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Fumigènes, bombe agricole... Comment Angers-OM a basculé dans la violence
À l'issue d'Angers-OM, le 22 septembre, une courte rixe a éclaté entre supporters des deux camps sur le terrain, qui a valu notamment au club marseillais un point de pénalité avec sursis. Récit d'une fin de soirée très agitée.
C'est une soirée qui restera gravée dans les mémoires des supporters angevins. Mais aussi de tous les acteurs qui ont eu à encadrer le match Angers-OM (0-0), le 22 septembre dernier. « On a eu un peu de boulot, en effet... », ironise un gendarme qui est intervenu pour contenir les débordements des ultras de chaque camp après le coup de sifflet final. Mais que s'est-il réellement passé avant, pendant et après cette rencontre qui n'était pourtant pas considérée à haut risque par les deux clubs ?
Un couac avant d'accéder au stade
Vers 18 h 30, les bus transportant les supporters marseillais se stationnent au niveau du parc des Expositions de la ville, route de Paris, à moins de sept kilomètres du stade Raymond-Kopa. Ce lieu de rendez-vous a été fixé lors d'une réunion préparatoire entre les deux clubs et les autorités préfectorales. Un premier imprévu fait surface : selon plusieurs sources, les différents intervenants s'étaient accordés pour que les supporters marseillais récupèrent leurs billets d'entrée à ce point de ralliement avant d'accéder au stade, encadrés par les forces de l'ordre.
Mais les dirigeants marseillais auraient remis en question l'organisation établie en préfecture avant de demander aux leurs de récupérer leur billet directement au stade. Les effectifs de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Maine-et-Loire, forts d'un escadron de gendarmes mobiles, - soit cinquante militaires - et de soixante policiers, ce soir-là, vont alors être redéployés afin d'établir un nouveau dispositif pour permettre aux 500 supporters de l'OM, dont 220 ultras, d'accéder en toute sécurité à la zone de parcage dans l'enceinte angevine. Coté marseillais, on justifie ce changement de « scénario » par l'absence d'un « guichetier » au parc des Expositions pour faciliter la remise de billets.
Des supporters de l'OM « inattendus »
Vers 19 heures, une « bulle sécurisée » est déployée derrière la tribune, actuellement en travaux, du stade Raymond-Kopa pour encadrer les supporters phocéens. Ils sont ensuite escortés vers la zone visiteurs. À ce moment-là, aucun incident n'est à déplorer, même si un afflux « inattendu » de fans de l'OM est également à contenir. « Nous nous sommes retrouvés avec 50 et 80 supporters de Marseille supplémentaires, venus de toute la région, directement aux abords du stade », confie une source proche de la préfecture de Maine-et-Loire.
Disséminés au milieu de la tribune Coubertin, celle des supporters locaux des Magic Scop et du Kop de la Butte 1992 (KDLB92), ils ont finalement été regroupés avant d'être placés à proximité du parcage visiteurs, après le refus du référent-supporter (SLO) de l'OM de les accueillir dans sa zone protégée. La même situation s'était présentée lors du déplacement de Marseille à Montpellier, le 8 août, et des bagarres avaient eu lieu entre supporters marseillais.
« Le SLO de Marseille a expliqué qu'il ne connaissait pas ces supporters, venus par leurs propres moyens, et qu'il ne voulait pas prendre la responsabilité de les récupérer dans son parcage », poursuit la même source. Un parcage dont l'ouverture a dû être repoussée après le refus des responsables marseillais de laisser y entrer leurs membres, considérant que les conditions de sécurité n'étaient pas « optimales. »
« Il a été constaté la présence de planches qui pouvaient se casser sous la pression de nos supporters, indique une source proche du club olympien. De la rubalise a été disposée pour remédier à ce problème. » Vingt minutes plus tard, après le passage des délégués de la LFP, qui ont délivré un avis conforme, les fans de l'OM prennent place. Les forces de l'ordre sont alors positionnées dans le tunnel d'accès à la tribune Coubertin où une certaine tension commence à monter entre supporters adverses.
Des fumigènes avant le match
Quelques minutes avant le début de la rencontre, une dizaine de fumigènes sont allumés, côté marseillais, dont un qui est ensuite jeté sur l'aire de jeu. Selon nos informations, l'auteur de ce jet a été rapidement identifié avant d'être interpellé à la mi-temps. Domicilié en Loire-Atlantique, il a ensuite fait l'objet d'une audition libre. De leur côté, les dirigeants olympiens ont déposé plainte contre le lanceur. Sollicité à plusieurs reprises, notamment sur les suites judiciaires données à cet incident, le parquet d'Angers n'a pas répondu.
Les délégués de la LFP ont également relevé le « craquage » de quinze fumigènes côté angevin avant le coup d'envoi. Selon nos informations, quelques minutes avant la fin du match, le responsable sécurité de l'OM prend attache avec les forces de l'ordre afin de pouvoir disposer de leur soutien pour assurer la sortie de ses supporters, seulement encadrés par quatre stadiers de ce côté du stade. Un dispositif de sécurité trop « léger » en cas de débordement.
Une fin de match sous tension
Mais la situation va vraiment dégénérer à l'issue de la rencontre qui se solde par un nul (0-0). Alors que les joueurs sont en train de quitter le terrain, un jeune supporter de l'OM pénètre sur la pelouse avant d'être récupéré par l'entraîneur, Jorge Sampaoli. Ce mineur, qui souhaitait obtenir une tunique de l'un des joueurs de Marseille, est ensuite remis à ses parents. Le club d'Angers n'a pas déposé plainte.
Un second spectateur olympien parvient à descendre sur l'aire de jeu pour capter le maillot de Cengiz Ünder, l'attaquant international turc (36 sélections, 11 buts). Il a été interpellé avant d'être entendu par la police. Puis retentit une puissante explosion dans le parcage visiteurs alors que les ultras des deux clubs sont déjà en train de s'affairer au rangement de leurs drapeaux et autres bâches. Un ultra du groupe des Fanatics parvient à franchir les barrières Vauban disposées en bas de la tribune pour pénétrer sur la pelouse. Il est alors immobilisé par des agents de sécurité du Angers SCO.
Mais son intrusion entraîne un mouvement de foule d'une soixantaine de fans de l'OM qui se dirigent vers la pelouse. Ces derniers pensent avoir été la cible d'une bombe agricole lancée depuis la tribune Coubertin. Un ultra marseillais est filmé en train de dissimuler son visage sous un masque noir et blanc avant de venir faire le coup de poing avec ses adversaires angevins. La rixe va durer moins d'une minute entre une trentaine de supporters de l'OM et une dizaine d'Angers.
Une bombe agricole à l'origine ?
« Tout s'était bien passé jusque-là, témoigne Pierre-Antoine du Kop de la Butte 1992 (KDLB92). Il y avait un peu de chambrage mais comme à tous les matches. Puis on a entendu des détonations dans le stade. Après, on a vu des Marseillais commencer à monter aux grillages et à envahir la pelouse. Ils s'en sont pris à des groupes de supporters de chez nous qui étaient en train d'enlever le matériel. Quand tu connais l'importance des bâches pour un groupe, on s'est défendus. La presse nous a fait passer pour des voyous mais on a fait que se défendre. Nous, on s'en fout des Marseillais, en fait. »
« Je ne dis pas qu'on est des anges, il y a des cons partout, tempère Maxime des Magic Scop, qui se trouvait en bas de la tribune Coubertin. Mais là, on n'a pas compris ce qu'il se passait. Quand j'ai vu les Marseillais arriver, je n'avais qu'une idée en tête : prendre notre matos et partir ! On n'a pourtant pas de contentieux avec eux. Nous, c'est plutôt Laval ou Guingamp avec qui on peut avoir des différends. En termes de tifos, on ne pourra jamais rivaliser avec les ultras de l'OM. D'ailleurs, pendant le match, ils ont été puissants. »« Moi, j'ai défendu les mecs de mon groupe, ajoute Pierre-Antoine. Il y avait des jeunes en danger. Si on n'était pas intervenu, les mecs seraient rentrés dans la tribune où il y avait des familles aussi. La sécurité du stade était totalement dépassée, la police aussi. »
La police, plus précisément la section d'intervention rapide (SIR), - douze fonctionnaires spécialement formés pour opérer lors d'une manifestation sportive - est déjà positionnée à l'arrière du parcage visiteurs. L'escadron de la gendarmerie mobile a, lui, repoussé les Angevins dans leur tribune. Toujours selon nos informations, au cours de cette rixe, plusieurs observateurs notent une certaine « passivité » chez les stadiers marseillais pour empêcher les fans phocéens de pénétrer sur le terrain. « C'est une interprétation, on réfute que nos stadiers se soient montrés passifs », fait-on savoir du côté de l'OM.
« On nous a surtout refusé de pouvoir mettre des stadiers en bas du parcage, au bord du terrain, pour éviter les débordements », regrette la même source. À l'extérieur du stade, la sortie des supporters visiteurs va encore être émaillée de violences. Trois spectateurs, porteurs des couleurs du club phocéen, sont agressés par une dizaine de supporters angevins. Les hommes de la sécurité publique (DDSP) reconduisent les groupes marseillais jusqu'à leur bus et font leur possible pour escorter les supporters venus seuls jusqu'à leur véhicule. Une fois le calme revenu, l'exploitation des enregistrements des caméras de vidéosurveillance du stade permet de comprendre ce qui a mis le feu aux poudres : on y distingue un ultra marseillais lancer un « pétard à corbeau » (une bombe agricole) dixit un officiel, qui retombe juste à l'extérieur... de son propre parcage.
Après avoir tenté avec d'autres camarades de le repousser plus loin, l'engin explose aux pieds de la zone visiteur. Les Marseillais pensent alors à une agression... Deux autres bombes seront encore jetées depuis le parcage de l'OM, en direction de la tribune angevine. Au début du mois de novembre, quatre supporters d'Angers, dont certains sont membres du KDLB 92, ont été interpellés puis placés en garde à vue pour avoir pénétré sur la pelouse et s'être battus avec leurs opposants marseillais, selon une source judiciaire. Un cinquième a été convoqué pour audition. Selon nos informations, tous les cinq seront renvoyés devant le tribunal, le 31 mars 2022, pour y être jugés. Quatre d'entre eux sont interdits de stade jusqu'à l'audience. Les supporters marseillais auteurs présumés des jets de bombes agricoles restent, eux, à identifier.
« La Ligue sanctionne l'ensemble des supporters de l'OM alors que ce sont quelques personnes identifiables qui ont débordé, relativise Pierre Gasté, le SLO du Angers SCO. Avant le jet de cette bombe, la plupart des supporters marseillais étaient calmes. C'est dommage. » Après avoir accusé, dans un premier temps, les supporters locaux de ce jet de pétard, la direction de l'OM a fait machine arrière. Dans un premier temps, le club avait décidé de ne pas faire appel de la sanction prononcée par la commission de discipline de la LFP (1 point de pénalité avec sursis, parcages visiteurs réservé aux Marseillais fermés jusqu'au 31 décembre). Avant, au sujet du retrait de point, de saisir finalement le CNOSF, qui l'a débouté jeudi.