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Viol : Brandao a-t-il fait l'objet d'une manipulation ?
Evaeverson Lemos Da Silva reste un homme blessé. Le non-lieu --aujourd'hui définitif-- dont il a bénéficié le 27 septembre n'a pas étouffé toutes les rumeurs. Brandao, débarrassé de l'accusation de viol, essuie toujours des regards de travers et des sourires en coin. Pourtant, la justice a réalisé un travail de bénédictin pour, minute par minute, reconstituer la nuit du 1er au 2 mars 2011 au cours de laquelle le joueur de football brésilien a rencontré celle qui allait devenir son accusatrice.
Cette nuit-là, avec son cousin "Brother", Brandao, dans le carré VIP d'une boîte de nuit d'Aix-en-Provence, a commandé une bouteille de champagne et une autre de vodka. Deux jeunes femmes, R. et V., s'assoient à leur table. L'enquête apprendra que R. affectionne les joueurs de l'OM, ayant connu des aventures avec au moins trois d'entre eux. Et, cette nuit-là, cela semble bien parti pour que Brandao soit le quatrième. Les deux hommes et les deux femmes quittent la discothèque pour se rendre, à Cassis, au domicile du joueur.
"Manque de constance"
L'accusation initiale d'un viol sur le coffre de la voiture de Brandao, garée sur une aire de service de l'autoroute, n'a pas résisté à l'enquête. Le footballeur n'avait jamais changé un iota dans son récit de la soirée évoquant des relations sexuelles consenties. La plaignante a toujours maintenu avoir opposé son refus, mais a fini par reconnaître avoir été consentante durant toute une phase des faits. En sept auditions, elle a beaucoup évolué, avouant avoir pris des initiatives d'ordre sexuel qu'elle avait tues dans un premier temps. Le juge relève "le manque important de constance et de précision dans ses déclarations, s'agissant du déroulement de la soirée, de la chronologie de l'acte sexuel..." Mais c'est l'expertise de son iPhone qui a convaincu la justice de la fragilité de l'accusation. Sur les 1 300 messages conservés depuis janvier 2011, pas un n'était daté de cette nuit-là et vingt photos prises dans ce créneau horaire avaient été supprimées.
Les experts ont retrouvé les textos effacés, écrits dans les jours précédant le dépôt de plainte le 4 mars. Plusieurs évoquaient la nécessité d'entrer en contact avec Brandao et de le piéger : "On lui dit fais un chèque ou on porte plainte pour viol et voiture cassée lol". Un autre texto évoque la somme de 5 000 € en contrepartie d'un non-dépôt de plainte. Un certificat médical du 4 mars à 22 h 30 évoquant une fissure anale en voie de cicatrisation avait semblé accréditer les dires de la plaignante. Mais l'interne qui l'avait examinée une heure seulement après le présumé viol n'avait pas constaté de plaie. "Et vues les déclarations de viol de la patiente, j'ai fait très attention à mon examen", a insisté l'interne. Le pantalon que la plaignante disait déchiré lors de l'agression ne l'a jamais été.
Drôles de SMS
Des SMS échangés entre les deux jeunes femmes et avec un ami à Paris ont jeté le trouble. À un moment où les échanges entre le joueur et R. sont unanimement reconnus comme sensuels et consentis, la jeune femme expédie : "je t'apl en rentrant c horrible". Un autre, "Brandao et son cousin ns ont pris en otage", est accompagné d'un smiley souriant. "L'instruction n'a pas permis de résoudre la contradiction résultant de la distorsion entre le ressenti négatif renvoyé par la plaignante à son ami au moyen de textos et le ressenti apparemment positif renvoyé à Brandao, lequel a pu comprendre la pratique d'une nouvelle fellation et l'échange des numéros de téléphone comme autant de signes favorables à la poursuite de la relation sexuelle". Tous les témoins, joueurs de l'OM ou videurs de boîte, ont présenté Brandao comme un garçon calme et réservé à la personnalité aux antipodes des faits reprochés.
"Tout cela a été très difficile pour moi..."
Brandao assure avoir "beaucoup attendu mais sereinement" cette décision de non-lieu qui consacre sa non-implication dans le dossier de viol pour lequel il avait été mis en examen le 9 mars2011. "Je veux qu'on dise maintenant que tout est réglé , c'est important que tout le monde sache que je suis innocent", déclare l'attaquant aujourd'hui dans l'effectif de l'AS Saint-Étienne. Le joueur qui s'est confié à La Provence tient à "remercier les supporteurs de l'OM qui (l)'ont aidé, qui (l)'ont motivé et ont cru en (lui)".
Il aspire désormais à ce que la presse ne parle de lui que pour ses prestations sportives, notamment au Brésil où cette affaire a fait couler beaucoup d'encre. L'un de ses avocats, Me Christophe Bass, salue "son courage. Il a été lâché par beaucoup de monde, on lui a tourné le dos et a fait l'objet de railleries". Pour l'avocat, ce dossier "est la triste illustration que la présomption d'innocence n'a de sens que pour les professions judiciaires. Pour l'opinion, mise en examen rime avec condamnation et cela laisse des blessures indélébiles". "Il est important qu'on prenne en compte la parole d'une femme qui dit avoir été violée, estime Me Patricia Clusan, autre défenseure du joueur . Ç'aurait été choquant qu'il n'y ait pas d'enquête mais il est encore plus insupportable de bafouer la présomption d'innocence".
Luc LEROUX