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«Pour la première fois depuis la fin de ma carrière de joueur, je n’ai plus envie de regarder les matches de l’OM, ça ne me fait plus vibrer. J’en ai gros sur la patate parce que je suis un supporter de l’OM… » Manuel Amoros, ex-défenseur olympien de 1989 à 1993 puis de 1995 à 1996, va droit au but, lui. Contrairement au club phocéen en pleine crise, douzième de L1, ridicule vendredi contre Rennes (2-5). « Comment peut-on prendre trois buts en quatorze minutes ? Ça n’existe pas ! s’agace l’ancien international français. Quand on voit les matches de Marseille, on a presque envie de remettre les crampons et d’aller jouer. Après une petite période d’entraînement, on a l’impression qu’on ferait sûrement mieux que ce qui se fait là ! Le club est presque laissé à l’abandon du côté sportif. On assainit les comptes, mais on tue le sportif, c’est lamentable de ce côté-là. On a l’impression qu’il n’y a plus rien. Ce qui se passe est une honte, un désastre. C’est catastrophique. »
Marcel Dib : « Tous les Marseillais deviennent fous. » Renaud Muselier, premier vice-président du conseil régional de la Provence-Alpes-Côte d’Azur et ex-vice-président de l’OM, ne mâche pas ses mots non plus : « Je ne vais plus au Vélodrome depuis un moment. Parce que quand j’y allais, je partais à la mi-temps, en colère. » Vu le « spectacle » proposé par les Phocéens, ça peut se comprendre. Gérald Passédat, grand chef de l’institution le Petit Nice, restaurant trois étoiles au Guide Michelin, à Marseille, est lui aussi gagné par l’ire locale : « J’allais très régulièrement au Vélodrome à l’époque Bielsa. Là, je n’y vais pas. Parce que je suis gavé de cette redondance de médiocrité qui ne cesse d’empirer. Il nous faut du spectacle. On s’ennuie éperdument. On y va avec la boule au ventre, on repart avec deux boules au ventre. Le départ de Bielsa, c’est la faute du club, c’est un manque de professionnalisme. Ça montre qu’on traite les problèmes par-dessus la jambe, on se croit toujours au-dessus des autres. On a l’impression qu’il n’y a que les supporters marseillais qui veulent que l’OM gagne, que ce n’est pas le cas du club. »
La liste des dépités est bondée. Comme Marcel Dib, milieu de l’OM de 1994 à 1996 : « Cette équipe ne ressemble pas au peuple marseillais. Il y a des joueurs dont je me demande ce qu’ils font ici. Ce qui me rend fou, c’est de voir des jeunes de l’équipe qui sont livrés à eux-mêmes sur le terrain. C’est aussi de voir des équipes adverses se procurer beaucoup d’occasions au Vélodrome alors qu’avant, ici, les visiteurs ne rentraient pas souvent dans notre surface de réparation. Tous les Marseillais deviennent fous. Sans l’OM, ils ne vivent plus. » Même à distance, Titi Camara, l’ancien attaquant du club (1997-1999), enfonce le clou depuis Conakry, en Guinée : « C’est un échec total et une immense déception. À part deux individualités qui sortent du lot, Mandanda et “Lass’’ Diarra, je me demande si les autres ont le niveau. Il n’y a pas de révolte alors qu’il faut tout donner quand on porte ce maillot ! Ils ne se rendent même pas compte de leur chance… »
Manuel Amoros élargit la sphère des fautifs : « On n’a pas le droit d’avoir autant de joueurs qui sont en prêt (NDLR : Cabella, De Ceglie, Fletcher, Isla, Lucas Silva, Manquillo et Thauvin) ici de qualité très moyenne. On est quand même l’OM… C’est Labrune qui nous a mis dans la merde avec ces prêts de joueurs très moyens. Margarita Louis-Dreyfus devrait s’impliquer davantage dans le club, regarder tout ce qu’il s’y passe. Il n’y a prétendument plus d’argent, mais le président achète des joueurs très moyens à 8 M€ (7M€ pour Ocampos), à 3 M€(5 M€ pour Rekik). À l’OM, il y a pourtant une cellule de recrutement très intéressante, avec des gens très compétents, mais il faut les écouter. Et il faut aussi être malin quand tu recrutes. Regardez Leicester, leader de la Premier League, avec des joueurs qui n’étaient pas très connus et n’ont pas coûté très cher. »
Habib Beye : « À qui peuvent s’adresser les joueurs à part au président Labrune ? Sauf qu’il n’est pas là en permanence… » Habib Beye, défenseur de l’OM de 2003 à 2007, n’hésite pas lui non plus à pointer la responsabilité des dirigeants : « La gestion du club depuis quelques années n’est pas optimale, il n’y a qu’à voir l’année dernière quand l’OM a laissé partir des cadres libres comme Fanni, Gignac, Ayew... Leur vente aurait pu rapporter, au minimum, 20 M€. » Et de préciser son jugement : « Je pense que Vincent Labrune n’est pas assez présent dans le quotidien de l’OM. De ce que j’en sais, c’est insuffisant. Je crois qu’il manque du monde dans les rouages du club. Quand tu es joueur, tu as nécessairement besoin d’un référent pour régler les soucis, rôle que tient un directeur sportif. À qui peuvent-ils s’adresser aujourd’hui à part au président Labrune ? Sauf qu’il n’est pas là en permanence… »
À force d’être insuffisant, l’OM n’a plus que six points d’avance sur la zone de relégation. À force de s’enliser, l’OM peut-il craindre le pire ? « En général, quand il y a de grandes catastrophes, naît aussi ce qui va nous sauver », explique le Marseillais Robert Guédiguian, réputé réalisateur de cinéma (Marius et Jeannette, notamment) mais qui a la particularité de… ne pas s’intéresser au football. Je connais des gens effondrés à l’idée que l’OM descende, pas moi. Les Marseillais ont bien d’autres problèmes à régler que l’OM. Peut-être qu’au fond, s’il y a un effondrement total, ça provoquerait une réorientation de cette équipe, du club. Il faudrait que l’OM se rapproche de la population marseillaise, on pourrait en faire une équipe exemplaire et locale. »
Si Guédiguian n’est pas attiré par l’OM, le chef cuisinier Gérald Passédat est, lui, un amoureux plus que déçu : « Cet OM, c’est ni fait ni à faire, ça sent des mauvais arrangements, ça sent la fin de règne. En privilégiant la finance, il y a un non-respect des supporters phocéens. Avant, il y avait Skoblar, Magnusson. Il y a eu d’autres grandes époques, mais là, tout ce que nous offre à voir l’OM, c’est un bilan comptable. C’est de l’indécence par rapport aux supporters que ce club n’ait plus de cap, et c’est encore plus indécent de vouloir faire porter le chapeau à des gamins de vingt ans qui jouent. »
Renaud Muselier : « Si Margarita Louis-Dreyfus aime le club, elle doit s’en débarrasser. » Bernard Casoni, ancien joueur et entraîneur de l’OM, va dans le même sens : « Il n’y a pas de ligne directrice. On a parlé il y a quelques années de projet Dortmund, mais, là, il n’y a plus de projet. Tout est fait dans l’urgence et ce n’est pas bon. Rien n’est pensé, préparé. Il y a beaucoup de paroles, mais très peu d’actes. »
Renaud Muselier, député européen, prolonge la critique : « Cet OM, c’est une histoire pleine de superlatifs désastreux. Je constate que Margarita Louis-Dreyfus se désengage petit à petit, n’investit plus un euro, et met ainsi Labrune, l’entraîneur, les joueurs, le club, les supporters, la ville dans une situation de désastre. Labrune ne peut pas s’en sortir puisqu’il n’a aucune marge de manœuvre avec Margarita Louis-Dreyfus. Quand je vais au Vélodrome, je suis assis pas loin de Labrune et je vois la situation épouvantable dans laquelle il se trouve… Je pense qu’elle aurait dû vendre le club il y a longtemps. Si elle aime le club, elle doit s’en débarrasser. Le club ne gagne pas, il n’y a pas d’argent, ni d’investissements, ni de stratégie. On a besoin de gens passionnés et investis. Or, la propriétaire n’est plus passionnée, ni investie, donc la messe est dite. » Et si madame Louis-Dreyfus, qui vient de donner naissance à des jumelles, ne vendait pas le club ? « Eh bien, on continuera à couler ! » pronostique Muselier.
Ce serpent de mer de la vente de l’OM, Marcel Dib l’évoque aussi : « Je pense que l’on n’est pas loin de la vente. Si ce n’est pas pour cette année, ce sera l’année prochaine, c’est certain pour moi. Les Marseillais en ont marre et disent qu’il faudrait que le club soit racheté. Les gens ne parlent pas de Michel, du président, des joueurs. Non, ils parlent de la vente. Il y a un ras-le-bol de la population ici. Maintenant, il faut tourner la page, qu’on passe à autre chose. »