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Vincent Labrune
Ses 7
péchés capitaux
Acculé en cette fin d’exercice, le président olympien, qui a fini par concentrer tous les pouvoirs à l’OM, cristallise les reproches et les rancœurs liés à cette saison jusque-là cauchemardesque. TEXTE
Dave Appadoo |
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jean-françois robert/l’équipe
’est une version méditerranéenne du Titanic dont nous a gratifié l’OM cette saison : une lutte jusqu’au bout pour le maintien, trois changements d’entraîneurs, des crises en veux-tu en voilà (Bielsa, Valbuena, Michel, les écoutes, la mise en vente du club par l’actionnaire, la tentative d’embauche d’un policier qui avait interrogé Vincent Labrune lors de sa garde à vue de 2014 autour de l’affaire des transferts douteux de l’OM...) et, tel un phare dans la nuit, une finale de Coupe de France le 21 mai au Stade de France face au tout-puissant PSG. Dresser un bilan, c’est déjà chercher les responsabilités. Forcément, Vincent Labrune apparaît comme le coupable désigné de la plupart des maux d’un géant à la dérive à l’issue de ce qui pourrait être l’une des pires saisons olympiennes depuis longtemps. Le raccourci est pratique. Certains, au sein d’un milieu où il n’est pas toujours populaire – surtout chez ses prédécesseurs –, n’ont pas hésité à l’emprunter depuis plusieurs mois, en faisant payer à l’Orléanais, en poste depuis 2011, une ambition jugée trop orgueilleuse et/ou individualiste.
1. Il a (sans doute) cru faire mieux que ses prédécesseurs
« Ah ! président de l’OM, ce n’est pas si facile. Et Vincent Labrune l’apprend à ses dépens. » Jean-Claude Dassier a la mine gourmande en énonçant les difficultés de celui qui lui a succédé à la tête du club, en juin 2011. C’est une récurrence quand on évoque le cas du dirigeant olympien. « L’historique récent pouvait lui donner le sentiment que c’était facile, nous confie un intime des hautes sphères olympiennes. Sous Pape Diouf, Marseille est allé trois fois en C1 en cinq ans. Et sous Dassier, le club a enchaîné un titre de champion, un de vice-champion et deux Coupes de la Ligue. Il a pensé qu’il n’aurait aucun problème pour tenir ces standards. C’est surtout la présidence Dassier qui l’a titillé, car il a toujours pensé que c’était un tocard. » Une hypothèse qui interpelle quand on sait que c’est Labrune qui avait poussé l’ancien patron de l’information de TF1 à succéder à Diouf en 2009. « Vincent venait de couper la tête de Pape et, comme ce n’est pas un grand courageux, il n’a pas voulu descendre dans l’arène et m’a proposé d’y aller, reprend Dassier. En pensant que j’allais juste être un prête-nom. À tel point que, le soir du titre, il ne pouvait cacher sa jalousie. Pis, après on a terminé chez moi avec des amis et Vincent débarque et explique que je ne suis pour rien dans le titre, que c’est lui qui a tout fait, que s’il n’y a pas eu penalty à tel match c’est grâce à son ‘‘ travail ’’ auprès des arbitres, etc. Il en était physiquement malade. À partir de là, mon sort était scellé ! » Et JCD d’apporter son analyse sur la raison de cette attitude. « L’un de ses problèmes, c’est qu’il croit qu’il est meilleur que les autres dans tous les domaines. Si tu penses être omniscient, c’est dangereux. » Omniscient et peut-être même plus que ça au point de déclarer un jour, selon plusieurs témoins stupéfaits : « Je suis l’homme le plus puissant de France ! »
2. Il a (sans doute) cru que la com’ faisait tout
Plus que jamais cette saison, Vincent Labrune pâtit d’une image désastreuse. Un comble pour celui dont beaucoup louent les qualités de communicant. «Il possède un baratin exceptionnel, c’est un charmeur, reconnaît sans problème Dassier. Il a d’ailleurs marabouté Robert puis Margarita. Mais je ne sais pas s’il était si habile que ça avec les médias, s’interroge Jean-Claude Dassier. Il avait fait faire une interview à Margarita dans le Monde (le 7 octobre 2011) où elle expliquait innocemment que, maintenant que Deschamps a de l’oseille, il a intérêt à avoir des résultats. Quand tu connais Didier, tu ne fais pas ça. DD est monté sur ses grands chevaux et c’était le début de la fin. Alors, le roi de la com’ hein... » Et notre source intime des hautes sphères olympiennes d’asséner : « Ce n’est pas un bon communicant, c’est un manœuvrier, nuance. C’est quelqu’un de très habile dans les coulisses, que ce soit avec feu Robert et, ensuite, Margarita, ou avec la presse à qui il souffle des confidences pour entretenir ses réseaux. Mais, publiquement, c’est un désastre. Dire : “ Être président de l’OM, je ne le souhaite pas à mon meilleur ennemi ” (le 18 mars 2016 sur Infosport), quelle faute ! Et le projet Dortmund ? Aujourd’hui, tout le monde tourne ça en dérision. » Dans le clan Vincent Labrune, on s’insurge contre ce traitement médiatique. « Ça devient même dangereux, car il est jeté en pâture, regrette Luc Laboz, directeur général adjoint de l’OM. Mais son image dans les médias, il s’en fout vraiment. Il aurait pu critiquer l’actionnaire et remonter sa cote auprès du public, mais il ne l’a pas fait. »
3. Il a (sans doute) cru pouvoir se passer d’un directeur sportif
C’est l’un des grands procès fait à Labrune : vouloir tout faire tout seul. « Il était d’abord à la com’ de RLD puis au conseil de surveillance, président, et désormais il est aussi directeur sportif. Si on le laisse faire demain il sera l’entraîneur », chambre gentiment Christophe Bouchet. Il n’empêche, depuis le départ d’Anigo, Labrune gère les dossiers des transferts quasiment en ligne directe. Un fonctionnement qui peut amener à gérer bizarrement certains dossiers, comme celui de Mahrez, révélé dans nos colonnes en décembre, que le boss olympien avait éconduit sèchement : « Pensez-vous réellement que des joueurs de Leicester et de l’USM Alger peuvent aujourd’hui avoir leur place à l’OM dans le projet qui est le nôtre ? avait écrit Labrune à l’agent du joueur. (...) J’espère que vous ne prendrez pas mal ce message, mais je ne supporte pas que l’on me prenne pour un gogo. » Un agent familier de l’OM nous détaille la façon de travailler au club désormais. « Avec l’omniprésence de Vincent Labrune à tous les étages du club, il est devenu impossible de faire passer un dossier. Si on ne fait pas partie de sa cour personnelle, il ne répond ni au coup de fil ni au mail... Sa vision du football est limitée. Si on lui proposait un Yaya Touré “ à quarante ans sur des béquilles ”, il l’accepterait, juste sur le nom. Regardez le wagon d’“arnaques ” qu’il a récupérées cette saison : des noms de clubs prestigieux sur le CV, mais dans les faits un recrutement médiocre. Dans d’autres clubs, on alerte la cellule de recrutement, mais, là, on sait que c’est une farce. » Pour Luc Laboz, son DGA, Labrune a voulu avant tout « assainir le club ». Assainir ? « Oui, rompre avec toute une génération d’agents et d’intermédiaires qui travaillaient auparavant avec le club pour choisir de nouveaux profils qui ont intégré toutes les règles du football-business. Sans savoir qui avait fait quoi. Il a juste décidé qu’il fallait régénérer. Et le fait que, dans les écoutes, il soit autant attaqué, c’est la preuve qu’il a bien fait le boulot dans ce domaine. » Reste qu’aujourd’hui le recrutement a conduit l’OM au bord de la L2. Un bilan imparable, mais dont ne veut pas se contenter le fidèle de Labrune : « On peut juste dresser un constat sportif, mais Vincent devrait être avant tout jugé sur la feuille de route qui lui a été fixée : remettre en ordre le club pour une vente. » Une lecture qui peut s’entendre. Pas sûr qu’elle soit suffisante aux yeux du peuple de Marseille.
4. Il a (sans doute) cru que les joueurs étaient ses amis
Le président de l’OM a beaucoup entretenu l’image d’un président proche du secteur sportif, notamment des joueurs. À la manière d’un Nasser al-Khelaïfi, il invite souvent quelques joueurs cadres à venir dîner chez lui. Steve Mandanda est un habitué des dînettes chez son patron, tout comme Lassana Diarra. Selon plusieurs experts du club, le président fait cela à la fois pour prendre la température de l’équipe, mais aussi pour s’assurer que lui et eux sont sur la même longueur d’onde. Ainsi il a souvent convié par le passé André Ayew, ancien protégé de Diouf, l’ennemi absolu... « Surtout, c’est un passionné de football et il est fasciné par les footballeurs, synthétise un connaisseur du bonhomme. Mais, cette saison, cette stratégie a été plus compliquée à mener, car peu de joueurs sont appelés à être là la saison prochaine entre les prêts et les fins de contrat. Donc, difficile de fédérer...»
5. Il a (sans doute) cru que l’OM pouvait se gérer entre potes
C’est avec une garde resserrée que Vincent Labrune dirige désormais l’OM. Plus de directeur sportif depuis l’exil de José Anigo et plus de DG depuis le départ de Philippe Pérez. Au point que l’on se demande si le président de Marseille a encore des contradicteurs au sein du club. « Son entourage, ce sont ses fidèles et peut-être qu’il n’a pas tout à fait tort, car l’OM est une telle lessiveuse que pour retrouver ses chaussettes faut s’accrocher. Mais ce choix l’empêche d’avoir des points de vue différents du sien », observe Christophe Bouchet, qui illustre la méfiance que Labrune nourrirait vis-à-vis des gens extérieurs à son cercle : « Il a cette manière de toujours parler à l’oreille, la main devant la bouche. Il n’est pas dans une relation de confiance, c’est clair. Ceci dit, je ne pense pas qu’il tienne compte de l’avis de ses proches. Il n’écoute jamais rien, c’est désespérant... » Pourtant, son bras droit, Luc Laboz, s’inscrit en faux contre cette version du fonctionnement de Labrune : « Il est très à l’écoute. Et on est souvent en confrontation, je vous assure. »
6. Il a (sans doute) cru que les supporters lui ficheraient la paix
« Labrune a commis un péché originel en faisant sauter Pape Diouf. Derrière, il ne pouvait pas s’en sortir ici. » Sans concession, Michel Tonini, le responsable des Yankees. Car, pour lui, la mayonnaise n’a jamais pris avec les supporters de l’OM et le président. « On ne le voit jamais à Marseille, il a les pétoches », surenchérit Jean-Claude Dassier. Pourtant, à écouter Mathieu Franceschi, ancien responsable des Winners, la réalité serait plus nuancée que ça : « Il a beaucoup échangé avec nous. Il a toujours eu ce talent pour retourner l’opinion des associations de supporters lors des réunions que l’on avait. Le levier sur lequel il jouait, c’est en se posant en rempart entre nous et les pouvoirs publics. » Et Jean-Claude Dassier de lui reconnaître aussi l’initiative d’avoir repris la commercialisation des abonnements gérée par les supporters depuis les années Tapie : « Moi, je ne l’avais pas fait et ce doit être porté à son crédit. » Pour des motifs de sécurité et peut-être pour rendre le club plus « présentable » en vue d’une revente. Une stratégie balayée d’un revers de la main par Michel Tonini : « C’est une connerie terrible, car la commercialisation des abonnements par les supporters permettait quelque chose d’unique : faire le plein même quand les résultats étaient en berne, ce qui est unique en France. C’est plutôt cette force qu’il fallait maintenir et valoriser. Parce que vous assurez au repreneur que son stade va être plein et qu’il va pouvoir tabler sur ça dans son business plan. » Il n’empêche, Labrune a clairement réussi cette opération sans soulever de fronde. Pas un mince exploit au regard de sa « popularité »...
7. Il a (sans doute) cru que MLD le soutiendrait toujours
Décidemment, cela aurait été la saison des surprises. Non content de s’être fait surprendre par Marcelo Bielsa, Vincent Labrune n’aura pas (trop) vu non plus venir son espèce de disgrâce auprès de Margarita Louis-Dreyfus. « Il a longtemps été très précieux pour elle quand elle a dû reprendre les affaires de Robert, reconnaît Jean-Claude Dassier. Il s’est attelé à lui construire une image de business woman pour lui donner de la consistance, et il a fait un très bon travail. » Pourtant, cette saison, MLD a semblé davantage s’appuyer sur sa garde rapprochée, entre son mari Philippe Hildebrand, de plus en plus influent auprès de son épouse sur le sujet OM (avec par exemple l’hypothèse de faire nommer un de ses proches, Xavier Giocanti, à la tête du club), et l’avocat Igor Levin, en première ligne sur le dossier Bielsa. Un cercle restreint dont Labrune serait de plus en plus exclu. Sans confirmer cette tendance, Luc Laboz explique néanmoins qu’à « plusieurs reprises, Vincent a proposé à l’actionnaire de quitter la présidence si elle estimait qu’il était un obstacle au fonctionnement du club. » Selon nos informations, Labrune aurait également mis sa démission dans la balance lors la fameuse réunion de Zurich pour statuer sur le sort de Michel. Lequel sera maintenu… avant d’être limogé quelques jours plus tard. Un épisode à la lecture assez compliquée mais qui trahit la perte d’influence et de poids du président auprès de l’actionnaire principal.