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« Parce que j’ai de bons joueurs ! »
RÉMI GARDE, l’entraîneur de Lyon, explique pourquoi il se sent capable de réussir dans sa nouvelle mission.
21 heures hier dans les salons du luxueux hôtel Tauern Spa de Zell am See. Rémi Garde (45 ans) boucle son quatrième jour de stage en Autriche et sa première semaine au poste d’entraîneur de l’OL. Ancien joueur, adjoint et directeur du centre de formation, ce Lyonnais pur jus a pris la succession de Claude Puel avec la bénédiction de tout un club. Et se sait donc très attendu...
ZELL AM SEE – (AUT)
de notre envoyé spécial
« QUATRE ANS APRÈS avoir été pressenti pour succéder à Gérard Houllier (en 2007), qu’est-ce qui a fait pencher la balance, cette fois ?
– D’abord ma personnalité, ma vie professionnelle, dans laquelle je me sens plus mûr qu’à l’époque où j’avais eu des sollicitations. Ce n’étaient pas de vraies propositions, plutôt des tests. Ensuite, j’ai senti un élan fort autour de moi. Dans toutes les composantes du club qui pensaient que j’étais la personne qui devait maintenant assumer la fonction.
– C’est flatteur ?
– Oui... Je suis quelqu’un de très humble, mais je suis très, très fier. Mais c’est intérieur...
– Parce que vous êtes introverti ?
– Pas introverti, mais réservé. Je ne suis pas timide, j’aime aller vers les gens, mais pas autant que certains. C’est juste que j’ai besoin de ne pas beaucoup parler ou de ne pas entendre beaucoup parler pour essayer d’analyser les choses ou les gens.
– Aurez-vous à forcer votre nature pour les besoins du métier ?
– (Il coupe.) Mais je la force, là, déjà ! J’ai conscience d’avoir un devoir de communiquer. On fait un sport public, populaire. Pour certains, c’est facile. Pour d’autres, c’est une corvée. Je me situe entre les deux.
– Vous avez aussi l’image de quelqu’un de très réfléchi...
– Avant de parler, j’aime bien avoir réfléchi à ce que je vais dire. Mais je ne joue pas un jeu. J’essaie de fédérer autour de moi, ça demande autre chose que de la spontanéité.
– Quels ont été vos premiers mots pour les joueurs ?
– Je leur ai dit que je souhaitais de la responsabilisation de la part de tous. Que tout ce que le club a vécu ces dernières années, et donc la remise en question, était l’affaire de tous.
– On sent d’ailleurs que vous vous gardez de toute simplification du style : le départ de Claude Puel va tout régler...
– Il n’y a pas une bonne manière d’y arriver. Je me suis inclus dans ce qui s’est passé au club ces dernières années, parce qu’il n’est pas aussi simple de se dire qu’on passe à autre chose.
– D’ailleurs, comment avez-vous vécu cette période difficile ?
– Peiné par ces résultats qui n’étaient pas tout à fait à la hauteur (*). Je dis bien “pas tout à fait”, car bien des clubs auraient aimé être à notre place. Mais à Lyon, l’exigence dépasse les résultats.
« J’aimerais être
dans l’état d’esprit
d’un petit garçon »
– Comment comptez-vous combler votre manque d’expérience ?
– En ayant confiance en mes compétences, pour avancer avec mes idées. Et en m’appuyant sur des gens qui ont beaucoup plus d’expérience, comme Joël Bats (entraîneur des gardiens) ou Robert Duverne (préparateur physique), ou les dirigeants comme Bernard Lacombe (conseiller de Jean-Michel Aulas) ou le président. J’aime m’appuyer sur la force des autres. Même si je ne suis pas là pour faire ce que me disent les autres.
– Vous sentez-vous prêt à dire non à vos dirigeants ?
– (Il coupe.) Je l’ai déjà fait pendant le mercato. L’avantage de bien se connaître est qu’il y a une bonne communication entre nous, mais je ne me laisserai pas imposer des choses qui me déplaisent. Je suis très écouté.
– Finalement, pourquoi pouvez-vous réussir ?
– (Rires.) Parce que j’ai des bons joueurs ! Un entraîneur réussit par ses joueurs. Je me considère comme un chef d’orchestre.
– En termes de méthode et de personnalité, quels sont les entraîneurs qui vous inspirent ?
– J’ai entendu un jour José Mourinho dire que le foot commençait par la tête, continuait par le cœur et se terminait par les pieds. Soit l’intelligence, les émotions et la technique. J’ai trouvé cette image très juste, parce que c’est ce qui rend le foot beau et compliqué : on mêle de l’humain et de la technique.
– La stratégie plus humble du club vous ôte-t-elle de la pression ?
– Non, parce que je sais l’attente très importante. Une politique d’investissement très importante dans les transferts n’est plus de mise, mais il y a des joueurs qui, après une année très difficile, peuvent pratiquement être non pas des recrues mais élever leur niveau.
– Comme Gourcuff ?
– Yoann en fait partie, ce n’est pas un secret, mais il y en a d’autres. Sincèrement, et pas par démagogie, c’est un groupe où il y a de la qualité. Et si le club doit se séparer de deux ou trois joueurs, les dirigeants resteront ambitieux avec moi pour recruter.
– Une semaine après votre entrée en fonction, quel est votre état d’esprit ?
– Je n’ai aucun regret et, pour l’instant, il y a plus d’excitation que d’appréhension.
– Et avez-vous eu des surprises ?
– Non. J’aimerais être dans l’état d’esprit d’un petit garçon qui est surpris, mais je ne me laisse pas déborder par trop d’émotions... »
JEAN-BAPTISTE RENET