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Abonné à la Ligue des champions entre 2007et 2011, Marseille est à la peine sportivement.Du coup, les supporters rêvent de l'arrivéed'un nouvel investisseur. C'est justement ce que cherche l'actionnaire actuelle,Margarita Louis-Dreyfus.
L'Olympique de Marseille est à vendre. Aucun cabinet d'affaires n'a été mandaté mais des avocats du groupe Louis-Dreyfus suivent l'évolution de ce dossier avec attention depuis plusieurs mois. Dans l'entourage de la propriétaire, Margarita Louis-Dreyfus, on ne fait plus de mystère de sa volonté de céder le club. Depuis la mort de son mari, en juin 2009, « MLD », outre des facilités de trésorerie, a injecté environ 40 M€ pour combler les pertes d'exploitation essentiellement. Comme on a pu le constater cet été sur un marché des transferts qui a d'abord servi à éponger les pertes de l'exercice précédent, quitte à voir s'envoler Gignac, André Ayew, Morel, Fanni, Payet, Thauvin ou Imbula, soit presque les deux tiers de l'équipe type, la tendance est désormais à un désengagement financier.
Si tous les indices concordent, la possibilité d'une vente n'est pas nouvelle non plus : l'actionnaire majoritaire en avait émis la possibilité en octobre 2011 dans les colonnes du Monde. Après deux années de succès – notamment le titre de champion en 2010 qui lui avait valu un immense bain de foule sur le Vieux-Port –, l'OM de Deschamps commençait à piquer du nez. Et Margarita à s'agacer, elle qui avait accepté de poursuivre l'oeuvre de son mari à condition que le club ne lui cause pas autant de soucis, notamment judiciaires. Chez les Louis-Dreyfus, le plus mordu reste incontestablement l'un de ses fils, Kyril (17 ans), capable de s'attaquer sur les réseaux sociaux à Jean-Michel Aulas pour défendre l'OM. « Mais Kyril est trop jeune pour remettre en cause le processus enclenché, estime un proche du groupe Louis-Dreyfus. S'il se retrouve un jour à la tête de l'empire et que l'OM n'a toujours pas trouvé un repreneur, alors, ça pourra changer certaines choses. Pour l'instant, non. »
Pourquoi Labrune se démène depuis quatre ans
Assainissement de la masse salariale, acquisition de la Commanderie en 2013, volonté de récupérer aux groupes de supporters la vente des abonnements en virages… Tous les signaux sont au vert pour une éventuelle vente, et ce ne peut pas être un hasard. Vincent Labrune a un cahier des charges clair : diminuer les dépenses et augmenter les recettes mais aussi améliorer l'image du club et pacifier son environnement. À l'équilibre en juin dernier, les comptes de l'OM devraient être positifs en fin de saison, ce qui rend le club plus attractif. Les discussions qui s'ouvrent, cet après-midi, avec les associations de supporters sur la gestion des abonnements dans les virages font également partie de la stratégie de Labrune. Économiquement, l'enjeu est loin d'être majeur. En revanche, en termes d'image et de maîtrise de la sécurité, cela ne peut pas déplaire à un investisseur, même si cela ne constitue pas un élément déclencheur. Dans un autre domaine, Labrune a voulu s'éloigner de certains agents proches du club, à la réputation sulfureuse, un autre paramètre qui pourrait faire tiquer un repreneur. L'instruction ouverte sur les transferts présumés douteux de l'OM, pour laquelle Labrune a été placé en garde à vue en novembre 2014, comme ses prédécesseurs, Pape Diouf et Jean-Claude Dassier (récemment mis en examen), peut cependant apparaître comme un frein pour une future vente de l'OM.
Combien vaut l'OM ?
Dans l'entourage du groupe Louis-Dreyfus, l'OM est évalué à 100 M€. Mais le prix de vente ne sera pas un obstacle dans les négociations éventuelles. Surtout si l'acquéreur est solide et ambitieux. Deux ou trois fois par an, le club reçoit des marques d'intérêt de la part d'éventuels investisseurs. Mais la plupart ressemblent plus à Jack Kachkar, cet homme d'affaires canadien qui avait promis 115 M€ pour racheter le club en 2007 alors qu'il n'avait pas les fonds, qu'à Qatar Sports Investments, le propriétaire du PSG.
Le profil ciblé doit permettre à Marseille de franchir un palier. Concrètement, le futur propriétaire de l'OM devra, en plus du prix d'achat, être en mesure d'investir au moins 150 M€ la première saison. Ce n'est pas donné au premier venu. Surtout que le retour sur investissement semble aléatoire en Ligue 1 entre les charges sociales élevées et des droits télé très inférieurs à ceux de la Premier League anglaise. Et l'on ne parle même pas du fair-play financier, mis en place par l'UEFA, qui limite un peu le champ des possibles en Coupe d'Europe.
Y a-t-il eu des contacts ?
Oui. Mais, jusqu'à présent, aucune discussion n'a abouti. « Nous avons eu des approches venant des pays du Golfe, mais la tendance n'est plus trop à des investissements massifs de leur part, note un proche du groupe Louis-Dreyfus. Les Chinois se concentrent sur leur marché intérieur et les Russes sont refroidis par la France. S'ils rachètent un club, ils savent qu'ils auront la brigade financière sur le dos dès le lendemain. » Des échanges ont eu lieu avec un groupe américain mais ce dernier ne rentrait finalement pas dans les critères définis par MLD, c'est-à-dire ceux d'une entité capable d'investir vite et fort. La dernière touche arrive d'Inde, mais le groupe Louis-Dreyfus ne semble pas convaincu par le sérieux de l'affaire. Ces derniers temps, a aussi surgi le nom de Mohammed al-Maktoum, émir de Dubaï et beau-père du cheikh Mansour, le propriétaire de Manchester City. Une piste qui présenterait toutes les garanties. Au club, on confirme une approche de Dubaï, il y a quelques mois, mais pour réfléchir à un partenariat sur la formation de jeunes joueurs à l'OM. « Cela dit, bâtir ce genre de relations peut permettre d'autres choses à moyen ou long terme », indique-t-on du côté de l'OM. Sponsors asiatiques, africains, compagnies pétrolières : les marques d'intérêt pour entrer dans le capital du club existent, sans nécessairement en prendre le contrôle. Labrune n'écarte pas cette solution à court terme, afin d'avoir plus de moyens pour renforcer l'équipe. Mais ce n'est pas la stratégie de sa patronne. Ouvrir le capital à un actionnaire minoritaire pourrait compliquer les négociations sur une vente du club. Or, pour Margarita Louis-Dreyfus, il s'agit bien de l'objectif prioritaire .
23e
L'OM ne cesse de chuter dans la hiérarchie des clubs les plus riches du monde. Selon le cabinet Deloitte, qui publie chaque année un classement, Marseille est passé de la 13e à la 23e place depuis l'arrivée de MLD. Ce ne sont pas les revenus du club qui ont chuté (133,2 M€ en 2008-2009 contre 130,5 M€ en 2013-2014), c'est le monde qui a changé. Avec, notamment, l'arrivée des fonds venus du Golfe, de Russie ou d'Asie, dont ont su, par exemple, profiter le PSG ou Monaco, difficile d'exister face à la concurrence.
Les chiffres
16
Le classement de l'OM après 9 journées.
Il faut remonter à la saison 2007-2008 pour trouver le club marseillais en aussi mauvaise posture à ce stade de la compétition. Cette année-là, il était 17e (7 points) et avait terminé la saison au troisième rang (62 points, loin derrière Lyon, 79 points, et Bordeaux, 75).
Ce serait le bon moment
Restructuré, le club marseillais est présentable sur le marché.Mais, pour vendre, MLD doit s'organiser.
L'avis est unanime : si Margarita Louis-Dreyfus veut céder l'OM, le moment est idéal pour se lancer. « Les astres sont alignés, assure ainsi Christophe Bouchet, ancien président du club, qui oeuvre aujourd'hui pour la société de marketing sportif Infront. Le club a un actif avec l'achat de la Commanderie (le centre d'entraînement). L'épée de Damoclès des supporters est moins forte avec le plan qui est en train d'être mis en place. Et la mairie, qui a toujours été un frein car elle pouvait craindre l'émergence d'un rival puissant à la tête de l'OM, est moins concernée, puisque Jean-Claude Gaudin (le maire) fait son dernier mandat. »
La restauration des comptes du club plaide aussi en faveur d'un éventuel projet de cession. « Céder les actifs avec le plus de valeur, comme Payet, Imbula et Thauvin, est cohérent pour quelqu'un qui veut vendre, relève Bastien Drut, économiste spécialisé dans le football. Cela lève des incertitudes néfastes pour une cession. S'il les avait gardés, le club n'aurait pas l'argent des transferts (54 millions d'euros). Et il aurait risqué une dépréciation en cas de blessure, par exemple, ce qui aurait provoqué une diminution de la valeur du club. Là, ils ont été vendus au bon moment et à un bon tarif. La remise à plat du dossier des supporters est également favorable pour une vente. Un repreneur potentiel pourrait être réticent à s'inviter à Marseille en pensant aux débordements qu'il pourrait y avoir dans les tribunes. »
UN MESSAGE CLAIR DE L'ACTIONNAIRE
Mais ce repreneur existe-t-il ? « Je n'ai pas d'information privilégiée, mais je pense qu'il y a encore des candidats dans les pays du Golfe ou au Moyen-Orient prêts à venir se créer une notoriété, poursuit Bastien Drut. Pour avoir un club compétitif en Ligue 1, il ne faut pas mettre des sommes monstrueuses. Avec 100 à 150 millions d'euros, cela rehausserait sensiblement le niveau de l'OM. »
Mais, avant cela, il faut un message clair de l'actionnaire. « Pour qu'un club soit vendable, il faut que le propriétaire ait une vraie volonté de sortir, prévient Luc Dayan, spécialiste de la restructuration et de la vente des clubs pros. Il faut une banque d'affaires. C'est ce qui s'est passé avec Dassault à Nantes, Canal + au PSG ou le Crédit agricole à Lens. Il faut que l'actionnaire transmette les éléments juridiques et financiers. À Marseille, je n'ai pas entendu parler d'un tel processus ni d'une banque d'affaires mandatée, même si cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des discussions. Les dossiers de vente des clubs sont difficiles. Il faut vraiment que tous les éléments soient réunis pour qu'ils aboutissent. » D'autant, comme le remarque Paul Cometo, analyste à News Tank Football, « que trouver des investisseurs sérieux et crédibles est très difficile en France ».
Vincent Labrune : " Si un jour... "
Même s'il ne l'envisage pas à court terme, le président de l'OM ne ferme pas la porte à une ventedu club.
Au lendemain de la défaite au Parc des Princes, la huitième d'affilée contre le PSG, la cinquième en neuf matches de L1 cette saison, Vincent Labrune, le président marseillais, fait le point sur la situation économique de l'OM. Et sur une éventuelle cession rendue possible par la reprise en main des comptes et des supporters.
« On évoque régulièrement la volonté supposée de Margarita Louis-Dreyfus, la propriétaire du club, de vendre l'OM. Où en est-on ?
Pour vendre, il faut des acheteurs, ce qui n'a jamais été le cas. Aujourd'hui, il n'y a rien. On a une volonté d'optimiser l'organisation, de professionnaliser le club à tous les niveaux et d'être dans la capacité d'attirer les investisseurs et les sponsors. Pour l'heure, c'est de la fiction. Mais si un jour le fruit du travail de réforme nous permet d'attirer un investisseur comme celui du PSG, ce sera très bien. Mais je le répète : pour l'instant, on parle dans le vide.
« NOUS AVONS LA VOLONté de rendre le club attractif »
Quelle est la situation financière de l'OM ?
Bonne. Au 30 juin dernier, les comptes étaient à l'équilibre (les pertes étaient de 12,5 M€ un an plus tôt). Nous allons entrer dans un cycle vertueux, avec une hausse des recettes au stade, une prochaine augmentation des ressources télévisées (les droits de la Ligue 1 sont de 607 millions d'euros cette saison et atteindront à 748,5 millions d'euros en 2016-2017), une baisse de notre masse salariale et de nos charges. Le club est sain et il n'a pas de dettes. Tous les indicateurs économiques sont au vert.
Vous êtes en quête d'un nouveau sponsor principal pour le maillot ?
On veut qu'en termes d'image, le club soit plus bankable. On discute avec un nouveau sponsor principal pour la saison prochaine. D'ici à fin novembre, on espère un accord.
Vous travaillez aussi sur le dossier des supporters. Est-il vital pour que l'OM avance ?
Je vous confirme que l'on a un dossier prioritaire : le dialogue avec nos groupes de supporters pour la commercialisation des abonnements. Nous avons la volonté de rendre le club attractif, ce qui est le seul moyen d'augmenter nos recettes.
Il faut aussi des résultats sportifs pour faire une bonne saison…
Il y a un retard à l'allumage. On a fait, en septembre, ce que l'on aurait dû faire lors de la préparation de la saison. On a beaucoup de joueurs qui ne sont pas à 100 %. Le départ de notre entraîneur (Marcelo Bielsa), le 8 août, n'a pas facilité les choses. Mais on va entrer dans le deuxième quart du Championnat, et on a vu au Parc que l'on avait une équipe. La saison dernière, on était champion d'automne et à la fin on n'a rien eu. Cette saison, on peut essayer de faire l'inverse. »