- Quand, en janvier, votre bureau et ceux de vos collaborateurs ont été fouillés par la police, ne vous-êtes vous pas demandé ce que vous faisiez là ?
VL : Ca m'a surpris. Au départ, je n'ai pas tout compris. Mais je fais partie de ceux qui pensent que la justice est là pour nous aider. Notre environnement est parfois compliqué, nous ne pouvons pas tout faire tout seuls.
- Vous vivez l'enquête en cours (3) comme un mal pour un bien, donc...
VL : Exactement. Quand il y a eu les braquages des joueurs, j'avais déclaré en juin 2011, qu'on pouvait organiser des rondes autour de leurs villas, mais pas arrêter les criminels. Je ne peux pas me substituer au travail de la justice et des forces de l'ordre. A un moment, on s'est sentis un peu seuls. C'était dur. Si la justice et la police peuvent nous aider à rendre le contexte autour du club + sain, + serein, ça me va très bien. C'est aussi pour ça que je suis là. Peut-être que je rêve.
- Votre drame, c'est d'être président de Marseille plutôt que de Lyon, qui est performant mais bien + calme.
VL : Ce n'est pas un drame, c'est une fierté. Le foot en France, pour moi, c'est l'OM. Ce qui est très dur, ce n'est pas d'être en 1ere ligne, mais de gérer le club sans dépenser d'argent. Et mieux encore, en en économisant. La différence est énorme. Je ne peux pas jouer avec l'argent de l'actionnaire. J'ai une mission.
- Qui vous paie ?
VL : La famille Louis-Dreyfus. Depuis longtemps. Je ne suis pas salarié de l'OM. Je m'entends très bien avec Margarita et ses enfants. Moi, je sais d'où je viens. Robert m'a mis le pied à l'étrier. Je venais de ma campagne. Il m'a fait vivre mes rêves, m'a permis de voir des 100aines de matches, la Coupe du monde. Je sais ce qu'il m'a apporté. Si je peux continuer à aider son épouse à gérer le club...
- Vous pourriez aspirer à d'autres fonctions dans le foot ?
VL : Que l'économie du foot et sa politique m'intéressent, c'est une certitude. C'est même mon métier, à travers les droits TV, par exemple.
- Vous pourriez diriger un autre club ?
VL : Non, puisque je n'aime qu'un seul club : l'OM. En 2008, quand RLD m'a placé à la tête du conseil de surveillance, l'objectif était de reprendre la gestion et le contrôle du club. Il a fallu du temps, mais aujourd'hui nous y sommes parvenus. Je peux gérer l'OM parce que Margarita m'en a délégué la gestion opérationnelle dans le cadre d'une relation de confiance tissée avec la famille. C'est tout.
- Vous n'avez pas répondu. Vous ne pourriez pas vous payer un club ?
VL : Mais ça ne va pas ? Je n'ai pas les moyens. Dans 80 % des cas, ceux qui gèrent les clubs sont propriétaires. D'ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour les industriels qui investissent leur argent dans leur club, en province. C'est souvent très dur, ils galèrent.
- Vous êtes en 1ere ligne mais vous semblez mal vivre la critique. Votre position est-elle tenable longtemps ?
VL : La saison dernière, on a été critiqués à juste titre. On a fini 10es. Cette saison, on a assumé notre stratégie, on a été transparents en annonçant qu'on était mal financièrement. On a fait preuve de démagogie, de populisme ? Non. Par chance, par talent, par miracle, par expertise, financièrement, ça marche. Et sportivement aussi, pour le moment. Alors, oui, la critique, en ce moment, je la vis mal.
- Vous n'êtes pas un peu parano, parfois ?
VL : Est-ce de la paranoïa, la perquisition, les fuites dans la presse, les articles qui nous coupent en 2 alors que nous sommes 3es, les fauteurs de troubles qui bloquent notre bus avant le match ? Non, ce sont des faits. Moi, ça fait des années que l'on me tacle et je ne réponds jamais. Je pense que j'ai les épaules et le dos assez larges.
- Vous comprenez qu'on puisse vous critiquer ?
VL : Quand tu es partie prenante, à 2 reprises en 4 ans, d'un changement de la direction d'un club, tu ne te fais pas que des amis. Ce ne sont pas des petites décisions, mais je crois que c'était dans l'intérêt de l'actionnaire et en conformité avec la façon dont on voulait gérer l'OM, sans dépenser l'argent que le club n'avait pas.
- Admettez que la critique vous énerve, quand même.
VL : Mais, à la longue, c'est fatiguant. Gérer un club, c'est dur. Gérer l'OM, c'est très dur. Il y a la gestion des égo dans le vestiaire, les objectifs financiers et sportifs élevé de l'actionnaire, l'OM, qui est la + grosse caisse de résonance médiatique en France. Si en +, des gens passent leur temps à te cartonner... Dans le football, on a le droit de tout dire, d'insulter les gens en attendant qu'ils répondent. Moi, désolé, je ne rentrerai pas là-dedans. Ce n'est ni ma culture, ni mes valeurs. Là, on a un ancien salarié qui s'est reconverti en talent littéraire et fait la tournée des popotes et des plateaux. Et personne ne lui rappelle que ce n'était pas son club, que s'il est parti, c'est qu'il avait peut-être des comptes à rendre...
- Vous faites référence à Pape Diouf. Ceux qui vous critiquent, vous les avez critiqués. Leur position actuelle est de bonne guerre, finalement.
VL : Mais je la vis mieux qu'eux ! Je travaille pour la famille Louis-Dreyfus. J'ai toujours fait ce qu'elle me demandait de faire. Après, c'est + facile de taper sur Vincent Labrune que sur le puissant, celui qui a l'argent. C'est clair. Robert l'a dit 10 fois : "Quand vous tapez sur Vincent, vous tapez sur moi." Nous ne sommes pas dupes. Moi, j'assume. C'est mon boulot."
(1) Nommé président du directoire de l'OM en 2004, puis président de l'OM en 2005, il occupera ce poste jusqu'en 2009.
(2) Depuis l'été dernier, l'OM a acheté Lucas Mendes (2 M€ à Coritiba), Sougou (3 M€ à Cluj), Samba (400 000 € au Havre), Kadir (400 000 € à Valenciennes) et Abdallah (500 000 € à Sedan). Il a vendu A. Diarra (2,5 M à West Ham), Azpilicueta (7 M€ à Chelsea), Mbia (6,5 M€ aux Queens Park Rangers), Rémy (10,5 M€ aux Queens Park Rangers), Kaboré (1 M€, à Kuban Krasnodar). Soit 6,3 M€ d'achat contre 27,5 M€ de vente.
(3) La saison prochaine, le dernier de Premier League devrait toucher environ 65 M€ de droits TV. En 2011-2012, Lyon, le club français le mieux "rémunéré" grâce aux droits TV hexagonaux, n'a touché "que" 43,8 M€.
(4) La police judiciaire a effectué, le 16 janvier dernier, une perquisition au centre d'entraînement de l'OM, dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte le 4 mai 2011 par le parquet de Marseille au sujet des liens supposés entre le grand banditisme et le club.