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Ceux qui ont connu le vieux Le Cesne vous le diront tous. Avec sa main courante, son grillage et sa pelouse pelée les trois quarts du temps, l’enceinte phocéenne semblait tout droit sortie d’une photo jaunie par le temps qui passe. Officiellement, ce terrain était celui réservé à l’équipe... réserve de l’Olympique de Marseille, obligée de jouer par moments sur le petit stade Roger-Lebert. Pour ce qui est des infrastructures, la cité phocéenne n’avait jusque-là jamais pu offrir un véritable écrin à ses minots. Doucement mais sûrement, l’OM se rattrape. Tout sourire, Jacques-Henri Eyraud et Andoni Zubizarreta ont récemment inauguré l’OM Campus. Une sorte de version 2.0 du stade Le Cesne consacrée à l’escouade de National 2 et aux féminines, avec deux autres terrains pour les plus jeunes. Le club provençal renoue enfin avec une jeunesse qu’il avait auparavant mise de côté, et les huiles de McCourt en ont fait un véritable mantra.
« Nous avons relancé le développement de nouveaux talents, a affirmé le propriétaire américain. Je viens d’inaugurer un centre de formation pour les jeunes joueurs (NDLR : l’OM Campus). On a réuni le travail des associations, ainsi que tout le club et les joueurs eux-mêmes. Avoir une stratégie transversale, c’est ça aussi la cohérence. Nous investissons beaucoup dans notre développement. C’est un des fondements de l’évolution de notre équipe. »
À chaque président sa politique
Doit-on croire sur parole Frank McCourt ? À la ramasse en termes de formation par rapport à Paris, Lyon ou encore Monaco et Nice, l’Olympique de Marseille avait tellement de retard que les efforts consentis semblent encore insuffisants. Structurellement, le club provençal s’est renforcé dans ce secteur au niveau des staffs, de la préparation physique, du suivi médical et surtout du lien entre son vivier et son équipe professionnelle. Torpillé par ses concurrents du Sud, Marseille a aussi mis en place au début de l’ère McCourt un partenariat avec différents clubs de la cité phocéenne. En tissant enfin un lien avec les escouades du coin, l’équipe OM Champions Project a réalisé un beau coup. Mais il s’agit d’une avancée qui aurait sûrement dû avoir lieu il y a déjà pas mal d’années. « Lyon, c’est l’exemple à suivre. Ils ont quinze ans d’avance, confie une source proche du club. Regardez les quinze dernières années de l’Olympique de Marseille. Christophe Bouchet arrive, il veut miser sur la formation, Pape Diouf le remplace : “Non, on ne fait plus de formation, on va faire de la postformation.” On arrête tout et on met le paquet sur des mecs comme Kaboré, Valbuena ou Mandanda. Pape s’en va, Dassier arrive et on remet le paquet sur la formation. Puis c’est au tour de Labrune, et ça explose de nouveau. On brise sans cesse le cycle. José Anigo, lui, aimait bien recruter des joueurs amateurs de la région, du coup les jeunes n’avaient plus de temps de jeu. Résultat : tu n’as pas avancé d’un poil. »
Derniers en National 2
Dans ce laps de temps cahoteux, le club olympien a tout de même réussi à sortir quelques joyaux comme Mathieu Flamini, Samir Nasri ou encore les frères Ayew, André et Jordan. Pour une belle flopée de Tuiloma, Omrani et autres Rabillard, émérites joueurs mais loin du niveau de la Ligue des champions. À des années-lumière de ce qu’ont été capables de produire les autres centres de formation de l’Hexagone. Lentement mais sûrement, l’OM se remet d’une décennie de choix hasardeux et de tergiversations en tout genre. Mais, sportivement, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Si les U17 nationaux de Pancho Abardonado et d’Olivier Jannuzzi se tirent la bourre en tête avec l’OGC Nice et l’AS Monaco, les U19 sont englués en bas du classement et la réserve est dernière en National 2. Ce qui inquiète le plus, c’est sans conteste de voir que, dans l’escouade de Rudi Garcia, seulement deux minots pointent le bout de leur nez : Maxime Lopez et Boubacar Kamara.
Les deux exceptions donnent du baume au cœur aux supporters olympiens, enfin fiers de voir des enfants du cru porter la liquette ciel et blanc. S’il a connu un gros coup de moins bien la saison passée, Maxime Lopez retrouve petit à petit la confiance du technicien phocéen. Avec la concurrence de Kevin Strootman, Luiz Gustavo ou Morgan Sanson, le minot du Burel et son jeu simple semblent séduire Garcia. La véritable éclaircie est venue de la défense depuis la saison passée. Capitaine de l’OM finaliste de la Gambardella en 2017 (défaite face au Montpellier HSC aux tirs au but), Boubacar Kamara continue de convaincre. À seulement dix-neuf ans, le gamin de la Soude a déjà des galons de titulaire et dame le pion à la déception Duje Caleta-Car ou au fantomatique Aymen Abdennour. Si la défense olympienne n’est pas la plus rassurante, lui a souvent fait le job.
« Si Garcia ne les fait pas jouer, c’est qu’il y a une raison »
Deux gouttes d’eau dans un océan de jeunesse. Yusuf Sari prêté à Clermont, les Chabrolle, Marasovic, Perrin, Escalès et autres Rocchia n’ont pas eu le droit à une seule minute de jeu depuis le début de la saison dans le Championnat de France. Les minots auraient-ils moins leur chance en bord de Méditerranée qu’ailleurs ? Notre source a son idée. « Foutaises, tout ça ! Un jeune qui est bon à Marseille, il joue ! Le seul souci, c’est qu’il y en a très peu. Si Garcia ne les fait pas jouer, c’est qu’il y a une raison. L’année dernière, ils ont fait signer des gamins parce qu’il faut signer des gamins à un moment donné. Mais le niveau est moyen. »
Recrutée il y a quatre ou cinq ans, cette génération aura certainement du mal à percer. Difficile donc de pointer l’équipe McCourt et Sébastien Pérez, le responsable du recrutement chez les jeunes, en première ligne. Ils sont là depuis un an, le travail se met en place, et ce n’est pas de la langue de bois que de dire que ça prendra du temps et que le bilan se fera dans trois ou quatre ans. Pour autant, tout n’est pas encore huilé à la perfection selon notre source proche du club. « Il va falloir que Zubizarreta sorte du bois et qu’il explique un peu ce qu’il veut mettre en place sur le plan sportif. Sur le plan structurel, on a avancé. Au niveau du recrutement, de la politique sportive et du jeu, il faut que là aussi ça avance. »
Chez les dix-sept ans, il y aurait ainsi un gamin, Isaac Lihadji, que beaucoup considèrent comme un phénomène, mais que le club n’a toujours pas fait signer, au risque de se le faire subtiliser. Comme quoi, il y a encore du boulot...