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Après avoir longtemps tiré les ficelles à son profit, le président de l'Olympique de Marseille doit maintenant œuvrer pour sauver sa tête.
De notre correspondant à Marseille - Auto-proclamé expert en communication de crise, Vincent Labrune se retrouve face à un cas d'école. L'Orléanais, ancien stagiaire à France Télévisions, qui avait sauvé la face de Jean-Luc Delarue et Robert Louis-Dreyfus, ses prestigieux clients emportés dans la tourmente médiatique au début des années 2000, doit aujourd'hui échaffauder un plan pour sortir de la tempête un autre personnage dans l'oeil du cyclone : lui.
Depuis sa prise de fonction à la tête de l'Olympique de Marseille en 2011, Vincent Labrune en a vu d'autres. Notamment ce fameux OM-Ajaccio d'avril 2014 mais José Anigo était associé à la vindicte populaire. Et ce jour-là, Marcelo Bielsa, courtisé par VLB, était en tribunes ce qui avait permis au président de retourner la situation en sa faveur. Comme souvent. Cette fois, il doit affronter une crise sans précédent. Et seul. Car depuis le départ de Bielsa, Labrune n'a plus de garde-fou. Comment peut-il s'en sortir ?
Vendredi dernier, OM-Rennes a donné lieu à "une soirée apocalyptique" selon les propos de Labrune himself. Si Michel était forcément ciblé, c'est surtout Margarita Louis-Dreyfus et Vincent Labrune qui en ont pris pour leur grade à travers des banderoles déployées dans les virages : "Dreyfus Labrune cassez-vous", "Labrune demission", "Nous avons un glorieux passé un présent minable mais surtout quel avenir ? ou encore "MLD tu as détruit nos rêves, VLB tu as vendu notre passion, vous tuez l'OM, cassez-vous". Les supporters marseillais ont atteint le point de non-retour face à la situation de leur club de coeur.
À leurs yeux, l'actionnaire majoritaire est coupable de ne pas investir et s'investir. Le président est quant à lui jugé responsable d'une politique sportive lamentable. Son bilan depuis cinq saisons se résume à une coupe de la Ligue (2012) et une qualification pour la Ligue des champions (2013). Ses mauvais choix sont innombrables. Presqu'autant que ses beaux discours que les fans ne peuvent plus ingurgiter. Après la débâcle contre Rennes, Labrune s'est exprimé au micro d'Infosport+. "L'enjeu, ce n'est pas la compétitivité de l'OM. L'enjeu, c'est sa survie, a-t-il lancé. Ma mission est de créer les conditions pour l'arrivée de nouveaux investisseurs. On discute avec des investisseurs et, comme par hasard, des pseudo-supporters mettent le chaos." Les fans au sang bleu et blanc qui vivent pour cet OM qui leur fait honte apprécieront... Rappelons que c'est à l'appel des associations officielles que la contestation s'est organisée. Mais en leur retirant la gestion des abonnements, l'OM a aussi rendu une certaine liberté de parole à ses opposants. Après cette sortie médiatique, un hashtag #Labruneamenti a surgi sur Twitter. Nous ne participerons pas ici à cette compilation des Labrunades car le temps voué par Diderot et ses compères pour rédiger l'Encyclopédie ne suffirait sans doute pas...
Dans une récente interview accordée à La Provence, Vincent Labrune jurait qu'il assumait tout. Mais tout son propos consistait à se dédouaner. Et cette attitude n'est plus acceptée par les supporters olympiens qui sont arrivés à saturation face à ce personnage qui a fait de la manipulation une seconde nature. Avant sa prise de fonction, il manigançait en coulisses. Depuis 2011, depuis son fauteuil de président, il a oeuvré pour façonner l'OM à sa guise. De l'organigramme à la ligne éditoriale des médias du club en passant par le mercato évidemment. Certains l'avaient même comparé à Franck Underwood le héros de la célèbre série politique House of cards. On ne compte plus ses effets d'annonce et ses contre-vérités. Il y eut d'abord la guerre Anigo-Deschamps qu'il laissa pourrir. Puis l'annonce du fameux et fumeux projet Dortmund. En convaincant Bielsa, il avait réussi un coup de maître mais il lui explosa à la figure car le départ de l'idole argentine lui fut attribué dans un jeu à plusieurs bandes dont il aurait été à l'origine.
Mais aujourd'hui, Labrune fait face à son bilan. Sa mission première était de rétablir les comptes et de permettre au club de s'autofinancer. En 2013, Labrune a dépensé plus de 40 millions sur le marché des transferts en claironnant qu'il avait remis les comptes dans le vert en un temps record après le passage dévastateur de son predecesseur Jean-Claude Dassier qu'il avait lui-même installé. Le président parlait d'un cercle vertueux qui se mettrait mécaniquement en place. Deux ans plus tard, sans Ligue des champions et plombé par une litanie d'erreurs de casting, le club a replongé. La faute à qui ? "Ça fait quatre ans que je raconte à qui veut l'entendre que l'OM a vécu au-dessus de ses moyens, qu'on n'a pas d'argent et que l'actionnaire n'a pas les moyens d'investir dans le club." L'OM dispose d'un budget de plus de 120 millions d'euros et d'un stade de 67 000 places flambant neuf. Labrune, qui a épuré la masse salariale de toutes les vaches sacrées (Gignac, Payet, Ayew, Valbuena...), a choisi Michel et tous les joueurs de l'effectif à part Steve Mandanda arrivé en 2007.
Quelle stratégie va-t-il adopter désormais ? À court terme, il pourrait décider de remplacer Michel pour tenter une opération-commando sur les deux derniers mois de la saison. La trêve internationale qui a débuté lui offre un moment idéal pour opérer une mini-révolution. Mais Labrune réfute cette hypothèse. "Ce sera avec Michel. On est parti ensemble, on va finir ensemble, a-t-il juré. Je n’ai pas l’habitude de changer les choses en cours de saison." Elie Baup avait pourtant été éjecté en décembre 2013... deux jours après avoir reçu le soutien de son président. Mais à l'époque, le contrat du coach anticipait le montant des indemnités de licenciement... Le contexte actuel est moins propice. L'OM aimerait s'éviter de sortir le chéquier pour l'Espagnol.
Pour le moyen terme, Labrune discute avec des investisseurs qui voudraient le conserver à la tête du club. Au regard du degré de détestation à son encontre, pas sûr que ce soit l'option choisie. "Je ne souhaiterais pas à mon meilleur ennemi d'être ma place", a-t-il lancé. Lui qui jurait en 2009 ne pas lorgner ce poste que Pape Diouf (son meilleur ennemi justement) occupait, est pris aujourd'hui à son propre piège...