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JACQUES ABARDONADO : « IL FAUT DONNER UNE CHANCE AUX JEUNES ENTRAÎNEURS »
Après avoir été pendant trois saisons l'adjoint de la CFA, l'ancien joueur professionnel reconverti entraîneur, Jacques Abardonado, est aujourd'hui à 39 ans entraîneur des U17 Nationaux de l'Olympique de Marseille. De son expérience avec les jeunes jusqu'au niveau de la formation française, "Pancho" se livre sans tricher, comme pour nous rappeler le joueur qu'il était sur le terrain.
SON IDENTITÉ DE JEU
Système de jeu préféré : 4-2-3-1
« C’est un faux 4-4-2 pour être plus offensif quand on a le ballon. J’aime avoir deux sentinelles devant la défense parce qu’il y en a toujours un qui se projette vers l’avant. Je garde toujours une sécurité pour avoir le premier recul frein sur les attaques de l’adversaire afin d’être plus solide défensivement. »
Coach français préféré : Roland Courbis, Gernot Rohr et Frédéric Antonetti
« Ce sont trois coachs que j’ai eus. Roland Courbis parce qu’il m’a lancé dans le grand bain à l’OM. Tout en sachant qu’on jouait les premières places, le coach a quand même eu le courage de me faire entrer sur le terrain. Gernot Rohr, je l’ai rencontré à Nice. Il m’a appris la rigueur allemande. Et Frédéric Antonetti, c’est celui qui m’a fait connaître le très haut niveau. »
Coach étranger préféré : Hans Meyer
« Je l’ai eu quand je suis parti à Nuremberg. C’est lui qui est venu me chercher à Nice. C’est un entraîneur qui parlait peu aux joueurs. Il donne ses consignes, si on ne les écoute pas, il ne répète pas. On se devait d’être concentré à l’entraînement et en match. Sur le terrain, il parlait peu également. S’il devait reprendre un joueur, il le faisait à la mi-temps ou à fin, mais jamais pendant la partie. »
Principes de jeu : la possession
« Il y en a plusieurs. Mais je mettrais le fait de partir de derrière et de progresser. J’aime avoir cette philosophie de jeu. Nous sommes un centre de formation, les gamins doivent pouvoir s’en sortir dès que le gardien récupère le ballon. On doit les former pour répondre à toutes les attentes et techniquement, il faut qu’ils soient capables de de ressortir proprement les ballons. »
SA VISION DU MÉTIER D’ENTRAÎNEUR
Définissez-vous en tant que coach.
Ce n’est pas facile, je ne peux pas me juger. Le principe que j’ai dans la formation des jeunes est de mettre le joueur le plus en confiance possible. Si à des garçons de 15-16 ans je leur rentre dedans, je risque de les perdre. Il faut le dire quand il y a du négatif mais toujours l’accompagner d’une phrase positive. C’est important pour que le jeune puisse s’exprimer au mieux.
Il reste dix minutes de jeu : vous menez 1-0. Que faîtes-vous ?
Tout va dépendre de notre position au classement. Si je joue le maintien, je mets un bloc bas et je procède par contre. Si je suis en milieu de tableau, je mets un bloc médian. Si je joue les premières places, je vais aller chercher bloc haut.
En quoi la gestion humaine des joueurs a-t-elle évolué ?
C’est plus difficile parce que maintenant, les joueurs sont vraiment entourés de plusieurs personnes : un agent, les parents, le cousin, le frère, tout se mélange et le gamin perd la tête. Chez nous, j’ai interdit les agents derrière mes jeunes. Par moments, on aura du mal à gérer un joueur parce que son entourage ne le conseille pas correctement. En plus, on voit des joueurs comme de la marchandise. Ils vont donc au plus offrant, il n’y a plus forcément cet amour du maillot.
Pourquoi avoir choisi de vous orienter vers les jeunes ?
Quand j’ai terminé ma carrière de joueur, j’ai démarré en tant qu’adjoint de la CFA 2, puis de la CFA. Après trois saisons en tant qu’adjoint, j’ai voulu avoir un autre rôle, pouvoir faire mes entraînements, mettre mes idées en place. Choisir les U17 Nationaux ne peut que me permettre de progresser, c’est un laboratoire pour moi. En plus, c’est chez moi, je connais le club, je sais comment il fonctionne.
Votre expérience en tant que joueur pro vous aide aujourd’hui dans votre gestion du groupe au quotidien ?
Bien sûr ! Je leur répète régulièrement qu’il y a un peu de 20 ans j’étais à la même place, sur le même terrain. Ce qu’ils font, je l’ai fait. Du coup, je vais à leur école pour voir ce qu’ils font, je regarde si les chambres sont propres. Je vérifie tout. Le fait d’avoir côtoyé énormément de coachs et de joueurs dans ma carrière m’a permis de beaucoup apprendre. J’ai pu voir différentes analyses, différentes prises de main des coachs sur les équipes. Cela m’a aidé aussi pour monter mes séances, mes idées.
ET LA FRANCE ?
Votre regard sur les coachs français.
Ils sont très bons, ce sont des exemples. Je trouve que le coach français est sous-coté par rapport à leurs homologues étrangers. Pour avoir eu la chance de passer mes diplômes à Clairefontaine en côtoyant d’anciens joueurs devenus entraîneurs, il y a énormément de qualité. Ils sont humbles, simples.
Miser sur un coach sans expérience en France, est-ce possible ?
Il faut bien qu’il démarre quelque part. On allait en boîte quand on était jeune. On tapait à la porte et le videur nous répétait que c’était seulement pour les habités. Je lui répondais que pour s’habituer, il faudrait déjà qu’on commence par entrer. C’est la même chose pour les entraîneurs. Regardez Diego Simeone, il a fini sa carrière pour directement récupérer l’équipe première. Aujourd’hui, il est considéré comme un des meilleurs entraîneurs au monde. Il faut leur donner une chance. C’est peut-être un peu risqué au début, mais on n’a rien à perdre. C’est à nous ensuite de prouver qu’on en est capable.
Quel est le pays qui forme le mieux ses coachs selon vous ?
La France. Ne serait-ce qu’au niveau des diplômes. Le BEFF (Brevet d’Entraîneur Formateur de Football) est un diplôme qu’on n’a pas ailleurs. Il va servir au formateur mais aussi à l’entraîneur qui va former des joueurs. Dans les autres pays, on a seulement l’équivalent du BEPF (Brevet d’Entraîneur Professionnel de Football). Puis, il faut voir le niveau très élevé de nos formateurs. Je suis très souvent en contact avec eux, je leur pose un tas de questions tout le temps. C’est très enrichissant.
Comment se fait-il qu’en L1 on fasse davantage confiance à des coachs étrangers ?
C’est la mode ! C’est comme les jeunes de maintenant, ils mettent des jeans qui sont déchirés de partout. C’est un mouvement de mode. Les coachs français ne feront pas pire. Un coach étranger va venir en France, il va avoir des résultats, il va se qualifier pour l’Europe ou s’en rapprocher et on va dire « tu as vu ce qu’il a fait, pourquoi on ne prendrait pas le même profil que lui ». Moi je dis non ! Regarde ce que tu as en France et tu verras que c’est parfois bien mieux. En terme de communication c’est mieux, financièrement c’est aussi beaucoup avantageux pour un club. Moi je mettrais que des coachs français. On est assez compétent. Quand je fois des entraîneurs comme Frédéric Antonetti, Philippe Montanier et bien d’autres qui n’ont pas de club, je trouve ça étonnant.