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Comment les Ultras de l'OM ont gagné le combat contre la direction
La mise à pied, vendredi, de l'ancien bras droit de Jacques-Henri Eyraud - Thierry Aldebert - marque la victoire des supporters face à la précédente direction marseillaise.
Lors des échanges avec le propriétaire de l'OM, Frank McCourt, en début de semaine, son départ était réclamé par tous les groupes de supporters du club, sans exception. Directeur général adjoint en charge de l'exploitation du Vélodrome, Thierry Aldebert a été mis à pied vendredi matin par l'OM, en attendant de définir les modalités de son limogeage. Âgé de 46 ans, cet ancien colonel de la gendarmerie avait rejoint le club en janvier 2017 comme directeur de la sécurité.
Grand et svelte, il figurait dans le premier cercle de Jacques-Henri Eyraud, admirateur de la discipline militaire. S'il avait pris du galon depuis son arrivée, ce fana de vidéosurveillance, qui faisait croire aux salariés de l'OM qu'il pouvait tout savoir sur eux en un claquement de doigts, était resté le principal conseiller de « JHE » sur la question des supporters. Partisan d'une ligne dure, il n'accordait grâce, comme son président, qu'à Rachid Zeroual, l'égérie des South Winners, le seul groupe un peu ménagé par ses services.
Dans leur viseur, une autre association du virage sud, le Commando Ultras 84, plus simplement surnommé les Ultras, rétive à toute discussion depuis des années et souvent sanctionnée par le club. « Le CU84 s'est radicalisé et a coupé tout contact depuis près d'un an », dit JHE dans le dernier So Foot, publié vendredi. Un euphémisme. Chantre de la contestation, via son noyau dur ou bien sa mouvance autonome des anciens, la Vieille Garde, le CU84 s'oppose idéologiquement à la direction depuis plusieurs saisons, que ce soit sur la pyrotechnie ou sur la fan expérience. Avec les Fanatics, il a notamment monté les rassemblements devant le Vélodrome en marge d'OM-Montpellier, le 6 janvier, puis d'OM-Nîmes, le 16. La démission d'Eyraud était réclamée, les fumigènes illuminaient le boulevard Michelet.
Présent sur le parking du centre au début de la prise de la Commanderie, le 30 janvier, Aldebert ne suit pas ses stadiers et vigiles, qui vont eux au contact des supporters près du bâtiment sportif, pour faire tampon. Il ne s'affole pas et ce week-end là, il comprend vite, comme Eyraud, que l'occasion était belle d'acculer ce groupe. Les deux hommes pensaient dissolution. Fort du soutien de McCourt, en relation avec la préfète de police Frédérique Camilleri, Eyraud a enchaîné les entretiens pour dénoncer les casseurs et il comptait sur ses réseaux haut placés.
Labrune avait conseillé la prudence à Eyraud
Le 31 janvier, sur BFM TV, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal s'émouvait à son tour : « Ce sont des images absolument scandaleuses ». Politiquement, Eyraud semblait alors jouer sur du velours, imaginant l'opinion publique favorable à sa cause. Sur les images fournies par les caméras de la Commanderie, le style des Ultras, têtes de mort sur leurs vestes, était aisément reconnaissable. Leur leader sera interpellé quelques jours plus tard et, parmi les premières comparutions immédiates, on comptait 6 adhérents du groupe. Le tribunal correctionnel n'avait pas encore jugé les prévenus sur les dégradations, voire l'organisation de l'événement ? Eyraud avait un autre timing, envisageait une dissolution rapide.
Il s'en est ouvert à Vincent Labrune, président de la LFP, qu'il connaît depuis 2016. Ex-patron de l'OM (2011-2016), Labrune ne conserve pas un souvenir chaleureux des groupes de supporters phocéens et a vécu une fin de mandat cataclysmique. Il avait déjà averti Eyraud sur le double jeu de Zeroual, le meilleur ami des présidents du club jusqu'au basculement de fin, quand il devient le principal opposant pour achever les dirigeants.
Labrune avait encore ses sources à l'OM, loin d'être fans du jusqu'au-boutisme du tandem Eyraud-Aldebert, des remontées précises, et il a demandé à Eyraud de renoncer à la dissolution, rappelant que les Ultras avaient une philosophie limpide, qu'ils n'étaient pas dans des enjeux commerciaux, ne versaient pas dans le clientélisme sur la gestion des abonnements : début 2016, le CU84 était le premier groupe à avoir paraphé la nouvelle convention liant les associations au club. Cet argument, Labrune l'a aussi servi au conseiller sports de l'Élysée, quand ils étaient en relation pour des sujets plus généraux.
Eyraud le taekwondiste aime le frontal, Labrune le joueur de billard passer par la bande. Finalement, le premier a temporisé sur la dissolution, attendant les décisions de justice, lançant les mises en demeure et le projet Agora (une initiative de concertation avec les supporters) le 15 février. Il a déclenché une dernière tempête, celle qui l'emportera, tout comme Aldebert. Mercredi matin, quand l'ex du GIGN a envoyé des mails aux groupes pour se féliciter du retour à des relations pacifiées après la venue de McCourt, son sort était déjà scellé. Son ex-bras droit à la sécurité, Hervé Chalchitis, historique du club et plus diplomate, reprendra le dossier des supporters.