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Cet insaisissable Leo
Attendu à n’en plus finir à Paris, Leonardo a convoqué une conférence de presse cet après-midi à... Milan.
OÙ ES-TU, introuvable Leonardo ? Un coup aperçu à Londres, un coup annoncé à Paris, il s’apprête finalement à réapparaître devant les médias cet après-midi à Milan, où, à son initiative, une conférence de presse a été mise sur pied au stade San Siro. Hier, même ses proches peinaient à situer sur une carte l’intouchable « Leo », déboussolés par les silences et les rumeurs enveloppant ses dernières discussions avec Nasser al-Khelaïfi, le nouveau président du conseil de surveillance du PSG. Une certitude : dans la soirée, le Brésilien n’avait toujours pas été nommé officiellement à un poste de manager général du club parisien. Deux confirmations : il ne s’engagera jamais dans un projet sans en avoir exploré les moindres recoins et il reste viscéralement soucieux de son image internationale. C’est a priori la seule explication à ce détour par Milan, à l’heure où Paris lui tend les bras depuis près d’un mois...
Les choix de Leonardo Nascimento de Araujo ont toujours été infiniment réfléchis, même lorsqu’il quitta le grand Sao Paulo FC pour signer aux Kashima Antlers, au Japon, en 1994, un statut de champion du monde tamponné sur le passeport. Expédition financière ? Peut-être. Aventure humaine, à n’en pas douter. Lorsqu’il quitta l’archipel pour signer au PSG en 1996, le Brésilien vécut un moment hors du commun : après son dernier match, les fans du club nippon, flambeau en main, formèrent une haie d’honneur entre le stade et le domicile du joueur... « Il y a quelques années, je l’ai recroisé à Milan, raconte Jimmy Algérino, son ancien coéquipier au PSG. Ce jour-là, un car de supporters japonais était venu spécialement le voir et lui remettre des cadeaux ! »
Un proche :
« Il est au pied
d’une montagne »
Ainsi est le charismatique Leonardo. Un homme respecté pour son talent à faire cohabiter intelligence, compétence et élégance. C’est un milieu offensif en costume-cravate que Jean-Michel Moutier, alors directeur sportif du PSG, vit débarquer dans la banlieue de Tokyo pour signer son contrat de trois ans. En dehors d’un passage sans relief à Valence (1991-1993), il a toujours laissé derrière lui l’image d’un acteur qui a compté. Y compris à Paris : il n’y est resté qu’un an, mais parce qu’il s’éclipsa juste après avoir brillé un soir de légende face au Steaua Bucarest (5-0, le 27 août 1997), en tour préliminaire de la Ligue des champions, l’ami intime de Rai a ancré dans les mémoires le souvenir d’un héros plus que d’un pragmatique.
De lui, ses confidents disent tous qu’il aime chaque club où il passe et les gens qu’il y découvre. « Il était positif et gai, tourné vers l’avant, dans la vie comme sur le terrain », se souvient Vincent Guérin. À Paris comme ailleurs, sa maîtrise innée des langues a fluidifié son adaptation, son intégration. Mais, au fond, « Leo » est un sentimental qui ne fait pas de sentiment. Il a pensé à quitter le PSG, le club qui a relancé sa carrière en Europe, à peine reçu le premier appel de Silvio Berlusconi, le propriétaire de l’AC Milan. L’an passé, il aura glissé, en six mois, du banc rossonero à celui de l’Inter, « trahison » qu’il aurait esquivée s’il était allé au bout de ses contacts, en octobre, pour entraîner Lyon.
Leonardo a toujours eu en tête de revenir en France, un pays dont il maîtrisait la langue au bout de trois mois. À ses proches, il a souvent confié son rêve de retrouver Paris, cette capitale qu’il se plaisait à arpenter lorsqu’il était joueur, jusque dans les ruelles de l’île Saint-Louis. Revenir, oui, mais comment ? À Milan, le Brésilien a vécu une reconversion protéiforme depuis 2003, alternant des missions d’ambassadeur, de recruteur, de responsable de la fondation du club avant de se muer, le temps d’une pige pour la chaîne Sport +, en intervieweur de son compatriote Ronaldo. Mais il n’a jamais fantasmé sur le banc. Quand il entraîna l’AC Milan en 2009-2010, il fut apprécié pour son sens du dialogue, beaucoup plus que pour des éclairs tactiques.
Non, ce que Leonardo voulait, à quarante et un ans, c’était un poste de manager général. Luc Dayan avait pensé à lui en 2006, Alain Cayzac en 2008. Finalement, c’est Franck Henouda, un influent agent français installé au Brésil, qui lui amènera sur un plateau la proposition en or que « Leo » avait attendue toute sa vie. Le 11 juin, à Doha, les deux hommes partiront à la rencontre du cheikh Tamim bin Hamad al-Thani. À l’issue d’un échange en anglais, le prince héritier du Qatar, véritable boss du « nouveau » PSG, ne dissimulera pas son enthousiasme, même si sa priorité initiale était d’attirer Arsène Wenger.
Leonardo possède-t-il l’épaisseur du poste créé pour lui par les nouveaux propriétaires du club ? Face au puissant pôle de décisions à Doha, disposera-t-il toujours de ces fameux pleins pouvoirs sportifs qu’il a exigés ? « À l’AC Milan, il avait Adriano Galliani (vice-président) et Ariedo Braida (directeur sportif) au-dessus de lui, observe Jean-Michel Moutier. Là, c’est lui qui va devoir prendre des décisions et gérer les inévitables conflits. C’est dans ces moments-là qu’on voit les patrons. » Un autre de ses proches ajoute : « Leo est au pied d’une montagne. Maintenant, c’est à lui de jouer. » Et à ne pas oublier de prendre l’avion pour Paris.
JÉRÔME TOUBOUL