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Ligue 1 : des groupes de supporteurs de l’OM sous la menace d’une dissolution
Les incidents qui ont émaillé le match entre l’OM et Lyon, dimanche 20 septembre, en clôture de la 6e journée de Ligue 1, vont pousser les pouvoirs publics et le club marseillais à modifier et renforcer leurs dispositifs de sécurité autour des rencontres au stade Vélodrome et à l’extérieur. Ils placent également les clubs de supporteurs de l’OM, au cœur d’une série de débordements ces dernières semaines, dans le collimateur des forces de l’ordre et des instances du football.
Alors que le ministre des sports, Patrick Kanner, s’est dit « écœuré » par les événements de la veille et a demandé que des sanctions soient prises contre « ceux qui ont commis ces fautes », le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Laurent Nunez, détaille au Monde plusieurs mesures. Parmi lesquelles un contrôle accru à l’entrée du stade et le retour de filets protecteurs autour de la pelouse marseillaise.
Le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, a indiqué pour sa part qu’il fallait « aider le club [de Marseille], avec les pouvoirs publics, à reprendre le contrôle de son public et notamment de ses virages », à l’issue d’une réunion d’urgence de son instance.
Sept personnes ont été interpellées
Dimanche, le jet de trois bouteilles en verre en direction du gardien de but lyonnais Anthony Lopes, peu après l’heure de jeu, a conduit l’arbitre Ruddy Buquet à arrêter le match pendant plus d’un quart d’heure. La rencontre se disputait dans un climat tendu. Sept personnes ont été interpellées dans et autour du stade, notamment pour violence sur les stadiers. Les services de police étudient les vidéos de surveillance en vue de procéder à d’autres interpellations. Le ou les responsables des jets de bouteilles n’ont, selon le préfet de police, pas encore été identifiés.
La rivalité entre les deux clubs, les tensions entre leurs présidents Vincent Labrune et Jean-Michel Aulas, qui se sont violemment interpellés à l’issue du match, et le retour sous les couleurs de Lyon de l’ancien joueur de l’OM, Mathieu Valbuena, ont cristallisé la haine d’une partie du public marseillais. Une effigie de l’international français a été symboliquement pendue au pied du virage sud alors que, quelques minutes avant le match, le maillot du joueur, qui a passé huit ans à l’OM, a été brûlé par une foule surexcitée dans le boulevard jouxtant le stade.
Une poupée gonflable à l'effigie de Mathieu Valbuena a été pendue à un gibet lors de la rencontre opposant son ancienne et sa nouvelle équipe, l'Olympique de Marseille et l'Olympique lyonnais. | amateur
Ces débordements font suite à d’autres incidents impliquant des supporters de l’OM. Jeudi 17 septembre, à Groningue (Pays-Bas), plusieurs personnes arborant les couleurs du club marseillais ont mis à sac un café en marge du déplacement de l’OM en Ligue Europa. En fin de saison dernière, une rencontre entre Marseille et Bastia avait également été arrêtée à la suite de jets de projectiles sur la pelouse du Vélodrome, entraînant, comme sanction, la fermeture pour deux matches d’une partie du virage nord de l’enceinte marseillaise.
« Une réponse forte des pouvoirs publics »
« A neuf mois de l’Euro 2016 [dont six rencontres se disputeront à Marseille], cet enchaînement appelle une réponse forte des pouvoirs publics », explique au Monde le préfet de police de Marseille. Présent dimanche soir au PC sécurité du Vélodrome, Laurent Nunez s’est entretenu avec l’arbitre de la rencontre, le représentant de la LFP et les présidents des deux clubs, pendant l’interruption. Un échange via vidéoconférence, le PC sécurité étant situé à l’opposé du vestiaire des arbitres. « La situation a été parfaitement gérée, estime M. Nunez. L’arbitre a arrêté le match à juste titre, car l’intégrité physique des joueurs était menacée par ces jets de bouteille. Nous avons déployé deux compagnies de CRS, en précisant que si les forces de l’ordre étaient à leur tour la cible de projectiles, nous demanderions l’annulation de la rencontre. Heureusement, il n’y a pas eu d’autres incidents majeurs car évacuer le stade n’aurait pas été une chose facile. »
Pour le préfet de police des Bouches-du-Rhône, les incidents d’OM-Lyon vont entraîner plusieurs conséquences. « Nous allons contrôler comment l’OM effectue ses fouilles, explique M. Nunez. Il n’est pas acceptable que des bouteilles en verre ou des fumigènes soient introduits dans les tribunes. » Autre point sensible, l’accès au Vélodrome des associations de supporteurs. A Marseille, elles sont traditionnellement autorisées à pénétrer dans le stade en amont des rencontres, pour mettre en place leurs animations. « C’est peut-être ce moment qui pose problème », note Laurent Nunez.
Après les incidents contre Bastia, lors du dernier match de la saison 2015-2016, le nouveau préfet de police de Marseille a écrit à deux des associations de supporteurs marseillais pour, explique-t-il, « leur demander d’être vigilantes à la tenue de leur groupe ». Ces lettres, à destination des Ultras et des South Winners, deux associations de plusieurs milliers de membres qui gèrent les abonnements dans le virage sud, étaient assorties d’une menace de suspension temporaire. « On peut aller jusqu’à la dissolution », souligne M. Nunez, qui doit recevoir dans la semaine le responsable des Yankees, une troisième association de supporteurs marseillais.
« L’ambiance du Vélodrome, c’est l’ADN du club »
Banderole dirigée contre Mathieu Valbuena lors de OM-Lyon, le 20 septembre à Marseille. | FRANCK PENNANT / AFP
Du côté de l’OM, on redoute une suspension totale ou partielle du stade Vélodrome, dont le virage sud était déjà sous le coup d’un sursis. Dès dimanche soir, le retour des filets de protection autour de la pelouse a été validé. Des filets retirés la saison dernière « pour tenter de créer un climat apaisé » et qui seront disposés uniquement pour « les rencontres à risques ».
Si, comme après chaque incident, une plainte contre X a été déposée par le club au lendemain de la rencontre, la remise en cause du système de vente des abonnements, concédé aux clubs de supporteurs depuis l’ère Tapie, n’est pas à l’étude. « L’ambiance du Vélodrome, c’est l’ADN du club, explique-t-on à l’OM. Si les gens remplissent le stade, c’est aussi pour voir les animations des groupes de supporteurs. »
La mise en place d’abonnements nominatifs, avec photo du supporteur, est une question sensible à Marseille où les associations la refusent catégoriquement. «J’ai constaté que contrairement à ce qui se faisait dans d’autres clubs, note, prudent, Laurent Nunez, on ne sait pas toujours qui est présent dans les tribunes. Nous n’avons pas de listes nominatives de supporteurs, ce qui ouvre la porte à une certaine immunité. » En poste à Paris lors de l’application du plan Leproux, qui a totalement modifié la fréquentation du Parc des Princes, le nouveau préfet de police de Marseille ne cache pas que cette solution reste dans l’arsenal.