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Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ?
Un entraîneur exfiltré à Zurich et poussé vers la sortie, un président dans une situation délicate, des joueurs qui font leur mea culpa à l’aéroport devant des fans inconsolables. Hier soir, l’OM a plongé dans l’obscurité. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE FURIANI (Haute-Corse) - Le van noir a des allures de corbillard. Peu avant 20 heures Michel vient de s’asseoir au premier rang, aux côtés de son adjoint Franck Passi. Le président Vincent Labrune est juste derrière lui. Olivier Grimaldi, l’avocat du club, et Luc Laboz, le directeur général adjoint, regardent la scène. Quand le véhicule passe devant l’église évangéliste de Furiani, au pied du stade, l’Espagnol sent-il sa dernière heure d’entraîneur de l’OM arriver, cette extrême-onction que souhaite lui administrer tout l’état-major du club ? Ils rejoignent l’aéroport dans une ambiance pesante, un jet privé doit les emmener à Zurich à la rencontre de Margarita Louis-Dreyfus et de ses conseillers aujourd’hui. Une réunion planifiée depuis quelques jours par les dirigeants marseillais. Pendant la trêve internationale, ils ont différé la requête de Labrune, qui souhaitait le limogeage de Michel. Certains proches de la patronne ont plutôt réfléchi… à la succession du président, en place depuis juin 2011. Labrune veut la tête du coach, mais la sienne ne tient plus qu’à un fil. Au cœur des cruels jeux de pouvoir zurichois, le fidèle Passi fait la traduction, peut-être assurera-t-il l’intérim, même si Labrune a toujours pensé qu’il n’avait pas l’étoffe pour entraîner l’OM.
MICHEL, PAS UN REGARD POUR LES JOUEURS
Jusqu’au bout, Michel a essayé de donner le change. À son président, juste après la rencontre, à deux pas de l’entrée du vestiaire, il a répété qu’il finirait par trouver des solutions avec son groupe. Il ne veut pas démissionner. Michel est tendu, il est sans cesse escorté par la chargée de communication du club, il met un pied dans la salle de presse, ressort, finit par rentrer. « J’essaie de responsabiliser mes joueurs, glisse-t-il. Dans le vestiaire je les ai vus détruits, comme moi. Je ne peux pas dire qu’ils ont baissé les bras, qu’ils ne font pas ce que je leur demande, qu’ils n’ont pas le niveau. Ça, ça dépend de moi, mais pas le reste. J’ai un contrat, les décisions sur mon avenir ne me reviennent pas. Le changement, ce n’est pas moi qui le décide, mais je l’accepterai. Dans la semaine le président et la propriétaire feront leur propre analyse. » Il évoque « un respect réciproque entre le président et moi Il n’y a pas de disputes. S’il fallait noter ma relation avec les joueurs sur une échelle de 10, je dirais 9, et avec le président, je dirais 6 ». À quelques mètres, sur le parking du stade, Labrune fume clope sur clope, il ne semble pas sur la même longueur d’onde. Son échelle personnelle est faussée depuis longtemps, depuis ce seizième de finale aller de Ligue Europa entre l’OM et Bilbao perdu au Vélodrome (0-1) : le relativisme inouï de Michel dans les jours suivants l’a interloqué.
Dans le car marseillais à l’arrêt, Cabella s’est assis tout au fond, une tablette à la main. La tête enfouie sous une capuche, Alessandrini passe comme une ombre. Tout le monde attend l’entraîneur, « en réunion » avec Steve Mandanda. Le gardien sort du stade dépité, son entraîneur l’a précédé, immédiatement conduit vers le van par un responsable de la sécurité. Un peu hagard, Michel n’a pas un regard ou un geste pour ses joueurs.
Ceux-ci s’envolent pour Marignane, où une quarantaine de supporters des Fanatics les attendent. Thauvin et Mandanda jouent les émissaires, deux porte-parole vont rencontrer le groupe. Les Olympiens vont répéter leurs excuses à la foule, Diarra fait part d’une certaine lassitude. Le car se fond dans la nuit, escorté par le chant des fans : « Même si vous le méritez pas, nous on est là ! » Bientôt il ne restera plus qu’eux à l’OM.