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La Ligue 1 se prostitue devant le Moyen-Orient
Depuis l’investissement qatari au PSG, d’autres clubs de Ligue 1 n’hésitent plus à parler ouvertement d’une ouverture de capital ou d’une revente à des fortunes arabes. Plus qu’une envie de grandir individuellement, il s’agit d’une stratégie vitale pour le football français et le rayonnement de l’hexagone dans le monde.
Comme souvent, Jean-Michel Aulas a un coup d'avance. Mais ses démarches servent à tout le football français
Pour s’assurer de la présence francophone à Doha, il suffit simplement de tapoter sur un moteur de recherche quelques mots. Le plus marquant reste « Le Cercle francophone », association à but non lucratif visant à réunir les femmes francophones de Doha. « Franchement, je n’étais pas trop dépaysé », abonde Matt Moussilou, prêté par Nice à Al-Arabi Sports Club en 2007/2008. « C’est une ville très ouverte, où on trouve des repères européens et français. » L’attaquant du Lausanne-Sport fait référence aux nombreux expatriés et aux intérêts hexagonaux à Doha. Une exception dans cette région du monde. L’Angleterre, et à un degré moindre l’Allemagne, trustent les autres places importantes (Abu Dhabi, Dubaï, Riyad…) grâce à une présence accrue dans divers domaines. Moralité, lorsque votre championnat est déjà spectaculaire, avec de magnifiques buts, des stades pleins et des stars à l’aura planétaire, vous n’avez aucun mal à être bankable aux yeux du Moyen-Orient. Aucun besoin de se vendre et d’aligner les courbettes. La Liga se suffit à elle-même par exemple. La Ligue 1, beaucoup moins.
Derrière le foot ? Du business et des intérêts politiques
Le Qatar a développé depuis plusieurs années une véritable politique sportive. Enfin, pas à l’intérieur du territoire, puisque l’accès au sport pour les Qataris n’est pas la priorité de l’état-major. Leur but est de promouvoir l’image du pays à travers le monde, grâce à leur savoir-faire. En mettre plein les mirettes en faisant une razzia sur les événements mondiaux, voilà la tactique. Sans oublier que se cachent des intérêts pour Al Jazeera et Qatar Airways.
L’investissement au PSG résulte d’ailleurs de cette formidable exposition qu’offre la ville de Paris. Presque aucune autre ville en Europe ne propose pareil regroupement de pouvoir, de richesses et de convoitises. Sauf que cette totale réussite – champion ou non, la prise de pouvoir du cheikh Tamin ben Hamad Al Thani est quasi parfaite dans tous les compartiments, notamment dans l’image donnée au grand public et au monde entier – engendre une réelle émulation. « Il faut comprendre ces gens », nous glisse un agent francophone spécialisé dans les transactions au Moyen-Orient. « Ils ont un égo démesuré. Ils veulent être les meilleurs et que ça marche à leur façon. Et entre eux, la concurrence est plus que féroce. Il y va de l’intérêt du pays et de certaines considérations politiques. » D’où la probabilité plutôt mince qu’une autre fortune de Doha rejoigne la Ligue 1. L’hexagone étant déjà occupé par l’émir héritier du Qatar, il serait incongru de le concurrencer. Tandis que des contrées voisines…
Le projet « Lyon Dubaï City »
Moralité, les acteurs de la Ligue 1 n’ont plus le choix : il faut séduire. Coûte que coûte. Jean-Michel Aulas l’a très bien compris. Le président lyonnais, qui vend déjà des prestations de consulting en Chine, a trouvé sa cible : les Emirats arabes unis. Un investisseur dubaïote, amoureux de la cité rhodanienne, s’est d’ailleurs décidé à financer « Lyon Dubaï City ». Le 9 janvier 2008, ce projet voit officiellement le jour. « Il était venu avec le projet d’implanter une université francophone à Dubaï, avec l’aide de l’université Lyon II. Tombé amoureux de la ville, cet homme d’affaires a eu envie de recréer, non pas à l’identique un quartier lyonnais, mais plutôt l’ambiance, le style de vie, l’esprit de la ville de Lyon en plein de cœur de Dubaï. Plusieurs institutions, comme le Musée des Tissus, l’Institut Lumière, l’Olympique lyonnais ou encore l’université de Lyon II, ont été enthousiasmées par son projet et ont proposé d’y collaborer », déclara à l’Internaute.com Jean-Michel Daclin, adjoint au maire de Lyon, chargé des relations internationales. Les travaux devraient prendre fin en 2016 ou 2017. Un chantier colossal, à presque 2 milliards de dollars selon les estimations ! Et, surtout, une aubaine pour Jean-Michel Aulas.
Outre le lancement de Cegid Middle East, filiale de Cegid destinée au Moyen-Orient, le président olympien a tissé de nombreux liens à Dubaï et Abu Dhabi – deux villes des Emirats. Son but ? Assurer un revenu considérable avec le naming et préparer le futur. Aulas sait pertinemment qu’il ne gouvernera pas ad vitam æternam les Gones. En anticipant, en montrant que les échanges peuvent aller dans les deux sens (la venue d’Al Kamali cet hiver n’est pas pour concurrencer ce bon vieux Cris ou ce jeune inconstant de Koné), il débloque un nouveau marché, qui ne connaissait rien de la Ligue 1. Et presque de la France….si ce n’est Paris, la ville lumière.
« On parlait des droits de l’homme en Arabie saoudite. Aujourd’hui, tant qu’il y a de l’argent… »
Concernant les autres « candidats » à un investissement, il faut se méfier. L’exemple parisien montre à quel point les contacts avancés et l’officialisation d’une reprise peuvent durer des mois et des mois. Encore plus lorsque les enjeux dépassent allégrement le football, comme à l’OM. Et ce, même si la rivalité avec le PSG aiguise les appétits, notamment du côté….parisien (cela donnerait un scénario et une meilleure exposition européenne et mondiale, tout en boostant la compétitivité du football français). Marseille, grâce à son ouverture portuaire et la holding Louis Dreyfus, présente un grand intérêt business. Les discussions sont plutôt avancées, mais tout peut s’écrouler d’une heure à l’autre. Seule certitude : Margarita Louis Dreyfus écoutera toutes les propositions, même d’Arabie saoudite. « Ça me fait rire, car on parlait toujours des droits de l’homme qui étaient bafoués en Arabie saoudite », poursuit l’agent. « Aujourd’hui, tant qu’il y a de l’argent, on oublie l’image que véhicule le pays et la politique qui y règne. » L’argent n’a pas d’odeur dit-on…
Si Bordeaux – on parle de la Chine -, Lens, Lille ou Saint-Etienne ont notamment été cités, il ne faut pas oublier le potentiel d’un club comme…Cannes. « La ville, les strass, la gloire. Tout ce que ces gens aiment. Surtout que leur investissement serait moindre. Déjà que ce n’est pas un souci pour eux… », continue notre interlocuteur. Toutefois, avant de conclure de telles transactions, il faudra convaincre tous ces hommes en turban du bienfait de venir en France. Et continuer à se rabaisser, à dérouler le tapis rouge à ces messieurs. Frédéric Thiriez et sa garde rapprochée l’ont bien compris. Tout comme Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG et directeur général d’Al Jazeera Sports. Vous pensez sincèrement qu’il désire cannibaliser un championnat exigu où la concurrence est nulle ? Montrer la force du Qatar aux dépens de ses voisins fortunés qui ont investi Ligue 1, voilà un défi qui excitera des millions et des millions de personnes à travers le monde, scotchés derrière leur écran à regarder des spots publicitaires vantant les produits qataris et ceux de leurs associés…
Un rêve encore utopique aujourd’hui, mais à force de flatterie et de baissement de pantalon, on arrive à tout. Regardez la mairie de Paris. Le temps est révolu où on s’indignait publiquement de ces bougres de cheikh et de leur argent sale. On préfère se laisser faire et récolter les bénéfices à court terme, pendant que ces gens prennent possession de nos clubs et de marchés plus importants à long terme. C’est un choix comme un autre…