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Vincent Labrune, le président marseillais, détaille la cure d’austérité de son club à l’heure de recevoir le PSG et ses moyens hors normes.
La deuxième saison de Vincent Labrune à la tête de l’Olympique de Marseille commence mieux que la première, finalement crashée à la 10e place et conclue par le départ de Didier Deschamps. Mais le président d’un OM en restructuration ne veut pas s’enflammer à l’heure d’accueillir, en leader, le Paris Saint-Germain, ce rival hexagonal préféré qui se transforme peu à peu en grand pacha européen. Autant que sur le classement de la Ligue 1, Labrune a le regard fixé sur les lignes de comptes de son club, converti à la diète comme tout le foot français hors Paris.
Êtes-vous surpris d’être leader alors que vous avez fortement dégraissé cet été?
Un peu mais c’est anecdotique à ce stade de la saison. Par contre, je ne suis pas surpris d’être dans le haut du tableau car, même si nous avons dégraissé, nous ne nous sommes pas affaiblis par rapport à nos concurrents qui ne se sont pas vraiment renforcés, à l’exception évidemment du PSG et, dans une moindre mesure, de Lorient et Saint-Étienne. La saison dernière, nous étions derniers après six journées. Ce départ catastrophique a eu de lourdes conséquences. Entre la non-qualification pour la Ligue des champions, la baisse de nos droits télé et l’impact des travaux au Vélodrome, nous avions d’un coup 40 millions d’euros de recettes en moins.
Cette situation est-elle due à la crise ou à la folie des grandeurs passée?
Un peu des deux. Ces cinq dernières années, l’OM est devenu un club structurellement formaté pour la Ligue des champions, avec un train de vie, des revendications salariales et des transferts plus élevés mais des recettes qui n’augmentent pas au même niveau. Montpellier en fait l’expérience : je ne suis pas certain qu’ils auraient acheté Congré 6 millions d'euros à Toulouse sans la Ligue des champions. Nous savions depuis longtemps qu’on serait dans les pires difficultés en cas de non-qualification. C’est ce qui s’est passé. C’est pour cela que nous avions lancé dès 2011 un plan sur trois ans avec l’actionnaire. L’idée était d’avoir des coûts en phase avec la baisse programmée de nos recettes et de ne plus être dépendant de la Ligue des champions. C’était une nécessité de survie.
«"On s'est mis de fait aux normes du futur fair-play financier"»
Où en êtes-vous aujourd’hui?
La situation est bien meilleure. De fait, on s’est mis aux normes du futur fair-play financier, même si tout n’est pas réglé. L’OM a la chance d’avoir Margarita Louis-Dreyfus comme actionnaire, qui a encore fait des efforts considérables cet été sous la forme d’un abandon de créances de 30 millions et en injectant 15 millions d'euros de trésorerie. Structurellement, nous avons poursuivi la réduction des achats de joueurs, en passant de 45 millions en moyenne à 11 en 2011 et 2,6 cette saison. Nous avons aussi entièrement purgé notre dette joueurs (reliquat de transferts payés sur plusieurs années) et nous avons encore diminué notre masse salariale de 20 millions (à 65 millions d'euros contre 85 la saison dernière et 100 en 2010-2011). Heureusement que nous avions anticipé, par exemple en faisant partir Lucho, notre plus gros salaire (380.000 euros brut mensuel), dès l’hiver dernier. Vu le marché, nous n’aurions pas trouvé d’acheteur cet été alors que le club ne pouvait plus supporter son salaire.
Allez-vous encore vendre pour atteindre l’équilibre réclamé par MLD en 2013?
Nous n’avons effectivement pas réalisé 100% de l’objectif fixé par l’actionnaire. Il y a deux moyens d’y parvenir : soit nous faisons mieux que notre classement prévisionnel, budgété à la 5e place ; soit nous présenterons une balance des transferts positive au 30 juin 2013.
Pourriez-vous vendre Loïc Rémy ou André Ayew dès cet hiver et ce même si vous êtes en tête?
Ces deux joueurs ont un bon de sortie. Mais pour l’instant, c’est de la fiction. Et je rappelle qu’en janvier, revenus à la 4e place, nous avons privilégié l’aspect sportif en ne vendant pas Rémy, alors qu’il y avait une offre très attractive de Tottenham (plus de 20 millions d'euros). Au final, nous avons perdu sur tous les tableaux.
Elie Baup est trois fois moins cher que Didier Deschamps. L’OM ne paiera jamais plus un entraîneur plus de 300.000 euros?
Ce n’est pas propre à l’OM. En France, les recettes du foot ne sont plus suffisantes pour générer de tels salaires. Elie Baup est parfait pour la reconstruction. C’est un homme de peu de mots mais combatif et bosseur. Il a l’expérience et, comme la plupart des joueurs, il est revanchard.
Et lui accepte de travailler avec José Anigo?
José est un homme indispensable au fonctionnement de l’Olympique de Marseille. En tant que directeur sportif, il a largement contribué aux résultats du mercato en terme économique. Il est plus proche au quotidien du groupe professionnel cette saison car il a une relation avec Elie plus apaisée qu’avec Didier.
«Le PSG crée un déséquilibre en France»
Maintenez-vous que l’OM ne pourra se permettre deux saisons sans Ligue des champions?
Quand je l’ai dit il y a six mois, ce n’était pas possible économiquement. Grâce à l’actionnaire et à nos efforts de gestion, ce serait aujourd’hui supportable. Mais ce serait regrettable pour la notoriété du club. Nos objectifs restent toujours élevés.
Cela fait quoi de se retrouver dans la position du pauvre face au PSG quand on a été le plus riche?
À l’échelle de la L1, l’OM n’est pas pauvre. Nous avons le troisième budget (100 millions d'euros de prévisionnel), même s’il est en baisse de 30%, et la troisième masse salariale. Nous n’avons simplement pas les moyens du Paris Saint-Germain (300 millions d'euros), qui sont hors normes, y compris à l’échelle européenne.
Les gros investissements du PSG sont-ils irrationnels?
Il y a deux types d’investisseurs : ceux qui raisonnent économiquement, en estimant que le foot est créateur de plus-value, et ceux qui investissent pour des raisons stratégiques. Les premiers, c’est la catégorie des Glazer, les Américains qui ont racheté Manchester United pour 800 millions de livres en 2005. Tout le monde criait aux fous. Aujourd’hui, le club est valorisé 2,5 milliards! En Premier League, qui est la NBA européenne, ces investissements sont rationnels car les revenus y sont quasiment sans limite. Pour les seconds investisseurs, type Qatar, c’est une stratégie globale de conquête médiatique, de légitimation, voire de protection par rapport à ses voisins du Golfe. Cette stratégie a un coût, mais il n’est pas plus irrationnel.
«José Anigo a une relation avec Baup plus apaisée qu'avec Deschamps»
Ces moyens disproportionnés ne faussent-ils pas les règles?
Pas au niveau des cinq ou six gros clubs européens. Ils ont le droit de jouer dans la même cour que le Real, Barça ou Chelsea, qui eux aussi mettent beaucoup d’argent. Après, c’est certain que le PSG crée un déséquilibre en France. Il faut s’adapter.
Comment rivaliser dans ces conditions?
Vouloir rivaliser avec le pays le plus riche du monde serait ridicule et vain. Il faut plutôt essayer de trouver de nouvelles recettes, des nouveaux partenaires intéressés par la notoriété sans égal de l’OM. L’arrivée du Qatar au PSG peut bénéficier à son concurrent historique. La valeur d’un club ne se mesure pas qu’à son compte en banque.
Depuis la vente avortée à Jack Kachkar en 2007, avez-vous été approché par un acheteur potentiel?
Non, pas par des gens sérieux. Un investisseur intéressé par l’OM doit avoir une surface financière supérieure à la nôtre pour être capable d’assurer la pérennité du club.
Lille ou Lyon reprochent au PSG de ne pas acheter en L1, ce qui créerait un cercle vertueux. Vous êtes d’accord?
Sur le fond, je comprends leur position, surtout dans le contexte actuel. Mais, idéalement, l’OM a plutôt vocation à conserver ses meilleurs éléments qu’à les transférer chez son principal concurrent…