Anigo le parfait fusible
Du plus loin que je me souvienne, je ne crois pas que les supporters marseillais aient sifflé leur équipe après une victoire 3-1. La rupture entre tribunes et dirigeants phocéens est consommée. Au delà même de ce qui est envisageable. A peine 14000 spectateurs dans ce stade, soit près de 25000 abonnés qui ont renoncé à venir. Et parmi eux des supporters mécontents et qui ne sont pas inféodés à un groupe quelconque. Ils refusent même le système mis en place depuis des lustres qui repose sur la connivence des responsables des clubs de supporters avec l’OM. Vincent Labrune a au téléphone, plusieurs fois par jour, Rachid Zeroual, le vice président des Winners et Michel Tonini, pour les Yankees, parmi les groupes les plus influents. Mais c’est tout ce système que les supporters non encartés refusent. Et c’est ce qui les rend incontrôlables. Jeunes, ils utilisent à la perfection les réseaux sociaux pour répandre leur mot d’ordre « éradiquons le MAL »Margarita, Anigo Labrune ». Depuis plus d’un an, ils réclament de façon récurrente la tête de José Anigo, arguant de l’image déplorable qu’il projette sur l‘OM et de son incompétence. Cette fois, personne n’a pu faire taire les slogans demandant la tête de l’entraîneur et du président pendant le match.
Pour l’instant, Vincent Labrune fait mine de les cantonner à un groupe restreint qui « serait téléguidé ». Par quoi ? Par qui ? La suite est assez floue. Par des gens qui auraient intérêt à ce qu’ils s‘en aillent pour pouvoir encore faire du business ? Il est certain que la manne financière que peut dégager l’OM par différents biais en intéresse plus d’un. Labrune affirme à qui veut l’entendre qu’il a assaini l’entourage du club et que ceux qui « veulent en croquer » essaient d’y revenir. C’est une manière de minimiser l’importance de ce mouvement de mécontentement qui enfle au niveau local. Est-ce pour autant l’expression directe d’un complot fomenté contre le club ? Rien n’est moins sûr… Car comme l’a dit hier au CFC, mon collègue Pierre Menès, reprenant Talleyrand, « Quand c’est une majorité qui complote, ce n’est plus un complot, mais une révolution. »
C’est tout l’intérêt des dirigeants marseillais de faire fi de l’insatisfaction des supporters devant les résultats et d’éviter la remise en cause des méthodes de préparation et de management de cette saison. Le recrutement, la gestion humaine des cadres, celle des entraineurs, etc.
Cela pose clairement la question des rapports entre José Anigo et Vincent Labrune. Le président de l’OM aurait voulu se débarrasser de son directeur sportif qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Comment expliquer en effet qu’il le place ainsi en première ligne alors qu’il l’a laissé œuvrer dans l’ombre depuis de longues années ? Et surtout qu’il ne le protège pas davantage alors que l’ex-minot vient de subir un drame terrible dans sa vie personnelle et qu’il lui intime l’ordre de poursuivre sa mission après la trêve sur un terrain miné ?
Je n’aurais pas trouvé anormal que José Anigo soit viré en même temps que Pape Diouf et Julien Fournier, ou qu’il soit écarté au moment du conflit avec Didier Deschamps, proprement bien entendu. Personne n’aurait été vraiment surpris. On peut donc supposer que les dirigeants de l’OM y trouvaient un quelconque intérêt, sportif peut-être, mais surtout personnel pour l’emprise réelle ou supposée du gamin des quartiers, sur les virages. En tout cas on peut le penser. Mais le laisser seul aux prises avec un tel déchaînement de violence, sans vraiment réagir à tout ça, me laisse perplexe. Ne croyez pas un mot de ce que dit Anigo après le match : « Je suis costaud. Cela ne me fait pas vaciller d’un iota ». Personne ne peut sortir indemne de cette furia collective. Même les membres du staff parmi ses proches étaient effrayés à la fin du match de cette haine contre lui et de cet « acharnement ». Je ne sais pas comment José Anigo va pouvoir finir la saison avec les gros rendez vous qui se profilent au vélodrome, Lille et Lyon. Labrune a décidé de le sacrifier sur l’autel d’une saison catastrophique. « Je veux qu’il soit heureux »a t-il déclaré à l’Equipe samedi dernier. Certainement mais à l’OM, la saison prochaine, ça paraît compliqué…