Y sont-ils encore?La belle empoignade entre le PSG et Montpellier ne parvient plus à masquer les difficultés d’une concurrence mal en point. L’enthousiasme et le talent des Montpelliérains ne sont-ils pas en train de devenir un cache-misère pour la L1 ?Ce soir à San Siro, une partie de l’avenir de la L1 se joue, à l’occasion du huitième de finale retour de Ligue des Champions entre l’Inter et l’OM. Si les Phocéens sortent, non seulement il n’y aura plus de représentant français en Coupe d’Europe, mais la France perdra une place à l’indice UEFA, logiquement devancée par un Portugal dont les grands clubs s’appliquent consciencieusement à présenter leur meilleur visage en Coupe d’Europe, eux.
La perspective de voir le troisième du championnat batailler un tour de barrages de plus pour accéder aux poules de la Ligue des Champions n’a a priori rien d’alarmant pour un supporter parisien. Mais le besoin d’évoluer dans un championnat compétitif lui, est indissociable des ambitions retrouvées du club ; et s’il est réjouissant pour le moment de voir Lille se traîner à onze points, Lyon s’accrocher à quinze et l’OM disparaître sous sa vingtaine de points de retard, on peut aussi s’étonner de voir qu’aux deux-tiers du championnat, tous ces clubs censés former le gros de la rivalité avec Paris ont pratiquement abdiqué.
Etat des lieuxOn peut comprendre que Lille ait pu se sentir repu après sa saison la plus faste depuis cinquante-cinq ans et le départ de plusieurs joueurs indispensables. Alourdi par le poids des attentes, le LOSC a du apprendre au prix fort la Ligue des Champions sans l’effet de surprise et a trébuché dans les compétitions domestiques, malgré un jeu plutôt bien en place et de bonnes statistiques. L’objectif local pour la fin de saison, conserver un accès à la Ligue des Champions, semble raisonnable et dans les cordes des Nordistes - pourquoi pas en s’offrant au passage une victoire de prestige contre Paris. Mais sur un horizon plus large, les doutes subsistent, alimentés par le transfert un peu rocambolesque de Sow à la trêve et le départ certain du maître à jouer Eden Hazard. Difficile pour le moment de cerner le projet des Dogues et l’évolution que prendra l’équipe dans les deux ans à venir.
Marseille et Lyon, sans doute impressionnés par les menaces de Frédéric Thiriez, ont fait le boulot en Coupe mais se sont plantés ailleurs. Encore engagé sur les quatre tableaux aujourd’hui, l’OM pourrait tout perdre, et a déjà beaucoup perdu avec sa série noire récente qui l’a vu notamment s’incliner contre Evian et Ajaccio. Qualifiés in extremis en Ligue des Champions, les Marseillais peuvent rêver d’exploit face à l’Inter mais n’ont aucune chance de gagner le trophée. L’avenir semble s’inscrire en Europa League, au mieux, pour l’OM, et de lourdes interrogations entourent les ambitions du club et la volonté de sa propriétaire. Didier Deschamps pourrait bien ne pas rempiler. L’effectif souffre de déséquilibres et d’un manque d’efficacité offensive criard. Et les supporters observent non sans amertume des projets parisiens qui semblent pour le moment bien éloignés de leurs propres préoccupations.
Quand à l’OL, peu d’observateurs ne rejoignaient pas après la déroute à Nicosie l’impression de fin de cycle qui prédomine dans cette équipe. A un effectif vieillissant et peu incité à la remise en question, à un président chez qui la morgue a pris le pas sur l’ambition et à un entraîneur dont la seule nomination sonnait déjà comme un pari dans l’incertitude, les Lyonnais ont ajouté ce zeste de manque de réussite qui basculait si souvent dans le camp de l’adversaire lors de la dernière décennie. Plus encore que des penalties manqués à Chypre, les Lyon-PSG l’illustrent bien. L’an dernier Lyon faisait déjà match nul contre Paris en se sauvant in extremis de la défaite grâce à un dégagement improbable d’Edel, mais celui-là avait encore un goût de victoire pour des Lyonnais finalement qualifiés en Ligue des Champions. Cette année, l’effondrement de Lloris dans ses cages après l’égalisation d’Hoarau au bout du suspense en disait long sur l’évolution du rapport de forces et la façon dont l’équipe lyonnaise se sent aujourd’hui rattrapée par le destin.
Désormais condamnés à lutter pour un strapontin qui sera difficile à obtenir, et à de grosses difficultés financières s’ils ne l’obtiennent pas, les Lyonnais sont bien loin de faire figure de rivaux en puissance.
Pendant que Montpellier tient la dragée haute au PSG, les concurrents désignés affrontent péniblement leurs propres problèmes. Aux prises avec des outsiders ambitieux comme Rennes, Toulouse et St-Etienne, ces clubs ne parviennent plus à exprimer leur supériorité dans les résultats et auront du mal à s’en tirer. Il est probable aujourd’hui qu’un seul d’entre eux au mieux parviendra à se requalifier pour la Ligue des Champions.
Ambitions européennesTout cela n’est pas sans conséquences sur les ambitions européennes du PSG. Au tout début du siècle, Aulas et sa stratégie de règne par la division et d’affaiblissement systématique de la concurrence ont créé une forme de monopole sur le championnat, et les espoirs français en Ligue des Champions se sont très vite retrouvés tributaires des prestations lyonnaises. Aujourd’hui, il est probable que cette époque où l’OL sortait systématiquement des poules est révolue. En parvenant à se qualifier à nouveau de manière consistante depuis quelques années, l’OM est venu rajouter un peu de régularité, mais les Marseillais sont eux aussi en grand danger de voir une nouvelle qualification leur échapper. Il y a bien longtemps que le football français n’a pas eu plusieurs clubs vraiment compétitifs en Ligue des Champions, et ceux qui étaient parvenus à s’extraire des poules cette année ont de fortes chances de ne pas y être du tout l’an prochain.
Montpellier est bien sûr une équipe pleine de talent. Mais mettre Caen à l’agonie dans un match de L1 sans grande pression n’a pas grand-chose à voir avec la réception d’un ténor européen en Ligue des Champions. On aura une première idée des ressources mentales de cette équipe lorsque le sprint final va être lancé. Le MHSC a aujourd’hui de grandes chances de se qualifier. De là à imaginer Girard et ses troupes se poser durablement en concurrents aux ambitions parisiennes, il y a un pas qui semble difficile à franchir, ne serait-ce qu’à voir les yeux des observateurs déjà fixés sur les pépites de l’effectif héraultais.
Si cette équipe de Montpellier est à ce point adulée dans les médias, ce n’est pas seulement par esprit grégaire de soutien au petit contre le gros, ni pour les seuls charmes du talent et du culot. Les Montpelliérains portent surtout à leur corps défendant le poids d’un championnat un peu entre deux eaux, qui apparaîtrait d’un coup beaucoup moins crédible s’ils avaient dix points de moins.
Aussi, alors que le PSG semble chaque semaine se découvrir des ressources et un mental insoupçonnés, l’adversité à laquelle il fait face aujourd’hui semble plus devoir à l’envie de battre la nouvelle locomotive flambant neuve qu’à l’ambition de prétendants déclarés au trône. A supposer qu’un des outsiders emporte le strapontin, toutes les attentes du foot français en Coupe d’Europe se retrouveraient portées sur le PSG dès l’année prochaine. Cela aurait au moins le mérite, en les laissant en-dehors de la Ligue des Champions, de permettre à nos concurrents déclarés de raffermir leurs ambitions dans un nouveau projet. De quoi corser la conquête du titre certainement ; mais en attendant, la concurrence, qui ne dispose ni d’un maestro italien pour lui apprendre à gagner ses matchs dans les dernières minutes, ni de la grinta qui naît de l’ambition partagée par tout un groupe, se retrouve confrontée à ses doutes, et laisse les Parisiens et leur appétit s'envoler devant.
Gabriel M. ALLPSG