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Pastore vaut de l’or
Révélé à Palerme, le jeune meneur argentin, proche de s’engager au Paris-SG,
a vu sa cote exploser cette saison.
L’ÉPISODE EST MÉCONNU mais il pèse encore très lourd sur l’estomac de Bernard Caïazzo, et la lecture de la rubrique des transferts, ces derniers jours, réveille des souvenirs cruels chez le président du conseil de surveillance de Saint-Étienne. Il y a de quoi être amer, en effet : Javier Pastore (22 ans), l’homme proche de débarquer au PSG pour 42 M€, a échappé à l’ASSE alors qu’il ne valait pas un centime. C’était à l’automne 2006 et le jeune Argentin avait tenté un essai sur les pelouses de L’Etrat. Deux semaines plus tard, le gamin retraversait l’océan. Un peu fragile, trop maigrichon, il n’avait convaincu personne chez les Verts, et le verdict fut sans appel : « Il ne passera jamais pro », assuraient alors les responsables de la formation.
Depuis, « El Flaco » (« le maigre ») ne s’est pas beaucoup remplumé, mais il n’a pas tardé à signer un contrat. Jusqu’à devenir l’un des joueurs les plus convoités d’Europe, où son nom a voyagé chez les plus grands, du Real Madrid à Chelsea, du Barça à l’Inter, avant de finir en haut de la liste de Leonardo, le directeur sportif du PSG. Et si le montant du transfert évoqué en surprend quelques-uns, alors que le joueur reste méconnu en France, le volubile président de Palerme, Maurizio Zamparini, se frotte les mains devant la jolie plus-value. « C’est la meilleure trouvaille de ma carrière de président », avait-il annoncé à l’arrivée du jeune prodige, à l’été 2009. La suite lui a donné raison : acheté pour un peu plus de 6 M€, le milieu offensif aura multiplié son prix par sept en seulement deux saisons !
Les premiers pas en Europe n’ont pourtant pas été évidents pour Pastore. Loin de la famille et des repères, « El Flaco » a dû oublier les habitudes argentines d’un football moins exigeant physiquement et tactiquement. Le parcours est classique : né à Cordoba, il a grandi chez les jeunes du CA Talleres avant d’y débuter chez les pros, à dix-sept ans, en Deuxième Division. Un an plus tard, il signe à Huracan, l’autre club de Buenos Aires. River Plate le suivait aussi, mais sans lui garantir les mêmes perspectives.
Zamparini (président
de Palerme) :
« Il deviendra
plus fort que Messi »
À Huracan, il joue, il marque et il brille lors du Tournoi de clôture en 2009. Le club échoue tout près du titre, mais le joueur, lui, finit dans l’avion pour la Sicile, déjà affublé de l’étiquette du « nouveau Kaka » et fort des conseils de son entraîneur et mentor, Angel Cappa. Le joueur s’en souviendra : « Il me répétait tout le temps : “Au milieu de terrain, joue simple, et, dans les vingt derniers mètres, tu peux faire du Pastore.” »
Du Pastore ? Beaucoup de courses, une vision du jeu redoutable, des passes géniales, un toucher de balle impeccable et cette habitude de tenter les gestes dont il a envie, alternant pied gauche et pied droit, intérieur, extérieur et talonnades. « Donnez-lui le ballon, et laissez-le faire », conseille Zamparini à ses autres joueurs. Mais ce n’est pas si simple, en Serie A : parfois gourmand, l’Argentin se casse le nez sur les crampons des défenseurs et doit apprendre à calmer ses ardeurs. Son entraîneur d’alors, Walter Zenga, trouvera la méthode pour lui faire gagner en précision dans ses transmissions : « À la dixième passe ratée, tu sors. » Si la pépite reste perfectible, l’Italie ne tarde pas à découvrir l’ampleur du talent.
Outre Kaka, on évoque Riquelme ou Zidane devant la palette de ce numéro 10 gracieux et tout en longueur, et sa cote commence à enfler, après six premiers mois délicats. Les buts arrivent, et la sélection avec : Maradona l’emmène en Afrique du Sud pour la Coupe du monde 2010, où il fera trois apparitions et recevra les éloges sibyllins du mythique sélectionneur : « Pastore, c’est un footballeur mal élevé, dans sa manière de toucher le ballon », ou encore : « Pastore est un ignorant du foot parce qu’il ne connaît pas l’émotion du débutant qui doit faire ses preuves : il entre sur le terrain et se comporte comme un vétéran. » Cette saison, le joueur était guetté. Il a brillé (11 buts en 35 matches de Serie A), mais ne s’est pas encore débarrassé de toutes ses inconstances.
Quand ça ne tourne pas, il peut s’agacer ; quand ça tourne, il gagne le match à lui seul, riche d’un répertoire inépuisable. « Il deviendra plus fort que Messi, a même prédit un jour Zamparini. Messi est très offensif, Pastore est plus complet. » Il lui reste, maintenant, à supporter le poids des regards et à confirmer les promesses pour s’imposer parmi les meilleurs. Il en a quasiment le prix, déjà.
MÉLISANDE GOMEZ