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SÉCURITÉ; Jusque-là, tout allait bien... Un important dispositif policier a été déployé à Marseille pour contenir les troubles avec les Allemands
Les événements à Nice, jeudi dernier pour la venue de Cologne, ont mis tout le monde en alerte. Près de 8 000 fans allemands avaient déferlé sur la Riviera, dont une grosse centaine de hooligans. Le centre-ville niçois avait été annexé et des affrontements avaient éclaté dans l'enceinte de l'OGCN, repoussant le coup d'envoi de la rencontre d'une heure.
Pour éviter que ces scènes déplorables ne se répètent, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, souvent débordée la saison dernière lors des matches contre Galatasaray, le PAOK Salonique et le Feyenoord Rotterdam, a publié des arrêtés d'interdiction tout en prévoyant un dispositif d'ampleur. Neuf compagnies de CRS ont été déployées dès la mi-journée, tout autour du Vieux-Port et aux alentours. La police montée a également été mobilisée. Car l'idée d'un remake à la sauce marseillaise pour la réception de Francfort, ce soir, est dans tous les esprits.
2 000 à 5 000 sans billet
Officiellement, 3 300 supporters de l'Eintracht font partie de la délégation et garniront le parcage visiteurs du stade Vélodrome, mais entre 2 000 et 5 000 fans sans billet pourraient déferler dans la cité phocéenne selon les estimations des autorités. Certains sont arrivés dès samedi à Marseille et des stickers aux couleurs francfortoises ont été vus ici et là.
Juste une poignée d'entre eux était déjà en place dès hier matin sur la terrasse d'un établissement du centre-ville, maillots sur le dos et pintes de bière la main. Mais les plus virulents, issus pour la plupart des différents groupes ultras (Adler Front, Presswerk, Droogs, Bembel Raver, Ragazzi), devaient arriver entre hier soir et aujourd'hui. Parmi eux, ceux de la Brigade Nassau (adeptes des arts martiaux et reconnaissables à leurs tee-shirts uniformes), un des groupes les plus chauds de la scène européenne, et les UF87. Francfort est d'ailleurs réputé pour ses déplacements massifs, même si, comme à chaque fois, les débordements sont l'oeuvre d'une minorité de quelques centaines d'excités.
En avril dernier, à l'occasion du quart de finale retour de Ligue Europa, les Allemands avaient même réussi le tour de force d'investir le Nou Camp de Barcelone à près de 30 000. À Séville, un mois plus tard pour la finale de la C3, des heurts avaient opposé les 12 000 Francfortois aux fans des Glasgow Rangers.
"Défendre la ville"
Au sein de la tifoseria marseillaise, quelques centaines de supporters, indépendants ou membres des groupes, ont pris leur disposition. Pour quoi faire ? "Défendre la ville", clament-ils d'une seule voix.
Un concept difficilement explicable pour le commun des mortels, qui plus est dans des démocraties et en temps de paix. "C'est dans la mentalité ultra, mais je conçois que ce soit étrange pour les gens, reconnaît André (*), ultra actif d'une des associations. C'est comme si des envahisseurs arrivaient et qu'il fallait s'organiser. Mais on fait ça car les forces de l'ordre ici sont souvent dépassées. Partout ailleurs en Europe, on voit des cortèges et des rassemblements, parfois de 10 000 personnes, qui se passent bien. C'est un problème franco-français, entre l'incompétence et l'incapacité à gérer les foules. On interdit tellement de déplacements dans notre championnat que les forces de l'ordre ne savent plus faire. C'était pareil pour l'Euro-2016 avec Russie-Angleterre ou la saison dernière avec l'OM. Et ce qui s'est passé à Nice la semaine dernière le montre encore une fois."
"Ça ne se passe pas qu'en France, on voit tous les week-ends, et partout en Europe, des cas de violence dans les stades entre supporters des deux camps, tempère un ancien des virages, qui a vu le mouvement ultra débarquer en France, au mitan des années 80. Mais c'est vrai qu'ici, c'est presque devenu systématique. Je me souviens d'un match de préparation à l'Euro-1984 entre la France et l'Écosse. Certains fans écossais, bien imbibés et simplement vêtus d'un kilt, avaient acheté des places en virage Nord. On les avait balancés hors de la tribune, certains étaient repartis en sang... Et un à poil, son kilt était resté accroché au grillage !, se marre-t-il aujourd'hui. À l'époque, l'idée n'était pas de défendre la ville, mais le virage, ce bout de territoire. La territorialité est une composante majeure de la mentalité ultra. Une fois qu'on dit ça, ça ressemble beaucoup à un jeu de rôles, voire à un prétexte pour la castagne...", observe-t-il, loin des coups de poings.
"En France, c'est open bar"
Cette mauvaise réputation française en termes d'organisation, teintée du laxisme des uns et d'impunité pour les autres, a traversé les frontières. En mai dernier, les ultras de Rotterdam avaient prévenu leurs congénères marseillais : "Chez nous (aux Pays-Bas), on ne peut rien faire. Mais chez vous, ce sera open bar", leur avaient-ils dit. Un phénomène qui ne date d'hier. "La première fois, pour moi, c'était en 1998 au moment d'Angleterre-Tunisie, rembobine André. Il n'y avait pas assez de flics mobilisés, on chargeait avec les civils !"
Aujourd'hui, Marseille fait partie des points incontournables sur la scène ultra et les groupes allemands ne vont pas manquer le déplacement.
Deux problèmes se chevauchent. Le premier concerne tout ce qui peut se passer dans la ville, et qui concerne l'ordre public. Le deuxième a trait au stade, où l'OM, dans le viseur de l'UEFA dans ce domaine, reste sous la menace d'un huis clos avec sursis. "C'est compliqué, avoue un autre ultra, qui a vécu les jets de pétards et autres mortiers de tribune à tribune contre Galatasaray et le PAOK. Si on reçoit des projectiles, on ne va pas rester sans rien faire", prévient-il alors que, dès samedi soir, un graffiti "Frankfurt not welcome" a fleuri à La Joliette, le point de rassemblement de la délégation allemande.
"Tout dépendra de ce qui se passe ce soir", décryptait hier un spécialiste de la mouvance alors que Marseillais et Allemands jouaient au chat et à la souris. La nuit promettait d'être longue...
(*) Le prénom a été modifié.
CINQ INTERPELLATIONS. Si la confrontation entre supporters a été évitée, notamment à La Joliette (2e), grâce à l'intervention des forces de l'ordre, quatre interpellations pour port d'arme prohibé ont eu lieu peu avant 22h. Une cinquième a été effectuée pour un outrage à personne dépositaire de l'autorité publique. D.T.
La Provence