banc». «D’accord, (…)je ferai tout pour vous prouver que vous vous trompez sur moi.» Je n’en revenais pas. (…) Le fait qu’il a commencé la saison sur le banc, puis, dès qu’il est entré dans l’équipe, il n’en est plus sorti. Ses grandes qualités? Il fait tout bien, à fond. Joueur, entraîneur, sélectionneur… Si un jour il devient manager d’un club, ou président, il le fera très bien. (…) Il peut être attachant, par moments, il peut avoir des mouvements non contrôlés. Le reste du temps, c’est tout pour sa gueule.»
Pape Diouf: «J’ai toujours admiré son sens inouï de la langue de bois»
«L’un de mes grands regrets aura été de laisser Didier Deschamps en plan, après que nous ayons si bien préparé le terrain tous les deux. J’ai la conviction que si Julien Fournier et moi-même étions restés à l’OM, jamais ne se serait installée cette guerre latente entre Anigo et Deschamps. (…) L’expression «seule la victoire est belle» semble avoir été inventée pour Didier. (…) Rigueur, solidarité défensive, il ne prône pas un football spectacle, mais ça va avec sa soif inextinguible de gagner. (…) Je ne crois pas qu’il ait pris en main l’équipe de France trop tôt. On ne fait jamais les choses trop tôt. (…) Je crois qu’il aurait mal vécu de se retrouver hors circuit, une fois encore. Il avait très mal vécu les deux ans de chômage technique, même s’il faisait de la radio et de la télévision. Il n’était pas prêt à recommencer. En tant qu’ancien journaliste, j’ai toujours admiré son sens inouï de la langue de bois. Dieu sait que la langue de bois, pratiquée par des gens un peu lourds, ce peut être rasoir. Voire assommant. Maniée avec grâce par Didier Deschamps, elle devient un spectacle.»
José Anigo: «Une grande disposition à monter les gens les uns contre les autres»
«Aujourd’hui, je n’ai plus envie de parler de lui. (…) Quand il est arrivé à l’OM, j’étais favorable à sa venue. Ses qualités ne se discutent pas, il en avait fait la preuve ailleurs, et pas n’importe où. Il n’y avait aucune raison que ça se passe mal. Et puis il y a eu l’histoire Bernès. Se proposer de faire revenir à Marseille l’homme qui lui a coûté si cher, qui a sali le club, par ses actes et par ses dires, c’était une énorme provocation. (…) Il est devenu tendu, à fleur de peau, un peu parano. (…) Il s’est montré odieux avec à peu près tout le monde au club, comme si tous, du magasinier au responsable des ballons, étaient des ennemis implacables. (…) les deux premières saisons, les résultats ont fait taire nos ressentiments. Quand les défaites ont commencé de s’accumuler, au cours de la troisième saison, la tension est montée de plusieurs crans. Est apparu chez lui un trait de caractère acéré: quand il se trouve face à un échec ou une simple mauvaise passe, il faut que ce soir à cause de quelqu’un. (…) Il a une grande disposition à monter les gens les uns contre les autres. (…) Vous ne m’entendrez pas dire que c’est un mauvais. (…) Hélas, tout cela est gâché, dans ses rapports humains, par une énorme susceptibilité qui confine à la paranoïa.»
Jeannot Werth: «On ne peut pas essayer de comprendre Didier Deschamps si on ne tient pas compte de la personnalité de sa femme»
«Un jour, José Anigo, qui «collaborait» depuis trois mois avec Didier, à l’OM, m’a dit: «Comment tu as fait pour passer vingt ans avec lui?». J’ai ri légèrement, parce que c’était vrai. Et ça m’a rendu triste, pour la même raison. (…) J’ai aimé spontanément le jeune homme de 21 ans dont je suis devenu l’agent au début de l’année 1989. Je crois qu’il s’est senti en confiance avec moi et c’était réciproque. (…) Quand j’allais le voir, je descendais chez lui, je partageais les repas du couple. (…)Il jouait en Italie quand son fils, Dylan, est né, en 96. Notre relation était bonne, même si je ne le voyais plus aussi souvent. (…) Ce n’est que quelques années plus tard, Didier étant devenu entraîneur, que j’ai commencé à sentir une légère différence dans le comportement de Claude (la femme de Didier, ndlr) à mon égard. (…) On ne peut pas essayer de comprendre Didier Deschamps si on ne tient pas compte de la personnalité de sa femme. (…) Il ne décide rien sans en avoir parlé avant à Claude. (…) Après chaque rencontre télévisée, il téléphone à Claude pour savoir ce qu’on dit les commentateurs.»