Alors que l'OM a renoué l'an dernier avec les atmosphères européennes qui font du Vélodrome, sans exagérer, l'un des stades les plus volcaniques du globe (oui, on connaît la Bombonera, le Maracanã , Anfield...), le OM-Lyon de septembre 2015 n'est plus qu'un vague souvenir. Un trou de mémoire qui tranche avec "l'hystérie médiatique et politique" de l'époque, rappelle Me Dip devant le tribunal correctionnel.
Il faut dire que soir-là, si aucun blessé n'avait été à déplorer, le retour à Marseille sous les couleurs lyonnaises de l'ex-chouchou du stade, Mathieu Valbuena, abusivement accusé de "traîtrise", avait déclenché la fureur des virages. Bilan de cette sale soirée : des altercations dans et autour du stade et neuf interpellations. Dans les semaines qui suivirent, la plupart des mis en cause avaient été condamnés à des courtes peines. Tous sauf deux responsables des Yankee : Zakaria Kehfi et Hamma Alhousseini, qui ont, eux, dû attendre... trois ans. "Alors qu'ils ont reconnu les faits dès le départ !", grince Me Daurat, l'avocat du second.
Les faits ?"Au moment du corner tiré devant le virage Nord par Valbuena, quand ça a chauffé, j'étais sur le grillage. C'est ce qu'on avait convenu avec la sécurité de l'OM avant le match. Je surveillais que personne ne grimpe et je voulais empêcher que ma bâche se détache", raconte Zakaria, 24 ans, chemise blanche et ton posé. "C'est à ce moment qu'un stadier que je ne connaissais pas, employé par une société privée, m'a attrapé par le pied pour me faire descendre. J'ai refusé. Il a dit qu'il allait me tuer. Cette parole m'a fait basculer. Je lui ai mis un taquet", regrette-t-il. Son collègue, Hamma Alhousseini, 27 ans, s'est lui fait pincer pour avoir mis deux coups dans le "moulon" qui a suivi. "J'ai été emporté par la foule", soupire ce grand gaillard. Le stadier en sera quitte pour deux jours d'ITT.
À la barre, penauds et tirés à quatre épingles, les deux disent avoir déjà été "largement punis". Titulaire d'une licence en collaborateur d'expert-comptable, Zakaria a dû changer de voie. "On m'a dit que si j'avais un casier, je ne pourrais pas exercer. J'ai donc fait une formtion dans l'électricité." Autre punition, presque plus grave à ses yeux, en "quelques secondes, vous avez compromis ce qui était le sel de votre vie", résume le président. Regard triste, le prévenu acquiesce : "Oui, ça faisait 10 ans que je suivais l'OM. Ça rythmait ma vie. Les matches du dimanche. Les déplacements avec les collègues. L'organisation des animations. Jamais je n'aurais pu imaginer m'en priver... Là, ça fait trois ans que je suis interdit d'enceinte sportive. Je ne peux même pas prendre une licence amateur." Hamma Alhousseini, lui, n'a pas pu résister. "J'ai perdu mon travail d'agent de sécurité, que je kiffais, car on m'a retiré mon habilitation. Du coup, je me suis séparé avec ma copine et j'ai failli me retrouver à la rue. On m'a même empêché de me présenter dans le 13 alors que mes parents y vivent... Retourner voir l'OM, pour moi, c'était un moyen de respirer", se justifie-t-il. En octobre 2017, en effet, il a été vu dans un stade. Violation des conditions du contrôle judiciaire. Sanction : deux mois de prison ferme.
Une peine insuffisante pour le parquet, qui réclame aujourd'hui 10 mois supplémentaires et trois nouvelles années d'interdiction de stade. "Ce qui ferait six... ça suffit!", s'étouffe Me Daurat. Même des supporters du PSG qui ont gravement blessé un policier n'ont pas eu ça ! Sa vie a déjà été assez abîmée... Et cela peut vous étonner, mais le pire pour lui, c'est de ne plus pouvoir aller aux matches." Également à l'offensive, Me Dip relève que son client, contre qui le procureur a requis 10 mois avec sursis, "a un casier vierge, des études et un travail. Il n'a en rien le profil de supporter violent à éradiquer", tonne-t-elle.
Score final de ce match à prolongations ? 6 mois ferme pour Hamma, 6 mois assorti du sursis pour Zakaria. Soulagement : retour autorisé au Vélodrome pour les deux. Sauf aux Yankee, bien sûr, ce club de supporters ayant été chassé... par l'OM.
La Provence