« Bielsa à l’OM, une réussite totale ! »
VINCENT LABRUNE CONSIDÈRE L’EXPÉRIENCE BIELSA COMME UN SUCCÈS. L’IMAGE DE L’OM S’EST AMÉLIORÉE EN FRANCE ET EN EUROPE.IL VEUT QU’ON LUI EN FASSE CRÉDIT.
« Bielsa à Marseille, c’est moi qui ai l’idée au printemps 2014. Je connais par cœur l’histoire des sélections argentines depuis 1982 (Bielsa dirigea l’Argentine de 1998 à 2004). Je le choisis pour qu’il prenne la place sur le devant de la scène. Connaissant par cœur sa philosophie de jeu, je sais qu’il sera une fantastique vitrine pour Marseille. L’équipe entre dans le nouveau stade avec l’impératif économique de le remplir, d’apporter un grain de folie… À ce titre, l’expérience Bielsa est une réussite totale.
Quand je le recrute au terme de la saison 2013-14, l’ambiance autour du club est délétère. C’est une catastrophe, nous venons de finir sixièmes du Championnat. La saison précédente, déjà, l’équipe, qui terminera deuxième, se faisait insulter et jouait dans un stade à moitié vide. Nous sommes une industrie de spectacle, il me faut un personnage emblématique pour redonner du souffle au peuple marseillais. Mais l’OM n’a pas les moyens de se payer Ibrahimovic ni même une vedette à 20 millions. Avec Bielsa, les spectateurs ont été servis. Grâce à lui, l’OM est entré dans le top 10 des meilleures affluences en Europe (53 000 spectateurs) et a fini sixième attaque (76 buts) d’Europe derrière le Real, le Barça, Manchester City, le PSG et le Bayern. Ces chiffres marquent l’entame d’une révolution structurelle que j’ai souhaitée. L’OM ne doit plus être une PME marseillo-marseillaise. Grâce à son style spectaculaire et à la personnalité de Marcelo, l’OM est revenu au centre du jeu médiatique français, mais aussi européen. De nombreux observateurs étrangers nous ont suivis, cela a contribué à la valorisation de nos actifs joueurs. »
« Où est le problème ? »
DES FONDS D’INVESTISSEMENT OPÈRENT DÉSORMAIS EN FRANCE. L’UN D’EUX A AIDÉ L’OM, JUSTE COMME INTERMÉDIAIRE, ASSURE SON PRÉSIDENT.
« La majorité des clubs français est économiquement exsangue. Et même ceux qui finissent sur le podium sont comme ça (il met un doigt sur sa carotide). L’OL n’a pas pu recruter pendant trois ans et, cette année, alors qu’ils sont en Ligue des champions, ils doivent céder Clinton Njie (14 M€), un de leurs meilleurs espoirs. Quant à l’AS Monaco, elle a vendu 80 % de son équipe.
De son côté, l’OM n’a plus de banque pour la soutenir et l’actionnaire ne souhaite plus boucher les trous de trésorerie, alors, comment fait-on ? On se laisse mourir ? Les fonds d’investissement peuvent nous être d’une grande aide en termes de financement ou de trésorerie. Où est le problème ? Les représentants de Doyen Sports m’ont appelé le 15 juin dernier pour me dire : “On est à Paris, au Plaza Athénée, avec Pinto da Costa, le président du FC Porto. Peut-on se voir pour Imbula ?” L’OM a alors besoin de liquidités, eh bien, je ne crache pas sur 20 M€ ! Je rappelle qu’en Europe Doyen Sports a aidé le FC Séville, double vainqueur de la Ligue Europa, et l’Atlético Madrid, finaliste de la Ligue des champions. Je comprends le débat intellectuel sur la copropriété de joueurs par ces fonds d’investissement, mais, à l’OM, il ne s’agit pas de ça. Doyen Sports nous a servi d’intermédiaire avec d’autres clubs et avec Michel, alors tant mieux. C’est une fausse polémique, ou alors interrogez-vous sur un de nos concurrents qui a acquis un Espagnol (l’OL et Sergio Darder, qui appartenait en partie à un fonds d’investissement).
Outre l’apport en liquidités, les fonds d’investissements agissent comme des agents et permettent de nouer des relations de confiance avec de très grands clubs qui seront en mesure de nous prêter des joueurs de talent qu’ils n’utilisent pas (cet été, le Real a prêté Lucas Silva, l’Atlético, Manquillo, la Juventus, Isla et De Ceglie). C’est une des stratégies qui doivent permettre à l’OM de rester compétitif. »
« L’alchimie entre le sportif et l’économique »
AYEW ET GIGNAC PARTIS LIBRES, PAS UNE FAUTE DE GESTION, SELON VINCENT LABRUNE, CAR ILS ONT ÉTÉ IRRÉPROCHABLES SUR LE TERRAIN. MÊME PARI CETTE SAISON AVEC NKOULOU.
« André Ayew et André-Pierre Gignac ont quitté l’OM pour zéro euro cet été, et on m’accuse de mauvaise gestion. Ils avaient des contrats énormes, signés en 2009-2010 avant que je devienne président. Dès 2014, nous voulons les vendre, la preuve, nous avons acheté[Romain] Alessandrini et Batshuayi pour les remplacer. Ça n’a pas été possible, faute d’offres qui les intéressent, et on ne met pas un pistolet dans la bouche d’un joueur pour le vendre ou diminuer son salaire... Il faut bien comprendre que le foot est le seul secteur d’activités où l’employé a plus de pouvoir que le patron, les joueurs décident de tout. Alors, on opte pour un autre arbitrage. On considère qu’André, formé au club, nous gagnera sur le terrain le prix théorique de son transfert, soit 7 M€. C’est ce qu’il fait par ses buts et ses passes décisives qui nous permettent d’accrocher la quatrième place. Même raisonnement pour Dédé Gignac, qui marque 21 buts. Notre objectif était de les garder pour accrocher la Ligue des champions. On a joué, on a perdu. C’est la vie du foot. Et ce n’est pas juste une maladie marseillaise. Depuis 2014, trois des plus gros salaires de l’OL – Gourcuff, Gomis et Briand – sont partis libres. Et, l’an prochain, Lavezzi quittera le PSG libre.
Le cas se répète avec Nicolas Nkoulou, libre en 2016. Je me suis opposé à son départ cet été à Lyon. Vendre un de nos piliers à un concurrent direct aurait été un non-sens absolu. Je me prive de 8-10 M€, mais Nico va amortir ce montant sur le terrain, car, avec lui, l’OM peut finir troisième et, sans lui, c’est plutôt la septième place, ce qui fait une différence de 10 M€ en droits télé et autres rentrées. Évidemment, on lui proposera une prolongation de contrat, mais il y a des chances qu’il ne signe pas… Il faut trouver en permanence l’alchimie entre le sportif et l’économique. »
« Vers un nouveau cycle vertueux »
APRÈS DES ANNÉES DE GALÈRE, LE PRÉSIDENT OLYMPIEN ANNONCE LA SORTIE DU TUNNEL FINANCIER. DE QUOI RENDRE L’OM BANKABLE. ET VENDABLE ?
« Quand je deviens président, en 2011, personne chez nous ne dit : ‘’On va tout casser, on va tout gagner !’’ Je suis, à l’époque, face à une conjoncture économique dantesque. Pour le cycle 2011-15, nous affrontons une baisse des droits télévisés couplée à une perte de 30 M€ de billetterie sur trois ans due aux travaux du Vélodrome. S’y ajoutent l’abandon du droit à l’image collectif et la taxe à 75 % sur les très hauts revenus. Sans parler des salaires pharaoniques consécutifs au titre de champion 2010 (ceux de Gignac, Valbuena, Ayew et Mandanda supérieurs à 300 000 € brut par mois). Face à ce panorama, exiger de nous un bilan sportif est à la limite de la malhonnêteté !
Margarita Louis-Dreyfus me demande alors de prendre les rênes afin d’éviter la faillite. Au même moment, le Qatar rachète le Paris-SG et Dmitri Rybolovlev l’AS Monaco et ils lâchent des centaines de millions. Autant dire que ça bouche l’horizon pour une qualification en Ligue des champions qui permet à un club de passer un cap économique. Nous, nous avons les gros salaires, mais pas les rentrées de la Ligue des champions ! Comme nous allons dans le mur, je donne des tours de vis financiers.
Cette saison, nous nous serrons encore la ceinture, mais nous avons fait venir treize joueurs (dont plusieurs prêts) pour 17 M€, un vrai tour de force. D’autant qu’ils viennent du Real Madrid (Lucas Silva), de la Juventus (Isla, De Ceglie), de Manchester City (Rekik), de Monaco (Ocampos), de Porto (Rolando)… On est plutôt content, même si on n’a pas pu enrôler un attaquant en fin de mercato. Il nous reste une petite marge de manœuvre, on pourra le faire cet hiver.
En juin prochain, nous devrions entrer dans un cycle vertueux sur la période 2016-2020. Notre masse salariale n’aura jamais été aussi basse depuis dix ans. S’y ajoutent une augmentation mécanique de nos recettes avec le nouveau stade, la hausse des droits télé, l’accroissement du sponsoring et le trading joueurs. La saison passée, un million de spectateurs sont venus au Vélodrome et nous avons doublé nos recettes billets et sponsoring.
L’entreprise sera bénéficiaire en 2015 et aussi en 2016. Ces notions budgétaires ne font pas rêver les supporters, mais nous avons de beaux jours devant nous. Notre stratégie est de rendre l’OM plus bankable en ayant, à la fois, de bons résultats, des indicateurs économiques au vert et un environnement pacifié. Le seul moyen pour Marseille de retrouver le haut du panier européen est d’attirer des investisseurs externes. Margarita Louis-Dreyfus a porté le club à bout de bras pendant cinq ans, et il faut l’en remercier. Je ne suis pas propriétaire du club, ce n’est pas mon argent, si demain je peux attirer des investisseurs pour renforcer la compétitivité de mon équipe et que ça permette, un jour, à l’actionnaire de partir, j’en serais ravi. »
« Je ne vois pas d’entraîneur français avec cette fibre-là »
PLANTÉ PAR BIELSA LE 8 AOÛT, L’OM FAIT SIGNER MICHEL LE 19. LABRUNE A CHOISI UN NOM connu ET, ASSURE-T-IL, UN COACH PORTEUR D’UNE PHILOSOPHIE DE PLAISIR ET DE SPECTACLE.
« Dans les vingt-quatre heures qui suivent le départ de Marcelo, je reçois une quarantaine d’offres de service. J’ai dix jours pour trouver la bonne personne. Pour ne pas mourir idiot, j’appelle Jürgen Klopp (ancien entraîneur de Dortmund). Il décline. Un agent, Mariano Aguilar, me propose Michel. En tant que dingue de foot, ce nom me fait réagir. Je suis de la génération 1980. Mes idoles s’appellent Platini, Maradona, Falcão… et Michel, ex-grande star du Real Madrid. Je viens de prendre une bombe atomique sur la tête, alors, parler foot avec Michel, ça me plaît, pardonnez ce petit plaisir égoïste… Il vient à la maison, alors que son père est mourant. C’est une belle rencontre avec un mec charmant, hyper motivé. Il a regardé les six derniers matches de l’OM, schémas tactiques à l’appui, analyse joueur par joueur, etc. Ça me bluffe.
Sur la quarantaine de candidats, j’en écarte trente. Je me penche vraiment sur quatre cas. Nous ne retenons pas les candidatures de [Luciano] Spalletti et[Walter] Mazzarri. J’ai des bons souvenirs du premier, de sa période AS Roma (2005-2009), mais je l’ai un peu perdu de vue depuis son départ au Zénith Saint-Pétersbourg. Le second est un partisan du 3-5-2, un système qui ne me plaît pas, et a échoué à l’Inter. En revanche, [Cesare]Prandelli (sélectionneur de l’Italie 2010-2014) m’intéresse, mais il a des engagements à partir de septembre. Je rencontre Roberto Donadoni, ancien immense milieu de terrain de l’AC Milan. Un troisième homme que je ne préfère pas citer est en course. L’arbitrage est finalisé par l’actionnaire. Elle est enthousiasmée par Michel. On s’arrête là.
Je ne songe pas à des techniciens français, car ils brillent surtout par l’organisation défensive. En France, on a la culture du résultat avec dix ans de retard sur l’Italie. Ma culture est fondée sur la notion de plaisir. Je veux remplir notre stade et augmenter nos recettes grâce au spectacle proposé. Je ne vois pas d’entraîneur français avec cette fibre-là. L’esprit hispanique ou sud-américain convient mieux à ce que je veux faire de ce club. En plus, confier l’équipe à un grand nom comme Bielsa ou Michel lui redonne une dimension internationale.
J’entends que Michel n’a pas un palmarès exceptionnel (double champion de Grèce avec Olympiakos), mais je pense qu’il a des qualités au-dessus de la moyenne pour entraîner en L1. Vous croyez que les cadors étrangers se battent pour venir en France ? Ça ne vous interpelle pas de voir l’Olympique Lyonnais, qualifié en Ligue des champions, recruter un Guingampais (Beauvue), un ex-joueur de Marseille (Valbuena) et un Espagnol (Sergio Darder) qui n’est pas une star mondiale ? En termes de compétitivité, nos concurrents internationaux nous situent en troisième division européenne. Faire venir un étranger de renom en Ligue 1, à part au PSG, c’est très dur. Alors, avoir Michel nous rend très heureux. »
« Rendre l’effectif liquide, c’est-à-dire vendable »
LA VENTE DES JEUNES PÉPITES DU CLUB A ÉTÉ PRÉCIPITÉE PAR LA NON QUALIFICATION EN LIGUE DES CHAMPIONS. C’EST DÉSORMAIS LA STRATÉGIE ÉCONOMIQUE À LONG TERME DU CLUB PHOCÉEN.
« On s’est tiré une balle dans le pied en début de saison. Michel n’a pas peur. Il accepte de prendre l’équipe alors qu’il n’a fait ni le recrutement ni la préparation. Il est face à un challenge technique. Il ne va pas falloir nous demander d’être complètement au point mi-septembre. De nombreuses recrues comme Lassana Diarra, Abou Diaby, [Javier] Manquillo, Lucas Silva ou Rémy Cabella sont à court de forme. Il faut que la mayonnaise prenne, car les deux tiers des titulaires de la saison passée ne sont plus là. Il ne faut pas s’en étonner. Les 40 M€ de la qualification à la Ligue des champions, il a fallu les trouver ailleurs ! Il est hors de question que l’actionnaire remette de l’argent, donc, il fallait vendre : d’abord [Dimitri] Payet et [Giannelli] Imbula (15 et 21 M€) afin de satisfaire la DNCG au 30 juin, puis [Florian] Thauvin (17 M€) et [Mario] Lemina (11 M€ si le prêt à la Juventus se transforme en vente).
Si nous étions en Ligue des champions, certains seraient restés un an de plus. Mais, pour ces joueurs-là, l’OM n’était qu’un tremplin dans leur plan de carrière. C’est ce que je leur ai vendu quand je les ai recrutés en 2013. Eux viennent se faire un nom pour partir à l’étranger où un club doublera, triplera leur salaire. Nous, on encaisse une forte plus-value. Ça s’appelle le football moderne, une stratégie fondée sur l’explosion des droits télé en Angleterre et sur la concentration du marché des transferts sur les joueurs jeunes.
Aujourd’hui, le trading de joueurs est une ressource fondamentale pour nous. Depuis 2013, je me recentre sur l’achat d’éléments jeunes aux salaires bas. Il s’agit de rendre l’effectif liquide, c’est-à-dire vendable, ce qui n’était pas le cas avec nos joueurs à forte rémunération (Gignac, Valbuena, Mandanda, Ayew). La prochaine vague de départs, d’ici à un an ou deux, concernera [Benjamin] Mendy, [Michy] Batshuayi, [Karim]Rekik, [Lucas] Ocampos ou [Georges-Kevin] Nkoudou qui ont entre 20 et 22 ans. L’un d’entre eux vaudra alors peut-être 30 M€ ou plus. »
Marcelo, on ne lui explique pas son boulot »
LEADER DE L1 FIN 2014, L’OM S’EFFONDRE EN 2015. VINCENT LABRUNE RACONTE QU’IL L’A SENTI VENIR, SANS POUVOIR INFLUER SUR LA MÉTHODE BIELSA.
« La quatrième place de mai dernier est un échec sportif, c’est un fait ! Nous avions l’un des deux meilleurs effectifs de Ligue 1 et, vu les efforts gigantesques consentis en 2014 pour faire venir Bielsa et tout son staff puis pour garder nos meilleurs joueurs, quitte à ce qu’ils partent libres cette année (Gignac, Ayew), l’objectif de la direction était de finir premier ou deuxième. Quand l’équipe plonge début 2015, on me reproche de ne pas stopper la chute ! Vous croyez que je dormais ? Il n’y a pas président plus présent que moi auprès de son staff et de son groupe. Dès janvier, j’alerte sur des choses qui m’inquiètent. Mais, où qu’il officie, Marcelo Bielsa a toujours la responsabilité entière du sportif. Donc, si ça marche, c’est grâce à lui, et si ça ne marche pas, ne m’expliquez pas que c’est la faute du président ! Il y a des pistes pour expliquer l’effondrement de l’équipe : relâchement de certains joueurs, surcharge de travail physique, raisons tactiques... Mais on me répond : ‘‘Pas de problème, tout va bien.” Marcelo, il a 60 ans, c’est une sorte de génie absolu de la tactique footballistique. On ne lui explique pas son boulot. Si on veut faire ça, on prend le gardien du parking comme coach ! À sa décharge, seulement quatre penalties sont sifflés en notre faveur (contre 14 pour le PSG et 12 pour l’OL, ses concurrents directs). On a la deuxième meilleure attaque de Ligue 1 et on a plus de penalties contre nous que pour ! Il faut l’inventer celle-là quand même ! La saison passée, le classement du haut du tableau a été largement impacté par des décisions arbitrales. Involontaires évidemment... »
Vincent Labrune
« Vous croyez
que je
dormais ? »
Le printemps et l’été n’ont pas été de tout repos pour le président marseillais, qui a dû gérer l’échec de la deuxième partie de saison, le départ rocambolesque de Bielsa, une saignée dans son effectif et un mercato mené sans moyens. Des défis qu’il estime avoir affrontés sans faiblir, malgré les critiques.
PAR CHRISTOPHE LARCHER ET GILLES ROF, à Marseille
photos jean-françois robert
Envisager d’interviewer Vincent Labrune revient à se lancer dans un gymkhana de plusieurs semaines. L’homme répond facilement au téléphone, mais se plaît à choisir le bon moment. « Après les vacances », « après le début du Championnat », « après le mercato »… L’été du président de l’Olympique de Marseille a été copieux. Une fois digéré l’échec sportif de la saison passée, il a dû chambouler son effectif et, surtout, encaisser la déflagration de la démission d’« el Loco » Bielsa, homme vitrine du projet OM.
Finalement, trois conversations téléphoniques de réglage (au total 75 minutes quand même) plus tard, la rencontre a eu lieu le 11 septembre dans son bureau de la Commanderie. « Je suis crevé ! », a-t-il lancé d’entrée. Ça se voyait. En un peu moins de deux heures, le dirigeant phocéen a beaucoup fumé, a parfois trouvé nos questions « débiles », a donné sa vision du cas « Marcelo », a vanté « le charme et la compétence » de son nouvel entraîneur, Michel. Surtout, il a parlé économie du football, « actifs joueurs » et cash-flow. Ce qui nous a permis de mieux saisir ce qui se passe dans la tête de cet homme de 44 ans, qui gouverne aux destinées de l’OM depuis maintenant quatre ans.
« Aujourd’hui encore, c’est incompréhensible »
PREMIÈRE JOURNÉE CATASTROPHE DE L1 POUR L’OM, BATTU PAR CAEN AU VÉLODROME (0-1), ET ASSOMMÉ LE SOIR MÊME PAR LA DÉMISSION SURPRISE DE MARCELO BIELSA.
« Le 8 août, je suis sous le choc après notre défaite. Quand j’apprends la démission de Marcelo Bielsa, c’est la stupéfaction absolue ! Comment puis-je m’y attendre ? Même si le départ deux jours plus tôt de son bras droit [Jan] Van Winckel m’a interpellé. Je préfère passer pour un imbécile que de mentir, mais, aujourd’hui encore, son départ est incompréhensible. Nous avons mis du temps à nous apprivoiser, mais, une fois surmontés les soubresauts du début de saison 2014-15 et passé la barrière culturelle, nous avons bâti une relation de confiance. Surtout, de la fin du Championnat, le 23 mai, au 15 juin, nous passons quatre-cinq heures par jour à la Commanderie à bâtir l’équipe la plus compétitive possible tout en tenant compte des contraintes économiques. Trois semaines à étudier des profils de recrues, à réfléchir aux joueurs qui vont nous quitter. Un travail main dans la main, sur un projet moins ambitieux, certes, sans Ligue des champions, mais qui ne suscite aucune objection de sa part. Quand Marcelo part en vacances en Argentine, il a un accord de principe sur la signature d’un nouveau contrat. À son retour, vers le 10 juillet, nous reprenons notre travail d’arrache-pied. Il lui est alors très facile de me dire : ‘‘Je ne sens pas le projet, je ne suis pas content.’’ Une semaine avant sa sortie rocambolesque, il me parle encore de cet Argentin [Milton]Casco, qu’il veut absolument… »