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OM : Vincent Labrune, le pire président
LaProvence.com
Nommé à la tête du club le 9 juin 2011, l'Orléanais a vu son mandat marqué par les échecs
Vincent Labrune est catégorique : il ne sera "pas là à la reprise".
Cinq ans, un mois et quelques jours. Entamé le 9 juin 2011, le mandat de Vincent Labrune en tant que président de l'OM aura duré le temps d'un quinquennat. Et un peu plus encore, s'il se termine le 21 juillet. Soit 1869 jours. Cinq longues années durant lesquelles l'Orléanais a réussi le tour de force de devenir le dirigeant le plus détesté de la riche histoire du club olympien. Sans jamais parvenir à inverser la courbe. Pire, il restera comme le président qui a dilapidé le patrimoine de l'OM et mis à mal la ferveur marseillaise du Vélodrome.
Un dirigeant au bilan lamentable
L'assertion peut sembler cruelle. Mais elle résume parfaitement le bilan de Vincent Labrune, qui doit être jugé sur ses résultats et à l'aune de la mission que lui a confié Margarita-Louis Dreyfus en le nommant. Autant le dire, donc, il n'a rien réussi : pas de titre à son actif, hormis un trophée en coupe de la Ligue (merci DD), une participation en Ligue des champions (après la 2e place inespérée de Baup), suivie d'un 0 pointé en phase de poules (six défaites, dans un groupe composé d'Arsenal, Dortmund et Naples), nouveau record du football français.
Quant à la feuille de route édictée par MLD, à savoir mettre le club en ordre financièrement, là aussi, force est de constater qu'il a failli. Titulaire d'un diplôme en économie, il a pourtant eu les pires peines du monde pour s'en sortir avec les cordons de la bourse olympienne. Bien plus à l'aise pour tirer les ficelles en coulisses, il a donc dû faire appel à la veuve de RLD pour renflouer les caisses jusqu'en 2013 malgré une politique d'austérité sans précédent. Depuis, il a jonglé avec les déficits et joué avec la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG).
Voilà pour le palmarès et la mission, auxquels il faut y ajouter six entraîneurs éprouvés en cinq ans : Didier Deschamps, Élie Baup, José Anigo, Marcelo Bielsa, Michel et Franck Passi. Chez lui, d'ailleurs, la balance positif-négatif penche clairement d'un côté. Ses seuls faits d'arme, finalement, sont d'avoir recruté Marcelo Bielsa, en 2014, et Lassana Diarra, un an plus tard. Mais même ses bonnes actions sont entachées de problèmes : il n'a pas donné les clés au premier et a offert au second la possibilité de partir en méprisant le club.
En revanche, la liste de ses erreurs est aussi longue qu'un jour sans pain : pêle-mêle, citons le travail dans l'ombre pour évincer Pape Diouf, sa prise de position en faveur de José Anigo dans le conflit avec Didier Deschamps, les efforts pour éliminer Jean-Claude Dassier, le limogeage d'Élie Baup dans la précipitation, le fumeux projet Dortmund transformé en "Projet Blair Witch", selon le bon mot de Michel Tonini, le départ gratuit des cadres (Gignac, Ayew, Morel, Fanni, Romao, Nkoulou), l'erreur de casting Michel... Une sorte de dealer de rêve transformé en marchand de sommeil.
Un recruteur de salon
"Labrune n'est pas un homme du foot. Il ne sait pas ce que c'est." La remarque, signée Basile Boli, date du 24 mai 2013 dans les colonnes du Parisien. Plus de deux ans et un retournement de veste plus tard, assorti d'un honorable contrat, "Basilou" est devenu le défenseur attitré de VLB. Il a eu beau revenir sur sa saillie, celle-ci symbolise toutefois le regard que portent les supporters de l'OM sur l'ex-attaché de presse de France TV et ancien porteur d'eau de feu Jean-Luc Delarue. Un homme qui a connu une ascension fulgurante dans le monde des médias après avoir gagné la confiance de JLD. Un schéma de jeu qu'il a ensuite reproduit, animé par une ambition personnelle dévorante, pour devenir l'homme-lige de Robert Louis-Dreyfus jusqu'à son décès, le 4 juillet 2009, puis celui de Margarita, sa veuve. En confiance dans ses nouvelles attributions, il s'est même pris au jeu des transferts tout en zappant la cellule de recrutement et en se faisant alpaguer par certains agents qui lui ont fait tourner la tête.
En plein mercato, alors qu'il se disait débordé, il pouvait passer 1h au téléphone avec chaque journaliste de différents médias pour les aiguiller et, surtout, préparer son service après-vente. Ou distiller les infos, et choisir à l'envi à qui il donnerait la primeur. Toujours en off, bien sûr.
Une personnalité stupéfiante
C'est sûrement le côté le plus sombre de Vincent Labrune. Un homme aux airs de mec brillant et sympa. Mais qui s'est plus souvent avéré calculateur, voire manipulateur, parfois même les deux à la fois. Et, surtout, un personnage à l'égoïsme forcené et au mépris colossal pour les Marseillais, pour les supporters de l'OM, auxquels il a récupéré la gestion des cartes d'abonnements en virages, et pour les salariés du club : "Premier arrivé, dernier parti", "Je suis le seul à bosser dans ce club", martelait-t-il à ses interlocuteurs alors qu'il était rarement présent à La Commanderie.
Une attitude exécrable souvent dépendante de son état d'excitation. L'Orléanais fait partie de cette caste capable de décrocher son téléphone et de faire jouer son réseau à des fins peu élégantes. Un homme qui n'hésite pas à appeler un patron de journal pour se plaindre d'un plumitif trop critique à son goût (ou d'attaquer en justice des journalistes), de téléphoner à un dirigeant de chaîne pour faire cesser la diffusion d'un reportage, ou encore de menacer un serveur d'appeler le patron d'Accor car celui-ci ne veut plus l'abreuver au bar de l'hôtel... Un homme avec un tel sentiment d'impunité qu'il propose à un fonctionnaire de police qui procède à son audition dans le cadre des transferts présumés douteux à l'OM, un contrat pour devenir "Monsieur sécurité" du club olympien !
Spécialiste dans l'art de rejeter la faute sur les autres, il a souvent utilisé ses collaborateurs, Philippe Perez en tête, en leur donnant le mauvais rôle. Au vrai, les Marseillais ne l'ont jamais adopté. Quand il est arrivé dans la cité phocéenne, il trimbalait déjà une image d'intrigant avec son costume noir et sa chemise blanche. Cinq ans plus tard, il a gagné des surnoms en pagaille : s'il signe VLB, il est devenu "Barule" pour les Saint-Rémois qui le voient errer dans la ville, portable collé à l'oreille. Une bande d'abonnés en tribune Ganay, loin d'être les plus virulents au stade, l'a nommé "V. Le Bourrin" ou "V. Le Blaireau". D'autres, et pas seulement Charles Villeneuve, préfèrent le terme de "Chevelu" alors que Louis Acariès et Brahim Asloum, amis des débuts avant d'être zappés, ont choisi "Brutus". "Vince Vega", du nom du personnage de Pulp Fiction, ou "Calamity Vince" sont d'autres de ses sobriquets.
Un commercial de crise
Présenté comme un spécialiste de la communication de crise, il a perdu son sang-froid dès qu'il a été sous le feu des critiques avec des sorties médiatiques non-contrôlées. Mais il a démontré une certaine aptitude pour retourner les situations en sa faveur. Certaines ventes en font partie (de Imbula à Thauvin, en passant par Batshuayi), même s'il a surtout profité de la folie du marché anglais et réalisé des montages pas toujours gagnants. Même devant la DNCG, il a réussi ses coups, non sans jouir du poids du club olympien au sein du foot hexagonal. Et tout en étant le pire président de son histoire.
Jean-Claude Leblois