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LES RIVERAINS SE MOBILISENT POUR ATTIRER L'ATTENTION DES POUVOIRS PUBLICS; Les voisins en colère passent à l'attaque
Stéphanie habite au 9e étage de la résidence Michelet-Prado, la barre d'immeubles de 800 logements située en face du stade Vélodrome. Mardi avant le match OM-Tottenham, sur les coups de 17h50, elle a eu la désagréable surprise de recevoir un mortier sur son balcon (photo 2). "Le rideau a commencé à cramer, on vient de l'éteindre. Heureusement que mon chat n'était pas dehors... Ils ont tous 10 g d'alcool, c'est insupportable. Ce n'est pas le fait qu'il y ait du monde en bas ni du bruit, qui me dérange, mais il y a trop de pétards, trop de feux d'artifice... C'est trop de dangerosité et d'insécurité. Et c'est de pire et en pire", témoigne-t-elle, furieuse. Près de deux mois plus tôt, en marge de la rencontre contre Francfort, une fusée éclairante avait fini sa course sur le balcon d'un couple de retraités installé au dernier étage, le 14e (1).
C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase du mécontentement des riverains. De pétition en création d'un collectif, en passant par l'envoi de courriels aux élus, Abderrahmane, locataire au 2e étage (où il a installé une banderole "OM oui, mortier et déchet Stop", 3), a décidé d'agir. Avec les autres résidents, il a laissé exploser sa colère lors de la réunion publique annuelle (prévue dans le contrat qui lie l'OM à la ville de Marseille), qui se tenait au Vélodrome en présence des riverains (habitants et commerçants, CIQ), des élus du secteur, du syndic de copropriété, du gestionnaire du bâtiment (Erilia), mais aussi de l'OM, représenté par son directeur général adjoint, Laurent Colette. "C'est la première année où on a ce retour", confirme Martin D'Argenlieu, directeur général du Vel'.
Entre le boucan des pétards jetés sous les porches de la résidence, dont les vibrations se font ressentir jusque dans les appartements, et les attroupements de supporters, d'où émanent des effluves d'alcool (anisé et houblonné), de marijuana et d'urine (pas de toilettes publiques), quand il ne s'agit pas des odeurs de barbecues sauvages, le lieu est devenu invivable. Ajoutez à cela le stationnement anarchique, l'intrusion dans les halls, la détérioration des parkings souterrains et de leurs voitures, ainsi que l'amoncellement de déchets, le tableau est cauchemardesque.
"L'abandon total"
Tel est leur quotidien quand l'OM dispute un match à domicile (25 fois sur l'année 2022 avant la rencontre de ce soir). "Les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités. Ce n'est pas parce qu'on habite en face du stade qu'on doit se terrer chez nous", peste Stéphanie. "On est pour l'OM, mais là, ça suffit. Et quand on se plaint, ils nous agressent", craque Nawell, au 12e étage. Logé au 11e depuis 2017, Luan abonde : "Quand on va voir les jeunes, ils nous disent qu'ils s'en battent les cou... ! 'C'est Marseille, c'est comme ça. Trouve une villa si t'es pas content...' Quand on appelle le syndic ou la préfecture, ils se rejettent la faute. Et la police ne vient jamais, elle est inexistante pour nous." "C'est infernal, prolonge Franck, niché au 10e depuis dix ans. On a des bébés, on doit tout fermer, se barricader, ne rien laisser ouvert. Ça n'arrête jamais... Et quand il y a des bagarres entre supporters, même les gaz lacrymogènes de la police rentrent dans les appartements... Si un feu se déclare, les pompiers ne peuvent pas accéder au bâtiment ! Je comprends qu'on aime le ballon, mais il y a des limites, il faut respecter les gens qui vivent ici." Du 4e étage, Alhem est au bord de l'épuisement : "C'est un enfer. Notre vie se fait par rapport aux matches. C'est angoissant, ça fait peur. Je ne sais plus quoi faire. Personne ne veut nous entendre."
"C'est de plus en plus grave depuis le confinement. C'est la fin du monde à chaque match. Je vais finir par tirer du balcon...", menace Gérard (*), 30 ans de présence au 1er étage. Anthony, lui, n'a emménagé que depuis cet été au 8e étage. "Je suis supporter, ça ne me dérange pas, mais je comprends ceux qui ne s'intéressent pas à l'OM, les familles, les personnes âgées. Ça peut vite être effrayant. Il n'y a pas de forces de l'ordre, c'est l'abandon total. Les pouvoirs publics n'en ont rien à foutre", considère-t-il.
Fermer la résidence ?
Ces riverains réclament la fermeture de la résidence pour apaiser les lieux. "Le sujet est complexe puisque la résidence Michelet-Prado est très vaste et comporte plusieurs voies. Nous étudions les possibilités de 'résidentialisation' avec le syndic de copropriété", fait savoir Erilia, le gestionnaire. Une complexité due aussi à la présence de commerces, dont deux boutiques de fans, lesquelles, selon de nombreux voisins, drainent du monde et participent au bordel ambiant. "Si on veut une vie calme, on n'habite pas en face du stade, tacle Celia, vendeuse au Bengous Shop et contre la fermeture de la résidence. Quand ça pète, ça tremble aussi ici. On comprend le voisinage à propos des pétards et de feux d'artifice, c'est dangereux", relève-t-elle. "Je ne suis pas forcément pour la fermeture car j'ai un commerce, prévient Francky, à la tête de la Boutique des supporters, où les gens s'essuient les pieds à l'entrée sur les maillots de Nice, du PSG et de l'OL. Mais je suis contre les nuisances, on essaie de faire de la prévention. Les gens se disent qu'ici tout est permis. Marseille est devenu la capitale de la 'defonçada'", résume-t-il.
La Provence