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On ne naît pas supporter de l'OM, on le devient. Un jour de mai 1993, un soir d'avril 2018, devant une télé branchée à un groupe électrogène d'une station-service de Bamako, ou dans le brasier d'un virage du Vélodrome hystérisé par un "Capo" nommé Depé, torse nu et de dos. Et ensuite, une fois inoculé, le virus ne vous quitte plus. Il y a des périodes où il se met en sommeil, on se croit guéri, on toise ces élans puérils, puis la clameur fait boum-boum dans votre poitrine, se réveille brutalement et la passion, irrationnelle et démesurée, vous emporte dans une nouvelle bourrasque d'émotions. Comme le jour de la première frappe de Papin nettoyant une lucarne, coeur battant la chamade, enlaçant ses potes, ou un autre jour, de défaite à Bari, se roulant par terre de rage.
Une fois qu'on l'a dans le sang, à fleur de peau, l'OM rend fou : quand on a été biberonné sous les fenêtres de la Bonne Mère, bien sûr, mais avec autant de ferveur, autant de légitimité, voire davantage, quand on est tombé dedans en étant un gosse des faubourgs de Dakar, des rues de New York, Paris, Alger, Gênes, Buenos Aires, Jérusalem... Ouvrez bien les oreilles : comme Marseille, l'OM n'appartient pas aux Marseillais. Il appartient à ceux qui l'aiment.
Comment s'attrape-t-il, ce virus ? Osons une comparaison : on a coutume de dire que chaque mouvement lycéen forme et forge une nouvelle génération de militants, aspirés par l'ivresse d'une cause collective, plus grande que soi. Le football, le supportérisme, c'est un peu pareil. La transmission paternelle ou maternelle ne suffit pas. Le football, c'est une histoire qui s'écrit en temps réel, que l'on s'approprie au présent, pour ensuite pouvoir la raconter au passé. Mais parfois l'encre est sèche. Et ces dernières années, il faut bien le dire, à l'heure du sport mondialisé, des superproductions européennes diffusées tous les mercredis soir avec ses alignements de joueurs cinq étoiles - mais sans l'OM - la tentation était grande dans les cours de récréation, les salons de coiffure et les terrains de quartier de s'identifier avant tout au Barça de Messi, au Real de Ronaldo et, oui hélas, trois fois hélas, au PSG de Neymar.
Comment en vouloir à ces mômes ? L'OM des années 90 ou, dans une moindre mesure, le Saint-Étienne des seventies, ont offert à ces clubs un solide socle de supporters emportés par des torrents d'images et d'exploits. Des cimes tellement élevées qu'on a pu survivre aux chutes. Heureusement pour ceux d'après, l'OM de Blanc (1999), de Drogba (2004) et de coach Deschamps (2010) ont plus modestement entretenu la flamme. Et puis, par la grâce d'une épopée européenne sur laquelle aucun émir n'aurait parié un pétrodollar, d'une victoire déjà culte contre Leipzig dans un stade incandescent, les maillots bleu et blanc ont fait leur retour à la sortie des écoles. Sakai est un super-héros, Thauvin et Payet des idoles dont on se dispute le nom pour un match dans la cour... La suite est à écrire. Mais en cela, quoi qu'il arrive mercredi, l'OM et par extension une certaine idée de Marseille que portent ce club et son Vélodrome, multiculturelle, frondeuse et sans complexe, a déjà remporté la plus belle des victoires. Une nouvelle génération à ses pieds.
La Provence